Les effets du système sur les populations

Les conséquences sociales et humaines de l’apartheid vont être davantage traitées dans les années 80. C’est par exemple le cas en 1986, année durant laquelle Faim et développement consacre un article aux victimes de la répression, celles habitant dans les townships comme celles membres d’ Eglises chrétiennes mobilisées contre le système :

‘« Le père Mkhatshwa, secrétaire général de la Conférence épiscopale catholique d’Afrique du Sud, a été torturé. Ce fait cruel dénote l’état de violence sans retenue que veut appliquer la police sud-africaine. 15 000 détenus attendent comme lui réconfort et aide internationale. Un témoignage que nous ramène un voyageur de retour de cette région du monde1346  ».’

La présentation de la répression mise en place par le régime de Pretoria prend ici une autre forme, plus humaine et plus dramatique. Elle peut rendre les lecteurs plus conscients de la nécessité urgente qu’il y a de prendre des mesures concrètes contre le régime de Pretoria. Alors qu’est instauré l’état d’urgence, Jeff Tremblay décrit les conséquences d’une telle mesure gouvernementale : journalistes emprisonnés, actes de tortures de la part de la police et violence des autorités sud-africaines qui « ne se préoccupent absolument plus de leur image internationale et semblent déterminées à aller très loin dans l’application d’une violence extrême en cas de nécessité 1347  ». Ainsi que le firent plusieurs autres observateurs chrétiens, Jeff Tremblay rapporte la répression dont sont victimes plusieurs membres de Eglises comme témoignage d’une violence totalement généralisée :

‘« Les mouvements d’Eglise tels que la Jeunesse étudiante chrétienne, la Jeunesse ouvrière chrétienne et autres organisations d’éducation ont été « bannis ». C’est à dire qu’en regard de la loi ils ne peuvent plus exercer leurs activités. Par ailleurs, et c’est nouveau, une douzaine de prêtres de l’Eglise catholique ont été arrêtés sous le prétexte qu’ils incitaient à la violence dans leurs prédications1348 ».’

Face à de telles conditions de vie, la population noire réagit en créant, au sein des townships, des comités de rue ou associations de quartier (« civics ») composés de parents et de jeunes qui tentent de répondre aux attentes des habitants des townships, particulièrement en matière d’éducation1349.

Jeff Tremblay s’arrête également sur un besoin urgent, celui de l’aide juridique aux victimes de l’apartheid. Sur ce point, le CCFD s’implique particulièrement :

‘« Il n’existe que quelques cabinets d’avocats qui acceptent de se saisir de situations juridiques difficiles. Le coût en est donc très élevé. Les organisations européennes et nord-américaines se sont déjà mobilisées pour cela. Le CCFD pour sa part y a consacré plus de 600 000 F l’an dernier. Les Eglises locales sont incapables de payer les procès qu’elles soutiennent1350 ».’

Jeff Tremblay met ainsi en évidence la mobilisation et l’implication qui apparaissent au sein de la population noire mais aussi au sein des réseaux d’Eglise. C’est auprès de ces groupes militants que le CCFD agit, en soutenant financièrement leurs actions et en restant bien conscient que de telles actions sont sources d’espoir, mais qu’elles ne peuvent pas subsister sans une aide venant de l’étranger :

‘« Est-il possible de laisser ainsi tant de victimes sans moyens de se défendre ? […] Cette formidable solidarité manifestée sur place n’est pas suffisante. Tous ceux qui ont été arrêtés « un matin de juin » attendent un appui encore plus large. Nous pouvons aider leurs familles à espérer1351 ».’

Ainsi, des initiatives menées au sein de la population sud-africaine entrent-elles parfaitement dans le cadre des objectifs du CCFD, dont celui de soutenir des initiatives locales.

Notes
1346.

Jeff TREMBLAY, « Afrique du Sud : emmenés un matin de juin », Faim et développement, n°32, octobre 1986, p. 2-3.

1347.

Ibid.

1348.

Ibid.

1349.

En effet, un boycott affecte alors une grande partie des écoles, les jeunes refusant l’éducation proposée par le gouvernement aux Noirs, considérée comme une éducation au rabais.

1350.

« Afrique du Sud : emmenés un matin de juin », op.cit.

1351.

Ibid.