3-2 1978, le temps des réflexions autour de l’intérêt à porter à l’Afrique du Sud

Le DEFAP constitue un nouveau dossier sur l’Afrique du Sud de 56p en septembre 1978, élaboré en collaboration avec le pasteur Daniel Cook de l’Eglise évangélique du Lesotho et qui a passé de nombreuses années dans les mines de la région de Johannesburg. Comme il est expliqué dans l’introduction du dossier, « Daniel Cook s’est mis à la disposition du DEFAP de mars à décembre 1978 pour un travail d’information et de réflexion 1248  ». le dossier a pour but d’informer les groupes ou paroisses qui accueilleront le pasteur lors de sa tournée. Mais l’existence d’un tel dossier répond à un besoin beaucoup plus large :

‘« Nous sommes liés aux chrétiens sud-africains par notre commune appartenance à l’Eglise de Jésus-Christ ; nous sommes liés économiquement, comme Français, à la République sud-africaine : que signifie cette inter-dépendance, comme être solidaires, co-responsables de la situation que l’on sait ? Pour apercevoir une possible réponse à ces questions, il ne suffit pas d’une conférence passivement écoutée ou de la lecture d’un article. Nous souhaitons au contraire , en proposant quelques fiches rédigées par Daniel Cook donner l’envie de se renseigner davantage, de parler avec d’autres de ce que l’on aura découvert, de tirer peut-être quelques conclusions pratiques1249 ».’

Le dossier s’articule autour de 6 thèmes principaux et d’une bibliographie permettant aux lecteurs de prolonger la réflexion. Les thèmes restent identiques à ceux déjà abordés par d’autres groupes chrétiens. Ils sont les suivants :

Comme si les raisons évoquées en introduction ne suffisaient pas pour expliquer l’intérêt du DEFAP pour l’Afrique du Sud, de nouvelles questions qui restent sans réponse alimentent la réflexion :

‘« Est-ce une mode ? […] Est-ce par politique ? Le fait est que l’Afrique du Sud se veut (l’est-elle vraiment ?) partenaire de l’occident. Est-ce par intérêt, puisque su souvent l’économique mène le monde et l’Afrique est un client très sérieux de l’occident ? Est-ce par solidarité évangélique, car il y a un évangile de paix et de justice à proclamer et à ce pays dans ce pays là aussi ? Par solidarité ecclésiale , dans le souvenir des huguenots venus chercher refuge à ce bout d’Afrique, des frères réformés ? Par solidarité chrétienne, pour lutter, chercher, prier et vivre avec ces millions de chrétiens de toutes races empêtrés dans une situation devenue impossible ? […]1250 ».’

Cependant, un fait est exposé avec certitude :

‘« Parler de l’apartheid, ce n’est pas faire de la politique, c’est d’abord faire de la théologie1251 ».’

La nature de la question sud-africaine fait donc l’objet d’un questionnement qui s’est donc posé chez tous les chrétiens qui se positionnèrent vis-à-vis de l’Afrique du Sud. Il semble donc que la justification biblique du système soit privilégiée par les rédacteurs du dossier. Si la nature théologique donnée à la question sud-africaine donne toute légitimité aux réformés français de se positionner, cela ne les empêchent pas d’aborder le soutien économique que la France apporte au régime de Pretoria. Le lien entre les deux pays est donc bien réel et implique donc une réaction concernée :

‘« Parler de l’apartheid et de l’Afrique du Sud, c’est aussi nous préoccuper de notre propre pays1252 ».’

Le dossier parait dans un contexte bien particulier, alors que l’Afrique du Sud connaît un climat de tension et de répression intense qui place le pays sur le devant de la scène médiatique internationale. Le dossier fait ainsi référence aux émeutes de Soweto qui ont eu lieu un peu plus d’un an plus tôt, événement témoin de la résistance de la jeunesse noire et de la réponse violente du gouvernement qui a fait plusieurs dizaines de victimes chez les jeunes. Le dossier réagit à un deuxième événement symbole de la répression exercée à l’encontre des opposants, la mort de Steve Biko en septembre 1977. Le dossier reproduit ainsi les réactions du COE condamnant les circonstances d’une telle mort. Il répercute également le message de Mgr Hurley adressé au CCFD et à Justice et Paix à l’occasion de la cérémonie religieuse célébrée le 4 octobre 1977 en sa mémoire1253. Le dossier retient à cette occasion le message de Mgr Hurley déclarant que la mort de Steve Biko porte une signification profonde, étant le symbole de l’histoire douloureuse de son peuple et de la réalité cruelle de la domination blanche.

Les références aux positions du COE, la mention de la cérémonie organisée par le CCFD et Justice et Paix en mémoire de Steve Biko témoignent bien d’une unanimité entre groupes catholiques et réformés en ce qui concerne les prises de positions et les mobilisations des chrétiens concernant les derniers événements en date.

Une large partie du dossier reproduit ensuite de larges passages de l’ouvrage de Marianne Cornevin, L’Afrique du Sud en sursis 1254 paru en 1977. L’ouvrage sert ainsi de source principale à la partie du dossier consacré à la description du système des bantoustans, aux effets politiques, économiques et sociaux de ce processus de formation et surtout à la perversité d’une telle politique qui, sous prétexte d’être une chance de « développement séparé », ne vise qu’à l’asservissement et à l’exploitation économique d’une population.

La participation de Marianne Cornevin (même indirectement, pas l’utilisation de ses textes), démontre que les liens étaient étroits entre les travaux de la FPF et ceux menés au sein du DEFAP. En effet, l’historienne spécialiste de l’Afrique fut une membre du groupe « Afrique du Sud » de la CSEI. Cela démontre également que les réformés mobilisés autour de la question sud-africaine étaient peu nombreux et étaient sollicités pour s’exprimer au sein de plusieurs structures protestantes.

Notes
1248.

« Afrique du Sud », dossier DEFAP, septembre 1978, p. 1.

1249.

Ibid.

1250.

Ibid.

1251.

Ibid.

1252.

Ibid.

1253.

Le 4 octobre 1977, une cérémonie en mémoire de Steve Biko fut organisée en l’Eglise Saint-Merri par le CCFD et « Justice et Paix » en présence de l’évêque auxiliaire de Paris, Mgr Daniel Pézeril.

1254.

Marianne Cornevin, L’Afrique du Sud en sursis, op.cit.