L’intérêt du CCFD pour l’implication de l’Eglise catholique sud-africaine

Quelques mois après les émeutes de Soweto, un nouveau dossier paraît dans Faim et développement (mars 19771326). Il est consacré dans sa totalité à la mobilisation exprimée au sein de l’Eglise catholique, et notamment à celle de Mgr Hurley qui a fait entendre sa voix lors d’une interview donnée à l’Agence France-Presse un mois auparavant. Le CCFD décide d’en reproduire deux courts extraits portant sur les « leçons » à tirer des émeutes de Soweto et sur le rôle que les Eglises vont avoir à jouer :

‘« Notre rôle est de promouvoir les valeurs humaines et l’Evangile. En Afrique du Sud, cela signifie promouvoir la libération des noirs et donc se heurter au pouvoir blanc… 1327».’

Cette déclaration annonce ainsi l’entrée nécessaire des Eglises dans le champ politique et dans un rôle de contestation. C’est bien ce que souligne René Delécluse dans un chapitre du dossier portant le sous-titre évocateur de : «Quand religion et politique se rejoignent » :

‘« Les dirigeants des Eglises ne se contentent plus de dénoncer certains faits et situations donnés. Ils mettent en cause le régime et le système qui les a crées. Les évêques catholiques ont tenu dans leur dernière déclaration à « ajouter leur voix officielle…aux cris qui s’élèvent pour une révision radicale du système1328 ».’

L’organe de presse du CCFD reproduit la lettre pastorale des évêques sud-africains de 1977 avec beaucoup plus d’insistance que ne le firent les organes de presse catholique et réformé étudiés1329. Il en est de même pour la déclaration des évêques concernant le droit à l’objection de conscience, défendu particulièrement par Mgr Hurley.

L’ensemble de ces textes, dont les Français prennent ici conscience, donne l’image d’une Eglise catholique unanime et la conclusion de René Delécluse ne fait qu’accentuer cette vision :

‘« Des jeunes, des religieuses, des noirs. La déclaration des évêques catholiques, on le voit, n’est pas un fait isolé dans la vie de l’Eglise en Afrique du Sud, elle est le reflet d’une évolution et d’une réflexion qui atteint tous les groupes qui la composent1330 ».’

Une telle présentation omet cependant de mentionner que la mobilisation au sein de l’Eglise catholique sud-africaine contre l’apartheid n’a pas été si unanime. Seulement certaines voix de la conférence épiscopale, et particulièrement celle de Mgr Hurley, l’emportèrent sur les silences ou les soutiens implicites au système qui s’exprimèrent au sein des paroisses rurales par exemple…

Mais René Delécluse cherche à faire un exemple de la mobilisation exprimée au sein de la Conférence épiscopale qui, dans un contexte alarmant, s’exprime clairement contre un régime qui ne reconnaît pas les droits de l’homme et qui dénonce une violence policière intense exprimée lors des émeutes de Soweto. Autrement dit, c’est bien l’image d’une Eglise profondément impliquée dans la société et auprès des opprimés qui est présentée et défendue, une telle position devant ainsi susciter questionnements et réflexions chez les chrétiens français…

Notes
1326.

René DELECLUSE, « Les évêques catholiques d’Afrique du Sud : « quand l’Eglise doit se heurter au « pouvoir blanc » »… », Faim et développement, dossier 54A, mars 1977, 4 p.

1327.

Ibid.

1328.

Ibid.

1329.

Voir Chapitre III, 1. La déclaration des évêques sud-africains est reproduite dans la Documentation catholique. Voir « La lutte de l’Eglise contre l’apartheid en Afrique du Sud », op.cit.

1330.

René DELECLUSE, « Les évêques catholiques d’Afrique du Sud… », op.cit., p. 2.