3-4 La NGK et la NHK sanctionnées : retrait du soutien théologique, doutes des observateurs

Un article de Réforme en décembre 1982376 rend compte d’un nouvel événement à l’envergure internationale et touchant de nouveau les Eglises réformées hollandaises d’Afrique du Sud. En juillet 1982, deux d’entre elles, la NGK et la NHK, sont exclues de l’Alliance Réformée Mondiale (ARM) à la suite de sa 21ème Assemblée générale réunie à Ottawa en août. La raison de l’exclusion est présentée de la façon suivante :

‘« L’apartheid est un péché, sa justification morale et théologique est une parodie de l’Evangile et le mépris persistant qu’il traduit pour la Parole de Dieu est une hérésie 377 ».’

Par cette condamnation, c’est bien le soutien que les deux Eglises apportent au système d’apartheid qui est dénoncé. Un tel acte montre également la volonté des Eglises réformées du monde378 de placer le problème d’apartheid au centre de leurs préoccupations379. Il est encore fait mention de cette condamnation dans Les Actualités religieuses dans le monde en 1986 :

‘« Comme l’a déclaré l’ARM à Ottawa, la lutte contre l’apartheid est devenue un « status confessionis380 », c'est-à-dire un problème qui est la pierre de touche de la réalité de notre pays381  ».’

La même mention est faite dans un article de Réforme qui parle de l’année 1982 comme l’année de la prise de conscience, au sein de l’Alliance réformée mondiale, du lien existant entre les 2 Eglises afrikaners et le système d’apartheid :

‘« Ne nous payons pas de mots : suspension signifie peut-être que ces Eglises restent membres potentiels. Mais elles sont de fait exclues de l’ARM tant que leur position, c'est-à-dire leur refus d’ouvrir leurs Eglises aux Noirs, est maintenue382 ».’

Quelques mois plus tard, Les Actualités religieuses dans le monde rendent compte d’une nouvelle évolution théologique au sein de la NGK, « une nouvelle brèche dans le dernier pilier religieux du régime d’apartheid 383  », cette dernière retirant toute caution biblique à l’apartheid. Si l’article relève le caractère positif de cette évolution, le pasteur Pierre Couprie384 se fait moins optimiste dans le Journal des missions évangéliques 385 . Si le synode de la NGK de 1986 a bien retiré toute justification biblique au système d’apartheid, l’Eglise réaffirme dans un document (Church and society) qu’elle distingue séparation et discrimination. Bruno Chenu dans un article de La Croix reproduit un passage de ce rapport, mettant ainsi en évidence la lente évolution de la NGK :

‘« Une séparation forcée et une division des peuples ne peuvent être déduites de la Bible comme une prescription. La tentative de justifier cette prescription à partir de la Bible doit être considérée comme une erreur et être refusée (n°305)386 ».’

Plusieurs lignes de La Croix rendent compte du même débat et de la conclusion exprimée lors du synode de la NGK de 1986 qui « témoigne d’une évolution intéressante de l’Eglise réformée hollandaise» :

‘« La grande question qui se posait à ces chrétiens blancs était évidemment : l’apartheid peut-il être justifié ? La réponse est claire : c’est une erreur de justifier l’apartheid par l’Ecriture 387   ».’

Le Christianisme au XXème siècle rend également compte de cette opposition naissante au sein de la NGK. En juillet 1984, Antoine Jaulmes retrace dans un long article l’évolution des positions de l’Eglise depuis les années 60, parlant d’un mouvement de contestation très marginal jusqu’à la lettre des 123, véritable tournant qui aida à l’adoption, par le synode de l’Eglise en 1983, à l’adoption de 4 points majeurs388 et concluant que « le glas semble sonner pour les justifications de l’apartheid 389  ».

Notes
376.

« Eglise et apartheid », Réforme, 30 octobre 1982, p. 10.

377.

Bruno CHENU : Théologies, chrétiennes… , op.cit.,p. 110. A la suite de cette condamnation et symboliquement, c’est le pasteur métis sud-africain Allan Boesak, membre de la Nederduitse Gererformeerde Sendingkerk (Eglise fille de la NGK) qui fut élu à la tête de l’Alliance réformée mondiale.

« We declare, with Black Reformed Christians of South Africa that apartheid  separate development is a sin, and that the moral and theological justification of it is a travesty of the Gospel, and in its persistent disobedience to the Word of God, a theological heresy » in « Racism and South Africa» , Reformed Press Service, n°206, septembre 1982.

378.

Créée en 1875, l’Alliance réformée mondiale rassemble plusieurs Eglises congrégationalistes, presbytériennes, réformées et unies dont les origines remontent aux mouvements de Réforme du XVIème siècle. Au début des années 90, elle rassemble plus de 70 millions de membres, répartis au sein de 182 églises de 90 pays.

379.

A la suite de ces exclusions et en guise de geste symbolique, la pasteur métis Allan Boesak de la Nederduitse Gereformeerde Sendingkerk (NGS) a été choisi comme nouveau président de l’Alliance.

380.

Un Status confessionis est déclaré lorsqu’une situation exige une confession de foi, dans un temps où l’Eglise doit prendre publiquement une position nette et tranchée sur une question particulière.

381.

Bertrand de LUZE, « En Afrique du Sud, les Chrétiens n’ont plus le choix », ARM, 15 juin 1986, p16.

382.

« Les protestants français et l’apartheid : une épine… ? » (1986), op.cit., p3.

383.

« L’Eglise afrikaner sur le chemin de Damas ? », ARM, n°39, 15 novembre 1986, p. 25.

384.

Le pasteur Pierre Couprie s’est rendu en Afrique du Sud fin 1987 dans le cadre d’un voyage organisé par l’organisme Cléo (Culture, loisirs et œcuménisme) et réunissant des Chrétiens catholiques et protestants.

385.

Pierre COUPRIE, « Est-ce la fin de l’apartheid en Afrique du Sud ? », Journal des missions évangéliques, avril-juin 1988.

386.

B. CHENU, « Apartheid : l’itinéraire de l’Eglise réformée hollandaise », La Croix, 9 février 1990, p. 15.

387.

Bernard DOLON, « La caution religieuse se dérobe », op.cit., p. 15.

388.

«  1- L’apartheid est un péché « s’il prend la forme d’une discrimination sociale » (sic).

2- L’interdiction des mariages mixtes est « en contradiction avec l’éthique biblique chrétienne ».

3- L’essence du mariage est « l’amour entre 2 êtres libres » ; cette liberté d’aimer ne peut être abolie par le gouvernement.

4- La décision synodale d’ouvrir les NGK du Cap à toutes les races est exécutoire immédiatement », in « Est-ce la fin de l’apartheid… », op.cit.

389.

Antoine JAULMES, « Ils étaient 3 Sud-Africains… », Le christianisme au XXème siècle, n°28, 9 juillet 1984, p. 3.