3-2 Les décisions synodales dans les années 70

La presse réformée se fait l’écho du repositionnement de la NGK sur la question particulière des mariages mixtes364. Marianne Cornevin dans Réforme retrace les mesures prévues par le nouveau premier ministre Pieter Botha afin de faire disparaître les « mesures discriminatoires inutiles 365  ». Cet événement politique donne l’occasion aux observateurs de se pencher de nouveau sur les fondements théologiques donnés à l’apartheid et particulièrement sur la question des mariages mixtes.

‘« C’est sans doute la déclaration sur la « modification » possible des Sex laws qui a soulevé le plus de passion dans le grand public blanc. Mais assez curieusement la NGK (qui regroupe à elle seule 72% des Afrikaners soit plus de 40% de la population blanche) a réagi de façon très modérée, appliquant la résolution prise au dernier synode général d’octobre 1978 selon laquelle les mariages mixtes « ne sont plus strictement interdits mais restent hautement indésirables, alors que selon le synode de 1974, ils représentaient « la destruction de la différenciation entre les races voulues par Dieu » et étaient « interdits par l’Ecriture sainte » ».’

Le 5ème synode de la NGK réuni à Bloemfontein en octobre 1978 est donc une étape importante dans l’évolution théologique de l’Eglise. La nuance verbale proposée par le synode concernant les mariages mixtes, même si elle n’aura pas de répercutions importantes dans la pratique, sera cependant révélatrice de la volonté de la NGK d’endosser un nouveau visage théologique et de jouer avec plus de nuances le rôle de caution morale et religieuse à l’apartheid. Les observateurs français rendent compte avec prudence de cet « assouplissement366» qui marque une mutation réelle depuis la rédaction du document Les relations humaines à la lumière de l’Ecriture de 1974 qui avait fait l’objet de plusieurs articles dans la presse réformée française367. Réforme donne ainsi la parole au professeur Johan Heyns de la faculté théologique de Pretoria :

‘« Nous ne pouvons tout simplement plus dire et défendre des choses que nous défendions au début des années 1970 […]. Des changements politiques importants se sont produits (il s’agit en particulier de l’abolition graduelle des emplois réservés). Au cours de ces dernières années, nous avons mûri davantage et nous croyons qu’il faut considérer différemment certaines choses. Nous devons donner plus de place à la justice sociale et prêter plus d’attention à la façon dont les implications théologiques se rapportent à la réalité 368  ».’

Les événements politiques (Sharpeville puis Soweto) ont donc assurément joué un rôle dans l’évolution de la NGK vis-à-vis du système de l’apartheid. Si les observateurs français restent prudents devant cette évolution, Marianne Cornevin dans le même numéro de Réforme rappelle que la position de la NGK reste la même concernant l’existence des « Eglises-filles ». L’apartheid demeure donc bien au sein des structures ecclésiales de la plus grande Eglise réformée hollandaise d’Afrique du Sud.

Un autre élément doit être pris en compte pour expliquer ce nouvel intérêt de Réforme vis-à-vis des mutations religieuses que connaît la NGK. En effet, le journal se fait l’écho de la parution de l’ouvrage de Marianne Cornevin (aussi auteur de l’article), L’apartheid, pouvoir et falsification historique 369dans lequel elle réfute les arguments d’ordre historiques et religieux avancés par les Afrikaners pour justifier l’idéologie de l’apartheid.

Si la re-considération par la NGK de la valeur des mariages mixtes en 1979 marque un épisode important, l’histoire de l’institution va connaître un nouveau tournant en 1982.

Notes
364.

Rappelons que le Prohibition of Mixed Marriages Act (1949) interdit les unions entre personnes de races blanches et celles issues de toutes autres groupes et que l’Immorality Act (1950) interdisant toutes relations sexuelles entre groupes raciaux.

365.

Marianne CORNEVIN, « une remise à neuf de l’apartheid », Réforme, 1er décembre 1979, p. 10-12. Pieter Wilhem Botha jugea, dès son arrivée au poste de premier ministre le 28 septembre 1978, de la nécessité de réformer les aspects les plus «visuels » du système sans remettre en cause la suprématie blanche et en évitant que le pays soit mis au ban du monde. Définissant sa politique par la phrase « adapt or die ! », Vorster présente sa politique au Congrès en août 1979. Il évoque ainsi le principe d’un pouvoir partagé avec les Métis et les Indiens entériné par une nouvelle Constitution prévue pour 1984 et s’engage à faire disparaître les aspects les plus « humiliants » du système. D’un point de vue économique, Vorster se prononça pour une ouverture vers les milieux d’affaire anglophones.

366.

L’assouplissement est en effet bien relatif puisque au cours du même synode, la NGK décida notamment de refuser aux 3 Eglises filles leur proposition d’être représentée au cours d’un synode unique

367.

Voir chapitre I, 4.

368.

« Théologie et apartheid : vers le grand changement ? », Réforme, n°1806, 1er décembre 1979, p. 12.

369.

Marianne CORNEVIN : L’apartheid, pouvoir et falsification historique, Paris, UNESCO, 1979, 155 p.