4-1 Beyers Naudé, « tombé sur le chemin de Damas »…

[Beyers Naudé, « tombé sur le chemin de Damas858 »…]

En décembre 1960, Beyers Naudé participe, en tant que pasteur et modérateur de la NGK du Transvaal, à la conférence de Cottesloe organisée par le COE. Cependant, ce n’est pas avant la fin des années 70 que la presse chrétienne française va se pencher sur la biographie d’un homme tournant le dos à sa communauté et à son Eglise pour s’engager dans une lutte contre le système d’apartheid et sa justification biblique.

Joseph Limagne, dans les ICI, dresse la biographie de Beyers Naudé et met en évidence le contexte culturel et religieux dans lequel ce dernier a grandi :

‘« Beyers Naudé vient de loin. Fils d’un pasteur de l’Eglise réformée hollandaise (NGK), c’est un Afrikaner pure souche. Etudiant à l’université de Stellenbosch, il a jadis milité avec ferveur pour que l’Afrikaans soit reconnu comme langue officielle […]. Devenu pasteur à son tour en 1940, il accédera à la haute fonction de président du synode du Transvaal méridional 859  ».’

Le christianisme au XXème siècle consacre 2 articles à Beyers Naudé alors qu’il prend la succession de Desmond Tutu à la tête du SACC860. Le journal Réforme s’arrête, lui aussi, sur son itinéraire, le présentant comme « un blanc parmi les Noirs 861  ». Les 2 organes de presse s’arrêtent ainsi sur la prise de conscience d’un homme au sein d’une communauté blanche favorable à l’apartheid. Ils retiennent ainsi l’enfance de Beyers Naudé auprès d’un père membre du Broerderbond et son évolution dans un milieu conservateur. Il devient pasteur de la NGK en 1940, s’initie lui-même au contact de la société secrète dont faisait partie son père. Sa prise de conscience trouve son aboutissement à la suite de la conférence de Cottesloe :

‘« C’est alors que Beyers Naudé choisit son camp et s’engage dans la résistance à l’apartheid par le biais de la revue mensuelle Pro Veritate, et crée l’institut chrétien d’Afrique australe dont il devient le directeur au prix de sa rédaction du rôle des pasteurs de la NGK 862  ».’

La prise de conscience de Beyers Naudé s’effectue dès la fin de la conférence de Cottesloe863. Autour du pasteur, de petits groupes de chrétiens de différentes confessions se réunissent pour poursuivre la réflexion née durant Cottesloe et chercher une réponse au problème racial dans l’Evangile au problème racial864. Beyers Naudé et le groupe formé autour de lui fondent, en mars 1962 le mensuel œcuménique Pro Veritate puis en août 1963, est créé l’Institutchrétien d’Afrique d’australe (Christian Insititute). L’institut naît de la volonté de mettre en évidence le ministère « prophétique » que doivent endosser les Eglises en mettant en évidence les implications sociales de la foi chrétienne. Aux yeux d’Ariane Bonzon (Réforme), cette création marque un engagement clair de Beyers Naudé dans la résistance. Il devient ainsi « l’une des rares voix blanches crédibles parmi les militants noirs 865 ». La création de l’Institut chrétien marque ainsi une rupture radicale avec le milieu afrikaner et surtout le rejet d’une théologie d’Eglise justifiant le développement séparé.

Notes
858.

Ariane BONZON, « Beyers Naudé, un Blanc parmi les Noirs », Réforme, n°2121, 7 décembre 1985, p. 3.

859.

Joseph LIMAGNE, « Afrique du Sud : le racisme aux abois » (1977), op.cit., p. 42.

860.

« Beyers Naudé : quand un nationaliste afrikaner ouvre les yeux », Le christianisme au XXème siècle, n°18, 6 mai 1985, p. 16.

« Beyers Naudé », Le christianisme au XXème siècle, n°19, 13 mai 1985, p. 12.

861.

« Beyers Naudé : un Blanc parmi les Noirs » (1985), op.cit.

862.

Ibid.

863.

Rappelons-le, la conférence de Cottesloe organisée par le COE réunit les 8 Eglises protestantes sud-africaines membres du Conseil. A son issue, la NGK (après le rappel à l’ordre du 1er ministre Verwoerd) refusa le rapport final condamnant la ségrégation et quitta le COE.

864.

11 pasteurs et professeurs de théologie afrikaner désirant réagir au système et à sa justification biblique, avaient déjà formé après Cottesloe un groupe déterminé à transcender les barrières raciales et réfléchir à la nature du système pour mieux le démonter. En décembre 1960, ils font paraître un recueil d’articles dénonçant la discrimination raciale au nom de l’Evangile sous le titre « Delayed Action » (« une action qui a trop tardé »).

865.

« Beyers Naudé : un Blanc parmi les Noirs » (1985), op.cit.