2-4 Le groupe « Afrique du Sud »

Si le groupe « racisme » se forme au sein de la CSEI au début des années 70, plusieurs membres de la commission, désireux d’approfondir leur mobilisation, vont se retrouver au sein d’un nouveau groupe qui se constitue au début de l’année 1986. Selon le témoignage du pasteur Michel Wagner, président de la CSEI lors de la formation du groupe, il s’agit de regrouper des « experts » dans différents domaines (armement, économie, migrations, histoire…), des militants qui s’étaient déjà mobilisés lors de la guerre d’Algérie. Le groupe regroupa en son sein une petite dizaine de membres.

Une lettre interne rédigée et diffusée le 9 novembre 1986 présente la genèse et les objectifs du groupe « Afrique du Sud »1168, présenté comme étant un groupe « technique » créée afin de préparer le travail de la CSEI sur le thème « Afrique australe ». Le groupe rassemble des représentants du DEFAP et de la CIMADE « et des personnes ayant une compétence précise sur la région, dont l’historienne Marianne Cornevin »1169.

La lettre présente très bien le contexte dans lequel est né le groupe « Afrique du Sud » :

‘« C’est à la suite de la venue en France de Mgr Tutu, puis du pasteur Beyers Naudé, secrétaire général du SACC, et de la participation du pasteur J.P Montsarrat, représentant de la Fédération protestante de France à la conférence de Harare au Zimbabwe qu’est apparue la nécessité de resserrer les liens entre les Eglises protestantes de France et les Eglises sud-africaines qui sont aujourd’hui en première ligne de la lutte contre l’apartheid, et sont traversées, elles aussi, par les incertitudes et les oppositions que connaît la société sud-africaine1170 ».’

L’intervention de Beyers Naudé au siège de la CSEI le 28 novembre 1985, dont plusieurs extraits ont été reproduits dans la lettre de la CSEI de décembre 1985, semble donc avoir été décisive pour une prise de conscience plus concrète au sein de la commission française. La visite de Desmond Tutu au siège de la FPF le 31 mai 19851171 et les appels de l’archevêque sud-africain pour une solidarité et une action des chrétiens d’Europe ont impulsé une nouvelle mobilisation en France.

La participation du pasteur Montsarrat au sommet d’Harare en décembre 1985 a également servi de déclencheur à la formation d’un nouveau groupe d’étude et d’action, les réformés français profitant d’un mouvement de solidarité des Eglises du monde autour de l’Afrique du Sud pour, eux aussi, accentuer leurs efforts.

Jean-Pierre Montsarrat alors président du Conseil national de l’Eglise réformée française, s’est en effet rendu au somment d’Harare (Zimbabwe) du 4 au 6 décembre 1985, 3 jours durant lesquels, sur l’initiative du COE, plusieurs chefs des Eglises d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Afrique du Sud se retrouvèrent afin d’avoir des nouvelles de la situation en Afrique du Sud et de réfléchir à des moyens d’apporter un soutien aux chrétiens sud-africains1172. De retour d’Harare, JP Montsarrat tirera l’enseignement qu’une intervention des Eglises étrangères peut amener à une fléchissement du régime de Pretoria1173.

Notes
1168.

« Lettre du groupe « Afrique du Sud » de la CSEI », 9 novembre 1986, 2 p. Cette lettre, à la présentation informelle, a été retrouvée au Centre protestant d’études et de documentation (CPED). L’exemplaire retrouvé semble être un brouillon et la lettre était sans doute destinée à être diffusée dans des cercles assez restreints. La lettre n’est pas signée.

1169.

Marianne CORNEVIN est spécialiste du continent africain et auteur de deux ouvrages sur l’Afrique du Sud : L’Afrique du Sud en sursis, Paris, Hachette, 1977, 286 p ; L’apartheid, pouvoir et falsification historique, Paris, UNESCO, 1979, 155 p .

1170.

« Lettre du groupe « Afrique du Sud » de la CSEI » (1985), op.cit.

1171.

Je reviendrai ultérieurement sur la visite de Desmond Tutu et sur celle de plusieurs autres chrétiens sud-africains à la FPF et au DEFAP.

1172.

Pour lire la déclaration formulée à l’issu du sommet, voir « une autre Afrique du Sud », Le christianisme au XXème siècle, 10 février 1986, p. 9-10. je reviendrai sur les relations entre l’Eglise réformée de France et le COE dans la dernière partie.

1173.

La participation du pasteur Montsarrat au somment d’Harare peut être considérée comme un soutien et un « alignement » de l’Eglise réformée de France sur la ligne de conduite proposée par le COE. Le pasteur Montsarrat estimera ainsi utile de rappeler qu’il n’est pas mandaté par son Eglise et selon ses dires, « qu’il ne m’appartiendra pas de prendre des décisions sinon pour approuver une déclaration finale car l’éventualité d’une déclaration fait partie du programme qui nous a été envoyé » in BIP n°992, 4 décembre 1985. Le pasteur Montsarrat suivra en effet la ligne de conduite énoncée dans la déclaration en jugeant comme nécessaire et utile une pression des Eglises étrangères. : « Il faut savoir que l’Afrique du Sud est un pays chrétien à 90% et que l’opinion chrétienne internationale y joue un rôle non négligeable. Les interventions des Eglises étrangères ne semblent pas inutiles » in BIP, n°992, 4 décembre 1985.