Et toujours la répression…

Les années suivantes, plusieurs articles vont traiter de l’aggravation de la situation et particulièrement de la répression accrue qui s’exerce sur les organismes et individus luttant contre l’apartheid, surtout lorsque ces derniers sont chrétiens. La répression qui s’exerce en 1988 contre le journal catholique New Nation 1352 , journal soutenu par les évêques catholiques sud-africains et par les organisations membres de la CIDSE dont le CCFD, donne l’occasion à celui-ci de réfléchir à l’efficacité de ses actions :

‘« Saurons-nous entendre cet appel et répondre pour que nos partenaires et les peuples noirs d’Afrique australe puissent retrouver le droit de s’exprimer dans leur pays1353 ? »’

Les inquiétudes du CCFD sur la poursuite de l’aide qu’il peut apporter sont renforcées quelques semaines plus tard alors qu’une nouvelle loi vise à empêcher les actions des organismes humanitaires en Afrique du Sud1354 :

‘« Une loi très inquiétante, interdisant tout aide humanitaire, ou au développement, va se mettre en place en Afrique du Sud. Il faut agir vite pour l’empêcher d’être appliquée […]. C’est donc pour informer de la gravité de la situation en Afrique du Sud qu’une délégation de la conférence épiscopale catholique a entrepris une tournée en Europe1355 ».’

En effet, le CCFD accueille la délégation catholique et organise une rencontre avec plusieurs membres de mouvements et ONG. La promulgation d’une telle loi est clairement perçue comme étant une atteinte directe à l’Eglise catholique et aux mouvements chrétiens qui sont particulièrement mobilisés dans la lutte anti-apartheid. Les conséquences de la loi risquent donc d’être dramatiques, empêchant toutes interventions venant de l’étranger :

‘« Après avoir déclaré illégales des organisations représentatives, essayer de les priver de tout soutien, c’est en fait acculer la population à une violence qui risque d’embraser le cône sud de l’Afrique1356 ».’

Cette nouvelle mesure répressive « sert » ainsi à la Conférence épiscopale sud-africaine et au conseil sud-africain des Eglises pour adresser un nouvel appel au monde demandant la mise en place de pressions sur le commerce, les finances, les communications, un embargo sur les importations de charbon, le non-renouvellement des prêts émanant des banques européennes. L’article de Faim et développement reproduit cet appel en mettant en évidence l’urgence de la situation, le CCFD étant sans doute davantage sensibilisé par la mise en pratique d’une loi qui va porter directement atteinte aux actions qu’il mène en Afrique du Sud :

‘« Un SOS donc en quelque sorte ! Que ferons-nous pour qu’il soit entendu pendant qu’il en est encore temps ? A nous d’y répondre concrètement et rapidement1357 ».’

Cet article permet aux lecteurs sensibilisés par le travail du CCFD de comprendre la difficulté des organismes humanitaires ou de développement à mener des actions en Afrique du Sud. Les activités humanitaires se trouvent ainsi prises dans le mouvement de surveillance et de répression qui s’accroît particulièrement à la fin des années 80 mais n’ont cependant pas d’effets sur la mobilisation exprimée au sein du CCFD.

Notes
1352.

Je reviendrai sur le soutien du CCFD au journal New Nation dans la partie consacrée aux projets menés par le CCFD.

1353.

Marie-Paule DE PINA, « Afrique du Sud : un appel de l’Eglise », Faim et développement, n°49, mai 1988, p. 7.

1354.

La « Fund Raising Act » devait en effet être appliquée à la fin du mois de juin. Suite à un tollé général et à de nombreuses protestations internationales adressées au gouvernement, le projet de loi a été retiré. Mais au début de l’année 1989, le gouvernement préparera une autre loi (loi sur la déclaration des Fonds de provenance étrangère, « Disclosure of foreign funding bill ») qui permettra au gouvernement de contrôler le travail des organisations qui reçoivent des fonds de l’étranger. La conférence épiscopale sud-africaine réagira avec virulence contre cette loi dont les dispositions pouvaient perturber et contrôler le travail des Eglises.

1355.

Marie-Paule DE PINA, « Afrique du Sud : il est interdit d’aider », Faim et développement, n°50, juin-juillet 1986, p. 23.

1356.

Ibid.

1357.

Ibid.