Pierre Toulat, catholique imprégné de la doctrine sociale de l’Eglise

Les prises de position de Pierre Toulat concernant l’Afrique du Sud et ses réflexions au sujet de l’aide à apporter aux populations opprimées sont influencées par l’Evangile social, compris comme « la traduction dans le monde économique, dans la vie associative, dans les structures politiques, du désir d’opérer des changements en profondeur dans les mentalités et les institutions 1095  ». Il s’engagea en tant que catholique ayant été fortement influencé par les Encycliques qui abordèrent les questions sociales, de justice et de développement dont Pacem in terris (1963) dans laquelle Jean XXIII présente le devoir des pouvoirs publics de se porter garant du bien (n°53) et Populorum Progressio (1967) et la recherche qui y est formulée d’une société plus juste, de la recherche impérative de solidarité, du Dieu qui libère de l’oppression politique et économique, du concept d’option préférentielle pour les pauvres. Lui-même aborde les questions de paroles et d’actes, de la parole de l’Evangile comme capacité de transformation du monde vers plus de justice et du passage de l’action des Eglises considéré comme primordial au cœur du monde et spécialement en réaction à des régimes oppressifs :

‘« Tant qu’il s’agit d’appeler la communauté catholique à faire l’option préférentielle pour les pauvres, le discours officiel est explicatif, exhortatif, voire compréhensif, mais il devient bref ou muet quant au crédit à accorder à leur droit de s’organiser, pour se libérer. Le poids des paroles n’est pas le même quand il s’agit d’enseignement ou de mise en pratique. Ce problème est d’importance. L’option préférentielle pour les pauvres relève, comme la charité, de l’action. Elle concerne un domaine sensible où l’on ne saurait rester au niveau de considérations générales sans que l’ensemble du discours perde toute crédibilité1096».’

Cette citation contenue dans la conclusion d’un ouvrage consacré au discours social de l’Eglise éclaire les prises de position et les actions de Pierre Toulat concernant l’apartheid. Si Pierre Toulat peut paraître critique concernant les déclarations purement théologiques et passives de l’Eglise, il reconnaît que le passage à l’acte (au moins concernant la question sud-africaine) est délicat puisqu’il s’agit d’évoquer des questions épineuses telles celles de la légitimité du recours à la violence ou celle de la nature de l’aide à apporter aux pauvres et aux opprimés : donner les moyens aux pauvres de se relever, c’est prendre le risque d’adopter des positions politiques et plus particulièrement de s’inscrire dans une lutte des classes pour aboutir à la libération. Pierre Toulat fit de son engagement un engagement politique, au sens où Paul VI le réclame en 1971 dans son Encyclique Octogesima adveniens, une manière exigeante de vivre l’engagement chrétien au service des autres :

‘« Tout en reconnaissant l’autonomie de la réalité politique, les chrétiens sollicités d’entrer dans l’action politique s’efforceront de rechercher une cohérence entre leurs options et l’Evangile et de donner, au sein d’un pluralisme légitime, un témoignage, personnelle et collectif, du sérieux de leur foi, par un service efficace et désintéressé des hommes1097 ».’
Notes
1095.

François BOEDEC et Henri MADELIN, L’Evangile social, Paris, Bayard/Centurion, 1999, introduction.

1096.

Pierre TOULAT, Solidarité et développement : l’engagement de l’Eglise catholique, Paris, Cerf, 1992, p369.

1097.

Octogesima adveniens (1971), n°46.