5 Le système de l’apartheid : Interprétations d’une idéologie politique

Le concept d’apartheid apparaît dans les milieux nationalistes dans les années 30, au sein de l’université de Stellenbosch. Ce concept de séparation est ensuite repris par les pasteurs de l’Eglise réformée puis par les partisans du docteur Malan (1er ministre de 1948 à 1954) à la fin des années 40. L’apartheid devient alors programme principal du Parti national qui l’institutionnalise et le renforce au cours des années 50.

Dans les années 1945, l’apartheid144 est présenté par le parti national comme le seul moyen, d’une part d’assurer aux Afrikaners la place dominante qui leur revient et la conservation de leur communauté (Volk), et d’autre part de permettre aux autres nations de se développer et de s’épanouir en tant que nations distinctes et indépendantes.

Comme nous venons de le voir, la presse chrétienne réagit aux fondements religieux, historiques et théologiques de l’apartheid. Mais lors de l’arrivée au pouvoir du Parti national en 1948145, l’apartheid devient système politique, un projet de société qui va régir les relations humaines d’une façon radicale, « un idéal délirant d’ordonnancement du monde, de mise en fiche de la diversité humaine, d’endiguement de la souillure (sexuelle, morale ou politique) 146  ».

L’objet de cette partie n’est pas de réagir aux réactions des milieux journalistiques chrétiens aux grandes lois de l’apartheid, mais de comprendre quelle fut la compréhension du système d’apartheid comme système de réglementation des relations entre les races et comme idéologie. Jusque dans les années 70, la « substance » du système d’apartheid, en tant que système politique globalisant, est présentée à de plusieurs reprises dans la presse chrétienne.

L’étude de la compréhension de l’apartheid par les Français est particulièrement intéressante tant le discours gouvernemental s’attacha à présenter les aspects « bénéfiques » du système. Propagande ou pas, le message gouvernemental fut souvent, dans les premières années de la mise en place institutionnelle du système, le seul à parvenir aux oreilles de la communauté internationale.

Notes
144.

Le mot apartheid est attribué au professeur P. van Biljoen en 1935. Ce mot définit alors la politique raciale des Afrikaners. Loin du concept de ségrégation, l’apartheid est alors un principe de « séparation verticale » entre les différents groupes, un moyen donné à chaque nation de se développer séparément. Le terme apparaît pour la première fois publiquement le 26 mars 1943 dans le quotidien nationaliste Die Burger.

145.

La victoire des nationalistes fut une surprise. Malan l’emporta avec une très faible majorité et un nombre de scrutins inférieurs à ceux de l’United Party. Grâce à un découpage électoral avantageant les circonscriptions rurales (plus conservatrices), le National Party obtient 5 sièges de plus à l’assemblée. Malgré tout, cette victoire sera vécue comme une nouvelle preuve de la présence de Dieu aux côtés des Afrikaners.

146.

François-Xavier FAUVELLE-AYMAR : Histoire de l’Afrique du Sud, Paris, Seuil, coll l’univers historique, 2005, p. 33.