Les BIP rendent compte des travaux du COE :

La participation du pasteur Montsarrat au sommet d’Harare organisé par le COE en décembre 1985 a montré que la FPF répondait favorablement à la ligne de conduite élaborée par le Conseil oecuménique concernant la question sud-africaine. Un BIP daté du 16 juillet 19861224 rend d’ailleurs compte de la réunion et rapporte les principaux points adoptés (pour l’application de la résolution 435 sur l’indépendance de la Namibie, pour des sanctions, pour soutenir les mouvements de libération, pour le développement des moyens d’information au sein de chaque pays…).

Dans son article de Réforme, Ariane Bonzon observe également un rapprochement entre les lignes de conduite du COE et la FPF :

‘« Jusque dans les années 70, on observe un certain parallélisme entre le positions du COE et de la FPF soit que cette dernière ait repris à son compte de façon officielle les déclarations extrêmement fermes du COE, soit qu’elle les publie par le biais du bulletin de son service de presse d’information1225 ».’

En 1978, un BIP reprend le SOEPI du 12 janvier 1978 annonçant la parution et la diffusion à ses Eglises membres d’un document « devant stimuler le débat sur l’Afrique du Sud » et « susciter un intérêt et des options possibles pour l’élaboration d’une ligne de conduite à l’égard de l’Afrique du Sud, à la suite des événements qui ont eu lieu récemment dans ce pays 1226  ».

Ce document intitulé « L’Afrique du Sud, quel prix ? » voit le jour après une flambée de violence (émeutes de Soweto, campagne de répression en 1977, mort de Steve Biko) qui a mis la question sud-africaine sur le devant de la scène médiatique internationale. Le rapport étudie particulièrement la question de la violence et la position qui doit être celle des chrétiens à son égard :

‘« La position du COE « de ne pas juger les victimes du racisme qui sont amenées à la violence comme seul moyen qui leur soit laissé pour réparer les torts et ouvrir ainsi la voie à un ordre nouveau plus juste » est qualifiée d’insuffisante. Pouvons-nous nous déclarer solidaires de ceux qui se rebellent pour une juste cause en refusant simplement de les juger ? demande le rapport1227 ».’

Le document aborde également la question de l’aide étrangère, attirant l’attention « sur l’arme puissante et non-violente qui reste non employée : celle qui consiste à mettre fin aux engagements financiers dans le gouvernement et l’économique qui pratiquent l’apartheid 1228  ». Cette ligne de conduite du COE à l’égard des désinvestissements énoncée en 1978, restera la même durant les années 80. Si la FPF ne se déclare pas officiellement sur cette question avant la fin des années 80, elle continue à répercuter le mobilisation du COE à ce sujet qui fera de nouveau l’objet de plusieurs BIP en 1981. « L’affaire » est en effet d’importance puisque le COE décide, en septembre 1981, de mettre fin à ses relations avec deux banques européennes ayant des relations d’affaires avec l’Afrique du Sud1229.Un premier BIP le 16 septembre 1981 replace la décision dans l’histoire du COE :

‘« La décision prise par le Comité exécutif du COE […] fait suite à une déclaration d’orientation adoptée par le Comité central du COE en 1972, sur la base d’une ligne d’action définie par l’Assemblée du COE à Upsala (1968) qui recommandait de mettre fin aux investissements auprès « d’institutions qui perpétuent le racisme » 1230».’

La conclusion du BIP traduit bien la volonté du COE qui entend bien exprimer « l’appui total que le Conseil apporte à l’Afrique du Sud dans ses efforts de libération à l’égard du système raciste incarné dans l’apartheid 1231  ».

Si la FPF reproduit ce BIP, elle n’en donne aucune interprétation . Quelques jours plus tard, un autre bulletin reproduit la déclaration commune des commissions tiers-monde de l’Eglise nationale protestante suisse et de l’Eglise catholique de Genève qui jugent comme relevant du devoir de l’Eglise de dénoncer des régimes qui déshumanisent les êtres et qui affirment que la protestation des chrétiens ne relève en aucune sorte d’options politiques :

‘« Dans cette perspective, la décision du COE apparaît comme un choix qui n’est pas seulement éthique, mais éminemment théologique. Il en va de la vérité du Dieu dont témoignent les Eglises1232 ».’

Les Eglises suisses semblent donc aborder avec plus de « facilité » et d’unanimité un point qui, comme nous le verrons dans la dernière partie, ne cessera de diviser la communauté protestante française… Faut-il voir dans la reproduction de cette déclaration suisse une adhésion des réformés français à un tel positionnement ? Il est légitime de le penser…

Comme nous le verrons, les relations que la FPF entretient avec le COE depuis les années 70 deviendront plus mouvementées alors que sont abordés la nature et les objectifs du Programme de lutte contre le racisme (PLR). Les tensions trouveront leur paroxysme en 1986, alors que la FPF doit se positionner vis-à-vis de la liturgie proposée par le COE à l’occasion de la commémoration des émeutes de Soweto en juin1986.

La question sud-africaine reste donc sujet complexe et épineux. Si, comme le juge la journaliste Ariane Bonzon, le sujet est loin d’être récurrent au sein de la FPF et de ses bulletins d’informations, il provoquera plusieurs réflexions, portant particulièrement sur les moyens d’actions possibles.

Notes
1224.

« Réunion de jeunes à Harare sur l’Afrique du Sud », BIP, n°1021, 16 juillet 1986, 1 p.

1225.

Ariane BONZON, « Les protestants français et l’apartheid » (1986), op.cit., p. 6.

1226.

« Le COE relance dans les Eglises le débat sur l’Afrique du Sud », BIP, 18 janvier 1978, 2 p.

1227.

Ibid.

1228.

Ibid.

1229.

En effet, le Comité central décida le 15 septembre 1981de rompre ses relations avec 2 banques suisses et une banque allemande ayant des intérêts en Afrique du Sud. Cette décision a été prise à la suite de l’étude de 5 critères qui, s’ls étaient observés, devaient aboutir à la rupture avec les banques en cause. Parmi les critères étudiés, le comité devait étudier si la banque avait un établissement en Afrique du Sud, si elle a continué à accorder des prêts bancaires depuis les événements de Soweto, si les prêts servaient directement ou indirectement à des fins militaires ou à l’industrie nucléaire…

1230.

« Le COE met fin à ses relations avec trois banques en rapport avec l’Afrique du Sud », BIP/SNOP, n°434, 16 septembre 1981, 2 p.

1231.

Ibid.

1232.

« Réflexions théologiques au sujet de la décision du COE de retirer des fonds de 2 banques suisses qui entretiennent des relations avec l’Afrique du Sud », BIP/SNOP, 23 septembre 1981, 1 p.