5 Les émeutes de Soweto (16 juin 1976), une date charnière

1976 est une année tournant dans l’histoire de l’Afrique du Sud et dans l’évolution du système d’apartheid. Les émeutes de Sharpeville ont eu comme conséquence de bâillonner les principaux mouvements d’opposition noire : alors que l’ANC et le PAC subsistent en exil, les principaux responsables de l’Umkhonto sont arrêtés à Rivonia près de Johannesburg en juin 1963. Nelson Mandela fait parti des prévenus accusés de complot révolutionnaire. Jugés lors du procès dit de Rivonia (1963-1964), 8 sur 9 d’entre eux sont condamnés à la réclusion à perpétuité431.

Le gouvernement afrikaner s’est comme figé au sein de sa forteresse, dans le « confort » des lois de l’apartheid432 en place depuis les années 50 et dans la mise en place d’un nouvel arsenal répressif visant à saper toutes tentatives ou actes d’opposition au régime433. Cette menace répressive n’empêche pas dans les années 70 la naissance d’une contestation noire plus radicale au sein de la classe étudiante. En 1968, Steve Biko434 fonde le syndicat d’étudiants South African Students Organisation (SASO), syndicat noir rompant avec d’autres organisations étudiantes aux mains des Blancs435. C’est au sein de cette structure que naîtra le mouvement de la Black Consciousness et la plate-forme politique du Black People’s Convention (1972). Cette nouvelle inspiration politique traduit la nette volonté de la jeunesse noire de rompre avec la conception d’une société multiraciale et avec une philosophie de tendance libérale. Les années 70 s’amorcent ainsi dans un climat de renouveau au sein de l’opposition.

La question sud-africaine et l’évolution du système d’apartheid ne sont que très peu répercutées dans la presse chrétienne française dans les années 60 et c’est à partir de 1976 que les observateurs tourneront de nouveau un regard attentif vers l’Afrique du Sud.

Notes
431.

Parmi eux, Nelson Mandela, Walter Sisulu, Govan Mbeki et Raymond Mhlaba, tous dirigeants de l’ANC.

432.

Si la situation politique semble être à l’état d’immobilité dans les années 60, l’Afrique du Sud voit se redessiner avec une certaine inquiétude la géopolitique des pays voisins. En 1964, c’est la Rhodésie du Nord (Zambie) et le Nyassaland (Malawi) qui acquièrent leur indépendance. Entre 1966 et 1968, c’est au tour de 3 territoires d’Afrique australe anciennement administrés par la couronne britannique de devenir indépendant : le Lesotho et le Swaziland (monarchies constitutionnelles) ainsi que le Botswana (régime présidentiel).

433.

A partir de 1962, le délit de sabotage encourt la peine capitale. En 1963, la police voit ses pouvoirs accrus pour interroger les suspects. La durée légale de garde à vue augmente, passant de 12 jours en 1962 à 180 jours en 1965. En 1967, le terrorism Act punit tout acte de terrorisme, terme vague qui rassemble toutes les activités susceptibles de porter atteinte à l’ordre établi. « Opposition et subversion deviennent synonymes, permettant l’amalgame entre préservation de l’ordre et maintien du parti au pouvoir au nom de la lutte contre le terrorisme qui ne peut être que d’inspiration communiste », in P. COQUEREL, l’Afrique du Sud des Afrikaners, op.cit., p. 228.

434.

Je reviendrai sur la personnalité de Steve Biko et le mouvement de la Conscience noire.

435.

Le National Union of South African Students était un syndicat certes multiracial mais dont l’organisation était aux mains des blancs.