1-1 Le Population Registration Act (1950)

En 1950, le Population Registration Act implique une séparation rigoureuse entre les groupes raciaux. Chaque Sud-Africain se voit ainsi rattaché à une « race ». La mention de ce rattachement devra figurer sur le fameux Pass ou Reference book, « carnet » d’identité d’une centaine de pages que le Noir sud-africain devra toujours porter sur lui :

‘« Une enquête systématique va être menée par des fonctionnaires dans toute l’Union sud-africaine, en vue de donner à chaque habitant une étiquette raciale définitive 199  ».’

3 catégories de population sont alors créées : Blancs, Métis, Indigènes. Plusieurs journalistes français vont d’ailleurs réagir à cette « classification aléatoire » obéissant à une règle « arbitraire 200  ». Le reporter Michel Honorin aboutit à la même réflexion dans La Croix en septembre 1964201. Les effets dramatiques de la loi sont reproduits en 1980 dans Réforme. Sous la forme d’une fable rappelant l’épisode de la Nativité, l’article relate « l’exil » forcé d’un couple dont l’union est interdite, celui d’une femme noire (Marie) et de Joseph, « reclassé » blanc alors que sa famille reste métis :

‘« Mais les inspecteurs du bureau de classification raciale fondent leur décision sur l’apparence : la couleur de la peau, le genre de la chevelure, la largeur des narines, la forme de la tête… Parfois leur classification divise les familles : frères et sœurs, parents et enfants étant répartis dans des groupes raciaux différents 202  ».’

C’est bien l’incohérence de la classification qui est mise en évidence ici. Certes le principe choque mais ce sont aussi les moyens utilisés pour parvenir à cette classification qui suscitent des réactions outrées203. La classification raciale telle que l’ont voulue les Afrikaners s’est avérée moins radicale que prévue. En effet, l’imbrication des différentes races entraîna des classifications aléatoires. Pour trancher des cas litigieux, les fonctionnaires utilisèrent une « opération technique qui consiste à mesurer les indices crâniens et la nature de la chevelure 204  ». Si le peigne restait dans la chevelure, la personne était classée parmi les Métis. Sinon, elle était Blanche… C’est bien à ce procédé rudimentaire que fait référence l’article de Réforme précité.

Notes
199.

« Révoltante opération raciale », ICI, 15 septembre 1955, p. 6.

200.

Ibid.

201.

Michel HONORIN, « La redoutable solution de M. Verwoerd : les « Etats bantous » », La Croix, 29 septembre 1964, p. 1 à 8.

202.

Bokwe MAFUNA, « Et ils le nommèrent Jésus… », Réforme, 20 décembre 1980, p. 6-7.

203.

D’une manière générale, est dite « Noire une personnes qui est, ou est généralement acceptée, comme membre d’une race aborigène ou d’une tribu d’Afrique. Est dite Blanche  une personne qui est d’aspect blanc et qui n’est pas acceptée comme métisse. Les Métis quant à eux sont ceux qui n’ont été rattachés à aucune des 2 autres catégories » in Paul COQUEREL : L’Afrique du Sud des Afrikaners, op.cit., p. 185.

204.

« Révoltante opération raciale » (1955), op.cit.,p. 6.