Une interpellation de l’ERE (Ecumenial Research Exchange)

En février 1976, la Commission « Justice et Paix » organise, aux côtés du département pour les Affaires sociales, économiques et internationales (CSEI) une rencontre à l’occasion de la présentation du rapport final du Centre « Echanges œcuméniques et recherches » (Ecumenial Research Exchance, ERE) à Paris. Cet rapport prend la forme d’un appel aux Eglises françaises pour une plus grande mobilisation vis-à-vis de la question sud-africaine. L’Eglise catholique, par l’intermédiaire de la Commission « Justice et Paix » est directement interpellée par Adrien-Claude Zöller :

‘« Il est urgent et indispensable que soit rompu un faux préjugé régnant dans plusieurs pays européens, et selon lequel seules les Eglises protestantes seraient directement concernées par les problèmes de l’apartheid. Les réflexions qui précèdent soulignent en effet la responsabilité collective des Eglises européennes face à la malheureuse contribution de leurs pays à l’oppression en Afrique australe1014 ».’

Les questionnements se posent également au niveau européen. En effet, en 1975, le Centre « Echanges oecuméniques de Recherches1015 » (ERE) basé à Rotterdam adresse aux Eglises européennes un rapport intitulé « Relations entre les pays de l’Europe occidentale et l’Afrique australe – de la responsabilité des Eglises dans la lutte pour la justice et pour la libération1016 ». Ce rapport a comme objectif premier de « promouvoir la collaboration œcuménique et transmettre entre Eglises, en les aidant à assumer les lourdes responsabilités qu’elles portent dans le conflit de l’Afrique australe 1017  ». le document comporte trois parties :

  • une réflexion juridique et théologique sur la question.
  • une analyse détaillée de quatre aspects des relations entre l’Europe et l’Afrique australe : relations économiques, l’émigration blanche, les relations militaires et stratégiques et les relations inter-ecclésiales.
  • une présentation des initiatives prises par les Eglises européennes puis une liste de suggestions et de recommandations. A ce propos, le rapport exprime que « les Eglises européennes devraient accorder une plus grande attention aux opinions et attentes des populations opprimées, reconsidérer les relations qu’elles entretiennent avec la chrétienté d’Afrique australe, engager avec les Eglises africaines une nouvelles forme de partnership, et sortir du contexte national dans lequel elles se sont trop souvent enfermées 1018».

Dans la lettre envoyée au Pasteur Courvoisier, Monsieur Zöller de l’ERE interpelle directement le président de la FPF, lui exprimant les raisons pour lesquelles il souhaiterait une meilleure implication des protestants français :

‘« Nous tenions à vous soumettre nos conclusions et suggestions, et ce pour une double raison : d’abord vu le rôle considérable que vous jouez au sein de la fédération, en particulier en matière de développement et de paix, et vu le fait que vous êtes l’un des signataires de cette lettre au Président de la République au sujet du commerce des armes avec l’Afrique du Sud1019 ».’

Le 20 février 1976, l’ERE adresse un appel aux représentants des Eglises françaises. Durant la rencontre, organisée à Paris par la Commission française « Justice et Paix » et la CSEI. Le Centre ERE, en la personne d’Adrien-Claude Zöller, relève les nombreux liens qui unissent la France et l’Afrique du Sud en matière économique et commerciale. Ainsi « la responsabilité des Eglises françaises revêt dès lors une dimension particulière […]. Cette responsabilité apparaît à l’égard des autres Eglises européennes qui ne pourront assumer pleinement leurs responsabilités tant que le rôle joué par la France sera aussi néfaste 1020  ».

Cette lettre adressée au Pasteur Courvoisier témoigne ainsi bien d’une mobilisation réelle des Eglises à l’échelle européenne. Elle témoigne également des questionnements qui furent communs à tous les chrétiens : comment agir ? comment se positionner face aux relations existant entre la France et l’Afrique du Sud ?

En étudiant la physionomie de ces groupes de chrétiens, c’est la question de la mobilisation des Eglises dans la société et dans le monde qui se pose. Depuis la genèse et la formation de groupes de réflexion et d’action au sein de chaque confession jusqu’aux mobilisations (alors que la question sud-africaine occupe une plus grande place sur la scène médiatique), cette étude va mettre en évidence un certain type d’engagement chez des chrétiens militants qui tentent de se rapprocher, par leur travail, de l’engagement de leurs homologues chrétiens sud-africains.

Cette interpellation de l’ERE qui regroupe en son sein diverses Eglises et groupes religieux à l’échelle européenne démontre bien une volonté de faire entrer les Eglises françaises dans une concertation et une réflexion des Eglises en Europe.

Notes
1014.

« Un appel aux Eglises françaises », Centre « Echanges oecuméniques de recherches » (ERE), 20 février 1976.

1015.

L’ERE a été créé en 1971 par des institutions religieuses d’Allemagne, des Pays-Bas et de Belgique. Il a eu pour objectif de promouvoir une coopération œcuménique entre les Eglises européennes dans le domaine de la paix et du développement. Son comité directeur, alors présidé par le Pasteur Lenders de Bruxelles, réunit en 1975 15 personnalités religieuses représentant des instituts de recherche, des institutions ecclésiastiques et groupes confessionnels de 7 pays différents.

1016.

En mai 1973, afin de concrétiser quelques-unes de ses activités, l’ERE a développé un projet de recherche sur « les relations entre l’Europe occidentale et l’Afrique australe et les menaces que constituent ces relations pour la paix ». information contenue dans la notice explicative jointe à la lettre adressée au Pasteur Courvoisier.

1017.

Lettre d’Adrien-Claude Zöller au Pasteur Courvoisier, président de la FPF, 1 décembre 1975.

1018.

Notice informative jointe à la lettre de Monsieur Zöller au Pasteur Courvoisier.

1019.

Lettre d’Adrie-Claude Zöller au Pasteur Courvoisier, 1er décembre 1975.

1020.

« Un appel aux Eglises françaises », Centre « Echanges œcuméniques de recherches » (ERE), exposé prononcé aux responsables des Eglises françaises à Paris le 20 février 1976.