La non-violence jusqu’à la libération

Dans un contexte politique difficile, deux articles de Réforme reviennent sur la mobilisation des Eglises réunies à l’initiative du SACC afin de réfléchir aux moyens de lutter contre l’apartheid. A la tête de ces Eglises, Desmond Tutu, Frank Chikane (secrétaire général du SACC) et Allan Boesak apparaissent comme des leaders dynamiques et efficaces, capables d’entraîner derrière eux une réelle mobilisation. Il est intéressant de noter que Julia Rimbaud dans Réforme 917 présente Allan Boesak comme un leader « politique », certes président de l’ARM, mais surtout l’un des fondateurs de l’UDF… Si sa mobilisation est remarquable, c’est par sa volonté de faire libérer les chefs de l’ANC. Quelques jours plus tard, Julia Rimbaud rappelle les actes répressifs et attaques dont sont victimes les dirigeants chrétiens918 en citant l’accusation faite à Allan Boesak d’avoir une liaison avec sa secrétaire blanche. D’après Julia Rimbaud, cette accusation vise clairement à discréditer les dirigeants des Eglises chrétiennes membres du SACC. Peu sensible à ces rumeurs, la correspondante française dresse le portrait d’un pasteur charismatique aux sermons percutants et bénéficiant d’une influence aussi large que celle de Desmond Tutu.

C’est précisément aux côtés de l’archevêque anglican qu’Alan Boesak est apparu de nouveau dans la presse française, conduisant les manifestations de septembre 1989 réclamant un changement dans le régime d’apartheid depuis l’arrivée au pouvoir de Frederik De Klerk919. Les ARM rapportent également cette nouvelle mobilisation des Eglises en répercutant l’avertissement d’Allan Boesak selon lequel « la campagne de défiance […] durera tant qu’il n’y aura pas une Afrique du Sud non raciale et démocratique 920  ».

Tout comme l’a été Beyers Naudé, Allan Boesak est le signe qu’une prise de conscience est possible au sein des Eglises réformées hollandaises. La presse française le relèvera souvent, présentant la nature de l’engagement du pasteur métis comme étant autant d’ordre politique (au sein de l’UDF) que religieux (à la présidence de l’ARM). Avec Desmond Tutu, ils formèrent, au cours des années 80, un front chrétien commun pour lutter contre le système d’apartheid. Si l’institut chrétien eut un impact considérable sur l’engagement d’Allan Boesak, le travail d’un autre groupe de chrétiens en eut tout autant, élaborant en 1985 un document d’une portée considérable, le document Kairos. Le travail de l’Institut de théologie contextuel retiendra ainsi l’attention des chrétiens français, curieux de voir s’élaborer en Afrique du Sud une théologie dite « théologie contextuelle », naissant de la situation unique vécue par l’Afrique du Sud.

Notes
917.

Julia RIMBAUD, « Des Eglises en première ligne » (1988), op.cit.

918.

Julia RIMBAUD, « Des Eglises en état d’urgence », Réforme, 25 juin 1988, p. 6-7.

919.

« Afrique du Sud : une première victoire », La Croix, 15 septembre 1989, 1ère page.

920.

« Une première en Afrique du Sud : des marches anti-apartheid officiellement autorisées », ARM, n°71, 15 octobre 1989, p. 8.