3-6 Le DEFAP, porte voix des chrétiens sud-africains et de la politique du COE

Ces longues références faites à la politique du COE concernant la question de l’apartheid, nous invitent ainsi à nous questionner sur les relations que le DEFAP entretient avec le COE sur ce point et plus particulièrement sur celui des sanctions économiques. Le 18 janvier 1989, le DEFAP reçoit une délégation du COE1297venue à Paris dans le cadre d’une tournée dans les grandes capitales européennes afin d’expliquer la politique du COE en matière de sanctions, et dans le but plus précis de demander l’application des résolutions des Nations Unies :

‘« La délégation a réaffirmé avec force que la lutte contre l’apartheid passe nécessairement par le boycott économique de l’Afrique du Sud. Les Noirs sud-africains, comme les pays de la ligne de front, savent qu’ils souffriront aussi de ce boycott, mais ils sont prêts à assumer cette souffrance si c’est le prix à payer pour l’abolition de l’injustice fondamentale que constitue l’apartheid. Le DEFAP s’est engagé à appuyer, auprès du gouvernement et des Eglises de France, cet appel du Conseil œcuménique des Eglises1298 ».’

A la fin des années 80, le DEFAP « s’aligne » donc clairement et officiellement sur la ligne de conduite proposée par le COE. Si cette adhésion n’est que celle du DEFAP et n’implique pas directement la FPF, souvenons-nous que cette dernière s’est, elle aussi et à la même période, prononcée en faveur de sanctions1299, même si l’alignement sur la politique du COE n’était pas énoncée aussi clairement. Cette position transparaissait déjà dans les dossiers élaborés par le DEFAP au milieu des années 80.

Comme le fait la FPF, le DEFAP va lui aussi servir de « porte-voix » aux chrétiens sud-africains mobilisés contre l’apartheid et qui délivrent aux chrétiens du monde la vision d’une Eglise prophétique oeuvrant concrètement pour la justice sociale.

Si la théologie prophétique élaborée en Afrique du Sud, et exprimée notamment au sein du document Kairos est rapidement décrite dans le deuxième dossier du DEFAP paraissant en mai 1987, le lecteur retiendra le message prophétique des Eglises chrétiennes qui tend à s’affirmer au delà des frontières sud-africaines à partir du milieu des années 80.

Si le message théologique ne fait pas l’objet de longues études, le DEFAP va manifester son intérêt pour l’Afrique du Sud alors que plusieurs chrétiens, à l’origine d’un tel message, sont victimes de la répression gouvernementale. Dès octobre 1982, le DEFAP, aux côtés de la FPF, réagit au renouvellement pour 3 ans de l’assignation à résidence du pasteur Beyers Naudé. A travers cet événement, c’est le système répressif mis en place par le régime de Pretoria qui est dénoncé :

‘« Le pasteur Beyers Naudé n’est que l’une des victimes les plus connues de cette forme de répression contre des hommes et des femmes, noirs et blancs, qui en Afrique du Sud veulent s’opposer au nom de Jésus-Christ et par des voies non-violentes à la politique de ségrégation raciale menée par le gouvernement blanc. Beaucoup d’autres, moins connus ou anonymes, sont victimes de mesures administratives analogues ou subissent des peines de prison et des sévices policiers pour de simples délits d’opinion1300 ».’

Le but d’une telle déclaration est de dénoncer clairement un régime qui s’attaque à tous les opposants du régime qui luttent, souvent par des voies non-violentes, pour que les droits fondamentaux de l’homme soient respectés en Afrique du Sud.

Les travaux du DEFAP concernant la question sud-africaine se manifestent ainsi principalement par la publication de dossiers et de déclarations qui ne font que reprendre les textes émanant de travaux de spécialistes (tels ceux de Marianne Cornevin) ou du COE (textes empruntés à la revue du PLR). L’objectif est avant tout celui d’informer de la situation en Afrique du Sud, des réalités et des effets du système d’apartheid (aspects politiques, économiques, sociaux) sur les populations noires. Mais les travaux du DEFAP mettent également en évidence les mobilisations possibles, qu’elles soient internes au pays ou émanant d’organismes internationaux. Sont ainsi abordées les questions de la légitimité du recours à la violence, la place que doivent prendre les Eglises dans une telle résistance, la question des sanctions et des boycotts…

Le DEFAP est le département de la Fédération protestante qui se charge des questions des relations internationales. Tourné vers le monde, il prend en compte les problématiques qui touchent les Eglises du Sud. A ce titre, le département va aborder peut-être plus directement et d’une façon mois émotionnelle, les aspects de l’apartheid les plus choquants et condamnables, et aborder le problème sous un autre angle que le seul angle théologique et moral. Son adhésion à la ligne de conduite proposée par le COE, formulée clairement sur la question des sanctions économiques et peut-être moins sur celle du soutien aux mouvements de libération, témoigne de cette volonté de réfléchir et de s’inscrire dans un mouvement d’action au sein d’une fédération d’Eglises. En France, le DEFAP participe dès 1975 à la campagne de boycott des oranges Outspan aux côtés de plusieurs organismes, chrétiens ou non.

Il est intéressant de remarquer que bien qu’étant un organisme missionnaire, le DEFAP ne va jamais aborder la question de l’apostolat en Afrique du Sud et n’évoquera la question de la présence chrétienne que lorsqu’il s’agira d’informer de la contestation de certaines structures chrétiennes contre l’apartheid.

Si les dossiers constitués par le service documentation du DEFAP sont une source d’informations importante et détaillée sur la situation sud-africaine, il est cependant permis de penser que leur diffusion fut assez restreinte et ne toucha que les réseaux réformés déjà sensibilisés et militants.

Notes
1297.

La délégation se composait du pasteur Canaan Banana, ancien président de la République du Zimbabwe, du métropolite Paulos Mar Gregorios, président du COE, et de Mr James Mutambirwa du Programme de Lutte contre le Racisme du COE.

1298.

« Attitude du Conseil œcuménique envers l’Afrique du Sud : une délégation s’en explique », BIP, n°1125, 25 janvier 1989.

1299.

Voir BIP, n°1129, 22 février 1989.

1300.

« Assignation à résidence du pasteur Beyers Naudé en Afrique du Sud : protestation de la FPF et du DEFAP », BIP, n°866, 8 décembre 1982, 1 p.