3-3 Portée d’une résistance chez les réformés afrikaners

Le premier événement à toucher la NGK est d’ordre interne et se rapporte à l’existence d’un document émanant de 24 théologiens et universitaires blancs et membres de la NGK. Ce document, le Storm Kompass 370 dénonce en 44 thèses la collusion de leur Eglise avec le pouvoir et l’apartheid. Devant le refus des responsables de la NGK de discuter de ce document lors du prochain synode, les signataires sont menés à publier dans le Kerkbode, journal officiel de la NGK, une « lettre ouverte » comportant 123 signatures. Le 19 juin, Réforme revient longuement sur cet événement, parlant du « défi des 123 » :

‘« Son contenu est une dénonciation radicale de la responsabilité de l’Eglise réformée hollandaise dans la mise en place et la justification, par Bible interposée, de l’apartheid politique et de sa propre organisation en quatre Eglises séparées selon les critères de l’appartenance raciale 371  ».’

Daisy De Luze qualifie les signataires de « résistants », se préoccupant du message prophétique de l’Eglise, de sa vigilance évangélique, de son souci de réconciliation fraternelle. Il s’agit donc d’une étape importante au sein de la NGK, même si l’initiative reste marginale au sein d’une structure ecclésiale qui reste étroitement liée au pouvoir politique. L’article reproduit plusieurs passages de la lettre, en mettant en valeur le ton volontairement accusateur utilisé par les signataires, désireux d’amener les dirigeants de la NGK à se pencher sur leur responsabilité théologique en matière de ségrégation raciale et à les conduire à faire leur « mea culpa », seul moyen de permettre une future réconciliation :

‘« La NGK doit, dans cette perspective, reconnaître et confesser sa culpabilité avec humilité et repentance. Cette culpabilité est fondée sur l’injustice commise depuis si longtemps par les Blancs au préjudice des Noirs372 ».’

Alors que les fondements théologiques donnés à l’apartheid ont déjà fait l’objet de plusieurs articles dans la presse chrétienne française, le Storm Kompass, témoignant des mutations des positions théologiques de la NGK en matière de ségrégation, entraîne une nouvelle prise en compte des observateurs réformés sur cette question qui demeure épineuse au sein de la famille réformée internationale. Si cet événement témoigne d’une évolution positive de la NGK en matière raciale (le titre de l’article « une boussole dans la tempête » témoigne de cet espoir), la réformée Daisy de Luze sait que le changement sera long :

‘« Longue et difficile sera la route pour ceux qui ont eu le courage de publier le Storm Kompass, pour ceux qui ont signé la « lettre ouverte » parue la semaine dernière dans le Kerkbode, pour ceux qui s’engagent dans une mission de réparation et de réconciliation afin de faire disparaître le malheur accumulé depuis si longtemps, pour tous ceux qui, à l’intérieur des paroisses, devront expliquer, convaincre, éclairer des communautés profondément enracinées dans une certaine manière de voir et de comprendre leurs relations avec leurs frères d’autres races 373».’

Daisy de Luze fait une nouvelle fois mention de la « lettre ouverte » dans Réforme en juin 1984, rappelant l’importance considérable du document dans lequel « enfin, ils affirmaient [signataires théologiens et membres de la NGK] qu’aucune des lois raciales ne peuvent se justifier par les Ecritures 374  ». Ce nouvel article au titre optimiste (« des craquements dans l’apartheid ») met en évidence une réelle évolution théologique et quelques changements dans la société sud-africaine, notamment une certaine « déségrégation de l’Eglise dans certaines régions 375  ».

Notes
370.

Le Storm Kompass qui sert de source à la lettre ouverte des 123 signataires a été rédigé en décembre 1981 et circule depuis cette date dans les Eglises réformées d’Afrique du Sud.

371.

Daisy de LUZE, « Eglise et apartheid en Afrique du Sud : une boussole dans la tempête », Réforme, 19 juin 1982, p. 12.

372.

« Eglise et apartheid en Afrique du Sud… » (1982), op.cit., p. 12.

373.

Ibid.

374.

Daisy de Luze, « Des craquements dans l’apartheid », Réforme, n°2043, 9 juin 1984, p. 8.

375.

Ibid.