3-4 L’assemblée du DEFAP se penche sur la déclaration d’Harare (Zimbabwe)

A la fin de l’année 86, le DEFAP revient sur la réunion du COE qui s’est tenue à Harare du 1er au 6 juillet 1986. Si la FPF au sein de ses BIP a souvent fait référence à cette réunion regroupant plusieurs représentants d’Eglises du monde, l’assemblée générale du DEFAP réunie le 4 octobre 1986 revient sur la conclusion des travaux de la réunion et en aborde ses principaux points. Le texte est signé par Thierry Baldensperger, représentant des Eglises protestantes de France. Son introduction rend compte de ses questionnements :

‘« Les problèmes posés par la situation en République sud-africaine et en Namibie sont loin d’être résolus. Situation complexe, informations souvent partisanes, quelle position prendre ? Ce compte rendu n’échappe pas, bien entendu, à une certaine subjectivité, mais je souhaite qu’il puisse servir la cause d’une réflexion juste1269 ».’

La complexité de la situation, la difficulté d’avoir des informations fiables sur la réalité de la situation, la nécessité de « prendre parti », telles sont les problématiques auxquelles sont confrontés ceux souhaitant se mobiliser autour de la question sud-africaine.

Thierry Baldensperger ayant participé au sommet, il est à même de retracer l’ambiance qui y régna et les thèmes qui y furent abordés. Les paroles du ministre de la jeunesse du Zimbabwe à l’encontre des participants donnèrent, sans détour, les thèmes à aborder et la nature de l’action à mener :

‘ « les chrétiens ne peuvent pas séparer l’action politique de la prière… Il faut imposer des sanctions économiques à la RSA, la souffrance des gens doit l’emporter sur les gains financiers… Cet ignoble animal du nom d’apartheid doit disparaître, on ne peut le réformer…Notre ennemi n’a pas de couleur, nous ne combattons pas les Blancs, mais un système injuste et tous ceux qui le soutiennent…1270 ».’

Malgré la rigueur de tels propos, Thierry Baldensperger tient à préciser que l’ambiance au sein des groupes de travail resta toujours calme et sans friction. Les témoignages de la délégation sud-africaine permirent notamment d’avoir un aperçu de la vie quotidienne dans les townships et de la difficulté pour les Blancs sud-africains d’avoir une idée de ce qui s’y passe, le développement séparé impliquant qu’aucun Blanc n’ait à s’y rendre.

Ce sont les résolutions prises lors de la conférence qui témoignent d’une mobilisation concrètes des Eglises participantes :

‘« L’objectif premier de la conférence était de proposer un programme d’action, concret et réaliste, qui puisse guider la Communauté internationale dans une action de solidarité avec les peuples de Namibie et d’Afrique du Sud, quant à leur désir d’un changement politique fondamental1271 ».’

Citons rapidement les résolutions telles qu’elles sont énumérées par Thierry Baldensperger :

‘« Négocier, c’est le premier moyen de lutte, s’il échoue, la violence devient inévitable. Nous demandons aux Eglises, non pas de fournir des armes, mais de comprendre les raisons de ceux qui envisagent ce moyen de lutte 1276».’

Sans que la conférence n’aboutisse à la conclusion que le recours à la violence soit légitime, elle se prononce pour qu’un effort de compréhension soit fait en direction des groupes qui utilisent cette voie de résistance. Cet effort demande une bonne connaissance du contexte sud-africain, des réalités et des conséquences du système d’apartheid. Loin d’apporter un soutien, les Eglises devront donc témoigner de leur compréhension et de leur solidarité.

L’exposé de cette importante déclaration d’Harare se termine par des réflexions personnelles de Thierry Baldensperger :

‘« Toute personnes opprimée cherchera un appui pour s’en sortir. Si les Eglises n’offrent pas leur soutien, il faudra le chercher ailleurs. Communisme, lutte armée, des motifs qui justifient trop souvent notre non-action, ce qui favorise d’autant leur avènement1277 ».’

Les Eglises ont donc un rôle réel à jouer. Sans pour autant devenir « force politique », elles doivent être capables de proposer leur soutien et de détourner les opprimés de moyens d’actions violentes ou d’options politiques comme celle du communisme. Thierry Baldensperger met le doigt sur des questions « épineuses » qui freinent ou empêchent une mobilisation des Eglises chrétiennes du Nord : Comment exprimer son soutien sans aborder les natures politique et économique du problème ? Faut-il apporter son aide aux mouvements de libération qui s’expriment dans le pays qui développent une idéologie proche de celle du communisme ?

Le traitement de la conférence d’Harare, abordé lors de l’Assemblée générale du DEFAP le 4 octobre 1986, témoigne bien d’une certaine adhésion de plusieurs réformés français aux résolutions adoptées, ces dernières traduisant elles-mêmes la ligne de conduite générale du COE concernant la prise en compte du problème sud-africain. Il me semble cependant important de rappeler que cette information autour des conclusions de la conférence est celle du DEFAP seul. Si le pasteur Montsarrat, président du Conseil national de l’Eglise réformée de France participe au sommet, il précise bien qu’il n’est mandaté par personne pour prendre des décisions durant et à l’issue de la conférence1278.

Dans le but de suivre l’évolution des événements vécus par l’Afrique du Sud, le DEFAP, en mai 1987, fait paraître un nouveau dossier sur la question sud-africaine, sur le même modèle que celui déjà élaboré en janvier 1986.

Notes
1269.

Thierry BALDENSPERGER, « Harare (Zimbabwe) », Assemblée générale du DEFAP, 4 octobre 1986, 3 p.

1270.

Ibid.

1271.

Ibid.

1272.

Ibid.

1273.

Ibid.

1274.

Ibid.

1275.

Ibid.

1276.

Ibid.

1277.

Ibid.

1278.

Voir BIP, n°992, 4 décembre 1985.