3-3 Son rôle au sein du SACC

C’est encore une fois Le christianisme au XXème siècle qui relaie la prise de fonction de Desmond Tutu à la tête du SACC le 1er mars 1978. L’interview donnée à Intervox permet à D. Tutu de livrer ses sentiments sur l’identité noire en Afrique du Sud, insistant sur le fait que c’est avant tout la dignité de l’homme noir qui est attaquée par le système d’apartheid. Face à cette constatation, il rappelle la force libératrice de l’Evangile, et la résistance qui s’organise au sein des les mouvements de la SASO (South African Students’s Organization) et du BPC (Black People’s Convention), malgré les répressions et les bannissements :

‘« Le gouvernement peut tuer les gens, il peut les tourmenter, il peut les arrêter, mais il ne peut arrêter leurs pensées, il ne peut bannir leurs nouvelles attitudes 804  ».’

Nouvellement arrivé à la tête d’un organisme regroupant plusieurs Eglises chrétiennes, Desmond Tutu affirme que les Eglises doivent devenir des structures capables d’être une alternative « pour une société mercantile, une société de consommation, une société matérialiste, une société qui ne sait pas comment les gens peuvent entrer en contact 805  ». Desmond Tutu ne propose pas ici de réformes concrètes ou d’actions à mener pour un changement. Si le propos est surtout d’ordre théologique, le thème du rôle des Eglises dans la société d’apartheid deviendra récurrent et de plus en plus radical dans ses déclarations au cours des années 80.

L’interview est reprise et reformulée dans la même revue quelques semaines plus tard, reprenant les principaux points abordés : le statut des Noirs en Afrique du Sud, leurs questionnements théologiques (ils se demandent « s’ils sont vraiment des enfants de Dieu 806  »), le rôle des Eglises dont la présence « se justifie par le fait qu’elle entretient l’espoir 807  » et la question de la souffrance vécue comme étant le sort inévitable du chrétien.

C’est encore une fois Le christianisme au XXème siècle qui répercute les propos de Desmond Tutu, reproduisant plusieurs extraits d’un exposé que le président du SACC a adressé aux étudiants de l’université du Natal sur le thème, « la réalité sud-africaine 808  ». Exposant les réalités de l’apartheid et des effets sur la population noire (apartheid mesquin, sentiment d’appartenir à une race inférieure…), Desmond Tutu, alarmiste, informe que l’Afrique du Sud est engagée « dans un début de guerre civile ». Refusant le terme de « terroriste » accolé aux militants de l’ANC, il rappelle que la lutte du mouvement est avant tout celle visant à l’instauration d’une Afrique du Sud démocratique et multi-raciale. L’homme d’Eglise admet cependant qu’il est possible de ne pas être d’accord avec certaines méthodes employées, comme celle du recours à la violence.

Desmond Tutu n’apparaît plus ici comme un seul « informateur » de la situation puisqu’il propose des solutions concrètes pour le changement, solutions internes au pays, mai aussi venant de la communauté internationale, prônant l’arrêt des investissements étrangers en Afrique du Sud. D’un point de vue interne, les demandes sont claires :

‘« Le changement que nous voulons est celui qui aborde la question fondamentale du partage du pouvoir politique, ce pouvoir qui est la clé de tous les autres : économique, social, juridique… 809  ».’

Le christianisme au XXème siècle indique dans une introduction que la déclaration est également reproduite dans SOEPI. Le journal réformé français le reprend donc, sans commentaire, désireux de donner une tribune à une personnalité ecclésiastique dont le combat contre l’apartheid tend à s’affirmer.

Notes
804.

« Quelle impression cela fait d’être noir », Le Christianisme au XXème siècle, n°13, 27 mars 1978, p. 6.

805.

Ibid.

806.

« Desmond Tutu parle : Afrique du Sud, la liberté en marche », Le christianisme au XXème siècle, n°17, 24 avril 1978, p. 5.

807.

Ibid.

808.

« Une déclaration de l’évêque anglican Desmond Tutu : « nous ne nous contenterons pas de miettes » », Le Christianisme au XXème siècle, n°22, 1er juin 1981.

809.

Ibid.