L’Institut de Théologie Contextuelle (ITC) est créé à Johannesburg en 1981. Organisme œcuménique indépendant des Eglises921, il a pour but de promouvoir la théologie contextuelle, théologie proche de celle de la libération élaborée en Amérique du Sud, mais adaptée à la situation unique qui est celle de l’Afrique du Sud. La théologie contextuelle se doit donc d’être à l’écoute de la réalité sociale et a pour fonction de donner aux opprimés la possibilité d’élaborer leur propre théologie, loin de celle, académique, véhiculée par la majorité des Eglises chrétiennes blanches. La théologie contextuelle est donc une théologie de la désaliénation proposant la sortie d’un système verrouillé par la religion.
La presse chrétienne ne s’intéresse pas à l’ITC avant 1986, date à laquelle la résistance chrétienne à l’apartheid s’intensifie. Déjà habitués à la vision prophétique de la théologie véhiculée par Desmond Tutu, les observateurs français perçoivent le travail de l’institut comme étant un travail de réflexion concret élaboré par des théologiens impliqués sur le terrain sud-africain922. Diverses personnalités chrétiennes participeront à l’élaboration de cette réflexion : Beyers Naudé, Frank Chikane, Smangaliso Mkhatshwa et Albert Nolan923. Les observateurs chrétiens français découvrent le travail de l’ITC à partir de la parution en 1985 d’un document qui eut une portée considérable en Afrique du Sud mais aussi dans le monde. Ce manifeste, le document Kairos, permit aux observateurs français d’aborder la théologie contextuelle développée en Afrique du Sud. Si la genèse du document n’est pas rapportée dans la presse chrétienne française, la parution du document Kairos entraîna un intérêt certain chez les observateurs. Il me semble pourtant important de revenir sur cette genèse afin de bien comprendre dans quelles conditions sociale, politique et théologique un tel travail fut élaboré. Cet exposé permettra également de faire un portrait du dominicain Albert Nolan, un des rédacteurs du document924.
L’Institut de théologie contextuelle débuta par la formation de plusieurs groupes dans le pays : après Johannesburg, un groupe fut formé au Cap, au Transvaal… Parmi les premiers membres, citons Albert Nolan Frank Chikane, Charles Villa-Vicencio, François Bill…
René LACOUTUMETTE, « Kotso house à Johannesburg », Le christianisme au XXème siècle, n°64, 21 avril 1986, p. 12.
D’autres membres pouvaient être issus du mouvement (interdit) de la Black Consciousness et souscrivaient donc à la promotion d’une théologie noire pour l’Afrique du Sud.
Les informations reproduites ici sont le fruit d’un entretien avec Albert Nolan effectué le 27 novembre 2005 à Pietermaritzburg (Kwazulu-Natal). Le dominicain a pu à cette occasion me renseigner sur le contexte particulier dans lequel fut préparé, rédigé et diffusé le document Kairos.