3-1 Une mobilisation au moment de la campagne anti-Outspan (1975)

En 1975, une importante campagne est mise en place, visant au boycott des oranges sud-africaines « Outspan ». Largement présente sur les étals des supermarchés français et européens, l’orange sud-africaine devient le symbole de l’exploitation des travailleurs noirs, et prôner son boycott sera le moyen symbolique de dénoncer, d’une part les relations commerciales liant des puissances européennes au régime de Pretoria, et d’autre part de manifester le rejet du système d’apartheid. Plusieurs groupes chrétiens (Cimade, CCFD…) aux côtés de nombreuses autres organismes et associations participèrent à la campagne anti-Outspan (CAO). Le DEFAP s’engageant d’une manière particulière lors de l’organisation de cette campagne, il me semble important d’en faire état ici.

En 1975, le DEFAP constitue un dossier d’information sur le thème de la campagne anti-Outspan. Si la provenance des textes (documents, tracts, circulaires, bulletins, revues de presse…) composant le dossier est assez floue, il semble qu’ils aient été publiés par les organisateurs de la campagne anti-Outspan (CAO) alors que le DEFAP s’est chargé de les réunir au sein d’un dossier. Cette initiative témoigne bien de l’engagement et de l’adhésion du DEFAP au mouvement de boycottage des oranges Outspan. Il est d’ailleurs fait mention à la fin du dossier que le 18 mars 1976, la CAO a invité le DEFAP au congrès qu’elle organise les 24 et 25 avril de la même année à Paris.

Dans un premier temps, le dossier reproduit la lettre de présentation éditée par le CAO, présentant les objectifs d’une telle campagne :

‘« La campagne anti-Outspan est d’abord une campagne d’information sur les luttes du peuple sud-africain contre le joug de fascisme et de l’apartheid et sur les liens que le gouvernement entretient avec le régime sud-africain1244 ».’

Le document précise bien que, plus qu’un boycott, les initiateurs de la campagne veulent mettre en place une vaste campagne d’information sur les réalités du système d’apartheid afin de contrer la propagande émanant des bureaux d’information du régime sud-africain.

Différents faits sont dénoncés avec virulence : dénonciation des investissements français à l’étranger « qui ne contribuent pas à l’amélioration du sort des populations 1245  » ; dénonciation des fausses informations délivrées par l’ambassade sur les bantoustans (« une supercherie aux fins précises 1246  »), dénonciation de la propagande concernant l’éducation proposée aux populations non-blanches (alors que l’ambassade présente l’éducation comme gratuite et égale pour tous les groupes raciaux, les Africains doivent en fait contribuer au coût des bâtiments et « 95% des Africains scolarisés ne dépassent pas l’école primaire 1247  »)…

Les effets politiques de l’apartheid sur les populations noires (pas de droit de vote, aucune représentation des Noirs au Parlement) sont aussi décrits, tout comme ses conséquences sur la vie des travailleurs (sous-rémunération, emplois peu-qualifiés…).

L’organisation de la campagne anti-Outspan à partir d’avril 1975 donne finalement l’occasion de dresser un tableau des réalités du système d’apartheid au milieu des années 70 alors que se pose la problématique de la propagande qui rend difficile aux Français l’accès à des informations fiables sur l’apartheid. La campagne anti-Outspan ne se limite pas seulement à une campagne de boycott (même si le boycott d’un tel produit est le symbole d’une contestation plus large de l’exploitation des travailleurs) mais donne l’occasion d’informer et de rétablir en quelque sorte une vérité face à une propagande gouvernementale très efficace. C’est sans doute cet aspect qui a motivé le DEFAP dans la constitution de ce dossier. Il est en tous cas la première trace d’une mobilisation au sein du DEFAP concernant l’Afrique du Sud.

Notes
1244.

Collections de documents, tracts, circulaire, bulletins, revues de presse, dossiers d’information, 1975-1978, publiées par le CAO, réunis par le DEFAP.

1245.

Ibid.

1246.

Ibid.

1247.

Ibid.