La poursuite de la mobilisation au sein de la CSEI dans les années 80 : réception du document Kairos

En décembre 1985, une courte lettre (8 pages) de la CSEI consacrée à l’Afrique du Sud est diffusée dans les milieux réformés1166. Son éditorial est consacré à la récente parution en Afrique du Sud du document Kairoset reproduit la conclusion du document, donnant ainsi l’occasion aux lecteurs d’être informés du contenu prophétique du document. Si la lettre n’analyse pas le document et se contente de reproduire une partie de la conclusion, la lettre informe que le document dans sa totalité est disponible au siège de la CSEI (Au siège de la FPF, 47 rue de Clichy, Paris, 9ème). Le reste de la lettre reproduit des passages de l’intervention de Beyers Naudé, alors secrétaire général du SACC, alors qu’il était reçu à la CSEI le 28 novembre 1985. Beyers Naudé se prononce sur la nouvelle constitution (système tri-caméral) mettant en évidence le fait qu’elle démontre une exclusion totale des Noirs sur le plan politique et met en évidence les inégalités en matière d’éducation. Le pasteur afrikaner s’arrête ensuite longuement sur la situation des Eglises en Afrique du Sud, laissant apparaître un certain pessimisme quant à un changement au sein de la NGK, même si des jeunes pasteurs se positionnent davantage contre l’apartheid.

Mais là où le témoignage de Beyers Naudé est particulièrement intéressant pour la communauté reformée française, c’est lorsqu’il insiste sur le fait que la communauté internationale est sans conteste victime d’une propagande qui fausse la vraie nature du problème :

‘« Votre presse parle de Noirs tuant des Noirs. La propagande du gouvernement présente cela comme étant des « conflits tribaux ». Mais ce n’est qu’une couverture. Aussi, si le gouvernement continue à vous dresser un tableau du conflit en le décrivant comme un conflit tribal, alors je vous en prie, sachez la cause profonde du conflit entre Noirs en Afrique du Sud : c’est l’apartheid et rien d’autre1167 ».’

En reproduisant ces extraits, la CSEI montre bien sa volonté de donner la parole à des interlocuteurs chrétiens sud-africains capables de délivrer une information sans doute différente de celle qui peut être donnée dans la presse généraliste. En donnant la parole à Beyers Naudé et en rendant compte de l’existence du document Kairos (en permettant sa diffusion dans le milieu réformé français), cette lettre est représentative de la volonté de donner la parole à des chrétiens sud-africains engagés et qui prônent une implication de l’Eglise pour la libération.

L’étude du traitement de la question sud-africaine dans la presse chrétienne (3 premiers chapitres) nous a permis de constater que les observateurs n’avaient pas « adhéré » massivement à la propagande gouvernementale dénoncée par Beyers Naudé. D’autre part, cette même presse a également bien répondu et répercuté les mobilisations des chrétiens sud-africains. Cependant, le travail que la CSEI a pu faire pour une connaissance et une diffusion du document Kairos représente bien la profondeur plus grande et l’orientation des travaux menés par la commission.

Il est cependant permis de penser que cette lettre (et sans doute celles parues précédemment) eurent un lectorat assez restreint et que, malgré les efforts faits autour de l’existence du document Kairos, sa diffusion au sein du protestantisme français resta peu importante et ne parvint pas à atteindre les franges réformées plus larges.

Notes
1166.

« Afrique du Sud », Info CSEI n°2, décembre 1985, 8 p.

1167.

« Afrique du Sud », Info CSEI n°2, op.cit.