5-1 La compréhension du système dans les années 50 : vision stéréotypée…

Quatre journaux seront privilégiés dans cette étude : Réforme, Christianisme au XXème siècle, Les Informations Catholiques Internationales et La Croix. Le bulletin de l’Agence Fides a également été étudié, servant souvent de source à l’écriture de plusieurs articles parus dans Les Informations catholiques internationales ou La Croix.

La question sud-africaine est traitée après l’arrivée au pouvoir du Parti national au travers des mutations sociales qui touchent le pays. Ainsi, les effets des premières lois d’apartheid sont présentés sans que l’essence du système ne soit évoquée. C’est ainsi qu’un article de La Croix relate, en février 1949, les conflits raciaux entre Noirs et Indiens qui ont ébranlé la ville de Durban du 13 au 17 janvier de la même année. Ces événements donnent l’occasion au journaliste de faire un tableau des différents groupes raciaux présents dans le pays :

‘« Civilisés de fraîche date, les noirs de l’Afrique du Sud n’ont pas encore un sens très avisé des affaires. Partout ailleurs, ils se heurtent à la concurrence des Indiens, plus intelligents en naturellement doués pour le commerce […]. Quant aux Européens, tout en regrettant que des innocents aient payé pour les vrais coupables, beaucoup estiment que les Indiens n’ont reçu que ce qu’ils méritaient 147  ».’

Selon l’article, les « vrais coupables » sont les Noirs, acteurs de conflits raciaux contre les Indiens qui sont aussi présentés comme ayant « une malhonnêteté plus manifeste 148  »…

Pas de victimisation de la population noire donc ici. Le journaliste dresse un tableau sombre de la situation raciale en Afrique du Sud (taudis, criminalité…) et parle de « causes lointaines 149  » responsables du problème racial mal géré par le gouvernement. L’apartheid n’est donc pas mentionné clairement. Il n’est surtout n’est pas expliqué. Le journaliste parle tout de même d’un « ressentiment qui s’accumulait dans l’âme des noirs 150  ». Mais de la façon dont ce sentiment est présenté par le journaliste, il n’est pas orienté vers les Blancs mais bien vers la classe indienne.

En 1949, le lecteur de cet article est donc susceptible de comprendre seulement un aspect puisque l’article de La Croix parle des effets sans faire mention des causes…

Fides va traiter de la question raciale pour la première fois en 1951. Sous le titre « Problèmes de races en Afrique australe », le bulletin répercute les déclarations du délégué apostolique qui se plaint d’une « certaine désinformation […], présentant les faits sans objectivité ni compréhension» :

‘« Personne ne niera qu’il y a encore bien des imperfections dans l’édifice de la société sud-africaine, on devrait cependant reconnaître que ces problèmes relèvent en définitive des Sud-Africains eux-mêmes et qu’eux seuls peuvent et doivent en trouver solution151 ».’

L’essence du système d’apartheid n’est pas exposée dans cet article, même si le journaliste reconnaît des imperfections dans le système et que « l’autorité responsable a manqué de bonne volonté 152  ». Non seulement le mot « apartheid » n’y apparaît pas et plus que cela, il n’est pas fait mention de la présence des différentes races dans le pays. Le conflit est donc présenté d’une manière abstraite, comme un conflit interne. Le lecteur, peu au courant de la situation hégémonique des Blancs dans le pays, peut croire à un conflit inter-ethnique comme il en existe plusieurs en Afrique.

Notes
147.

« Le conflit racial en Afrique du Sud », La Croix, 25 février 1949, p. 3.

148.

Ibid.

149.

Ibid.

150.

Ibid.

151.

« Problèmes de races en Afrique australe », Fides, 31 mars 1951, NF 102.

152.

Ibid.