Le mémorandum catholique-protestant à propos de l’indépendance du Transkei

Le Transkei est le premier bantoustan a accéder à l’indépendance le 26 octobre 1976. Lorsque les organes de presse chrétienne rapportent l’événement, c’est souvent en reproduisant le mémorandum (ou en y faisant seulement mention) élaboré quelques semaines avant l’indépendance par André Appel, président de la CSEI et Mgr Ménager, président de « Justice et Paix »1034. Le mémorandum est adressé au ministre des affaires étrangères M. de Guirangaud dans le but premier de lui demander de tenir compte de la résolution 34 110 du Conseil des Nations Unies qui prie tous les gouvernements de s’abstenir de tout rapport avec les institutions et autorités de ces bantoustans. Dans sa première partie, le mémorandum informe des réalités du « grand apartheid » et de ses conséquences politiques (perte de la citoyenneté sud-africaine) et économiques (terres non viables…). L’organisation des bantoustans perpétue et pérennise l’apartheid, déniant aux populations noires le droit à l’autodétermination. Alors que leurs droits fondamentaux sont bafoués, il devient donc parfaitement légitime aux Eglises de réagir :

‘« L’intervention des Eglises – catholique et protestante – en ce domaine tient aux raisons suivantes, déjà formulées en d’autres occasions :
- L’apartheid est un système fondé sur des principes de discrimination contraires à l’Evangile ; il constitue une négation de la solidarité de la race humaine dans la Création et la Rédemption ;
- Depuis longtemps, l’Organisation des Nations Unies a condamné ce régime. Nous voyons là un signe de la répulsion de plus en plus généralisée qu’éprouvent peuples et individus à l’égard d’un système institutionnalisé de ségrégation raciale ;
- Nous sommes interpellés par nos frères dans la foi qui, Blancs ou Noirs, luttent en Afrique australe pour la reconnaissance et le respect du peuple africain noir ;
- En des Assemblées qui font autorité, l’Eglise, soit au Concile Vatican II, soit aux réunions du Conseil œcuménique, a dénoncé clairement toutes forme de discrimination.
C’est pourquoi, en maintes occasions, nous nous sommes opposés à l’apartheid et au racisme, qui sont contraire à l’Evangile et incompatibles avec la nature de l’Eglise du Christ, et qui violent les droits fondamentaux de l’homme1035 ».’

Les Eglises justifient donc leur intervention en présentant le système comme étant avant tout une atteinte aux droits fondamentaux de l’homme et contraire aux principes de l’Evangile. Mais cette interpellation adressée au Ministre des Affaires étrangères est aussi de nature politique : il s’agit aussi d’interpeller un gouvernement et de l’appeler à reconsidérer « l’ensemble des relations entre la France et l’Afrique du Sud dans le sens d’une prise en considération effective des aspirations et des droits des Africains noirs 1036  ».

Cette déclaration catholique-protestante marque la deuxième manifestation d’une mobilisation œcuménique en ce qui concerne la questions sud-africaine après celle exprimée à la suite de la vente de réacteurs nucléaires par la France. Il est en effet important de noter que les émeutes de Soweto n’ont pas suscité de réactions communes. Cette nouvelle déclaration témoigne ainsi de l’émergence plus nette, fin 1976, d’un intérêt pour l’apartheid, dans ses fondements comme dans ses effets.

Notes
1034.

« Indépendance forcée pour le Transkei », ICI, n°508, 15 novembre 1976 ; « 26 octobre 1976 : indépendance du Transkei, la spoliation », Réforme, n°1648, 23 octobre 1976 ; « Mémorandum catholique-protestant à propos de l’indépendance du Transkei », La documentation catholique, n°1706, 17 octobre 1976.

1035.

« Mémorandum catholique-protestant à propos de l’indépendance du Transkei » (1976), op.cit.

1036.

Ibid.