2 Une voix catholique primordiale : Mgr Denis Hurley (1915-2004)

2-1 Courte biographie 736

Denis Hurley naît au Cap le 9 novembre 1915. En 1931, il rejoint les Oblats de Marie Immaculée et est envoyé en Irlande pour y effectuer son noviciat. En 1933, il se rend à Rome pour poursuivre des études de théologie et de philosophie. Parallèlement, il est ordonné prêtre en 1939 et rejoint l’Afrique du Sud en 1940, date à laquelle il prend la charge de la cathédrale St-Emmanuel à Durban. En 1943, il est nommé Supérieur de l’institut de scolastique de Pietermaritzburg et trois ans plus tard, il est nommé vicaire apostolique du Natal. Le 19 mars 1947, il devient évêque de Durban (il est alors le plus jeune évêque du monde). En 1951, il devient le premier archevêque de Durban et l’année suivante, il devient le président de la Conférence des évêques d’Afrique d’australe (SACBC). Il conservera ce poste jusqu’en 1961, année où il intègre la Commission centrale pour la préparation du concile Vatican II. Durant le concile, il est membre de la Commission pour la formation des prêtres et l’éducation chrétienne. La période conciliaire influencera considérablement son devenir, bien que son engagement contre le système d’apartheid soit déjà net dans les années 50. Son implication lors du Concile concernant la réforme de la liturgie le conduit à jouer un rôle primordial au sein de la Commission internationale pour l’anglais dans la liturgie (ICEL : International Commission on English in the liturgy ). Il en devient président en 1975 et occupera le poste jusqu’en 1991737.

1976 est une année tournant pour l’Afrique du Sud comme pour Mgr Hurley. Il crée cette année-là le centre Diakonia rassemblant huit Eglises chrétiennes désireuses de se mobiliser et de s’engager activement dans un combat social738. En 1981, il est de nouveau président de la SACBC (il le restera jusqu’en 1987) et sera ainsi impliqué directement dans les déclarations les plus engagées de la Conférence épiscopale. Il quitte l’archidiocèse de Durban en novembre 1991 et se retire de la vie ecclésiastique en octobre 1992. Il meurt le 13 février 1994.

Si la lecture des différentes lettres épiscopales montre que l’Eglise catholique a mis du temps à adopter des positions nettes sur les réalités de l’apartheid et sur ses effets, l’engagement personnel de Mgr Hurley est d’une incroyable précocité. Dès 1942, alors jeune curé de 26 ans de la cathédrale de Durban, il dénonce déjà « la mauvaise distribution des ressources 739  ». En juillet 1949, il publie dans le journal catholique sud-africain Southern Cross une série d’articles avec le titre général « Catholic action in South Africa740 ». L’engagement de Mgr Hurley vis-à-vis de la question de la Colour bar (accès réservé aux emplois) est déjà net, à une époque où la structure catholique n’apporte encore aucune réponse aux premiers développements de l’apartheid.

La presse chrétienne étudiée ne reproduira pas ces déclarations. Le nom de Mgr Hurley apparaît lors de la parution de la première lettre de la Conférence épiscopale dont il assure la présidence741. Les premières prises de position individuelles reproduites dans la presse catholique font suite à la promulgation des lois et amendements sur l’éducation (Bantu Education Act de 1953) etsur la ségrégation dans les lieux de culte (Native Laws Amendment Bill de 1957), ce dernier amendement étant qualifié par Mgr Hurley « d’ingérence injustifiable dans les affaires religieuses 742  ».

Notes
736.

Les ICI se penchent sur le parcours spirituel de Denis Hurley dès 1969. Voir « Mgr Hurley (Durban) nous raconte sa « conversion » », ICI, n°330, 15 février 1969, pp. 20-21. Voir également Paddy Kearney : Memories : the memoirs of archbishop Denis Hurley, Cluster publications, 2006, 200p.

737.

L’ICEL avait comme fonction de traduire les liturgies élaborées à partir de Vatican II pour les pays anglophones et d’encourager l’adoption de liturgies communes à différentes dénominations chrétiennes anglophones, dans un esprit d’œcuménisme.

738.

Diakonia rassemblait en fait une centaine de représentants de huit Eglises chrétiennes (parmi lesquelles l’Eglise catholique, méthodiste, épiscopalienne, anglicane, luthérienne, méthodiste…).

739.

Cité dans B.CHENU, l’urgence prophétique, op.cit., p. 213.

740.

Mgr Hurley écrit notamment : « La barrière raciale est une lourde pierre attachée au cou de l’Eglise catholique en Afrique du Sud. Il n’y a rien de plus étranger ou de plus contraire à la manière de penser catholique que les rigides barrières sociales et économiques érigées pour protéger la pureté de la race et la suprématie économique des Européens en Afrique du Sud », in Southern Cross, 20 juillet 1949, p3. Traduction de B. CHENU, L’urgence prophétique, op.cit., p. 209.

741.

Dans un texte daté de 1993, Mgr Hurley, revenant sur l’évolution de l’Eglise catholique vis-à-vis de l’apartheid qualifiera la déclaration de 1952 de prudente, théorique et paternaliste. Voir le texte “ From acceptance of segregation to rejection of apartheid : 50 years of christian evolution in South Africa” in Facing the crisis. Selected texts of archibishop D.E Hurley, Pietermaritzburg, Cluster publications, 1997, p. 190.

742.

Voir notamment « les Noirs exclus des églises… », Fides, op.cit.