2-1 Août 1973 : la Cimade consacre un dossier à l’Afrique du Sud

[Août 1973 : la Cimade consacre un dossier à l’Afrique du Sud1400]

Le 20 juin 1973, la cour suprême de Pretoria condamne, en vertu de la loi contre le terrorisme (Terrorism Act), 4 syndicalistes sud-africains et 2 étrangers blancs (un Irlandais et un Australien) à des peines de prison allant de 5 à 15 ans. Ce procès a rappelé à l’opinion internationale la répression que connaît alors ce pays.

Dans la première partie de ce dossier, la Cimade tient à informer de l’aggravation de la situation et justifie la publication d’un tel dossier :

‘« Tout un appareil de lois, les méthodes d’interrogation, le traitement des prisonniers, des suspects et même des témoins ont transformé l’Afrique du Sud en un véritable Etat policier fasciste […]. Participant au soutien de projets de « développement » dans le cadre du « Programme de lutte contre le racisme » du Conseil œcuménique des Eglises, la Cimade, en commençant la publication de ce « spécial Afrique du Sud » entend contribuer à l’information de ses amis sur un des plus douloureux et plus explosifs problèmes actuels 1401».’

L’Afrique du Sud « état prison » (titre de la première partie du dossier) et le régime de Pretoria incarnant un « état policier fasciste », de telles expressions témoignent de la condamnation radicale qui s’incarne déjà au sein de la Cimade. Dans sa volonté d’informer, l’organisme tient à parler «  des souffrances de tout un peuple de la lutte longue et difficile de quelques-uns 1402  » mais pointe aussi le doigt sur l’attitude passive de la plupart des observateurs :

‘« Le soutien économique, militaire que notre gouvernement accorde au régime Vorster, le silence de la grande presse, la quasi inactivité des partis politiques et des églises sont autant de raisons pour nous inciter à informer 1403».’

Les membres de la Cimade se sentent donc profondément impliqués par la situation en Afrique du Sud mais surtout par les liens qui unissent le régime de Pretoria à la France. Comme nous l’avons déjà vu, ces liens « honteux » ne cesseront d’être dénoncés par les réformés français mobilisés autour de la question de l’apartheid.

La deuxième partie du dossier (pp 3-5) est consacrée à l’emprisonnement de Nelson Mandela : on peut y lire une courte biographie jusqu’au procès de Rivonia. Y sont rapportés sa lutte, ses idéaux. Son exemple est ainsi considéré « comme un drapeau d’inspiration à la tête de ceux qui continuent la marche 1404  ».

Dans un tel contexte de répression, c’est toute une partie du dossier (pp 6-9) qui est ensuite consacrée au Terrorism Act, loi de 1967 sur la répression du terrorisme qui permet d’interdire et de sanctionner toute activité, même non politique, susceptible de remettre en cause l’ordre établi. Les rédacteurs rappellent qu’en 1969, l’Assemblée générale des Nations-Unies condamnait le régime sud-africain pour son refus d’abolir ces lois « et de se conformer aux résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité demandant qu’il soit mis fin à l’oppression et à la persécution de toutes les personnes qui s’opposent à la politique d’apartheid ». Sont donnés ensuite les exemples de plusieurs victimes de cette loi : les nombreux procès pour atteinte à la sécurité de l’état, les cas de torture et de « suicides » au sein des prisons ou des locaux de police. Le dossier présente assez clairement ces suicides comme des crimes perpétrés par la police…

Une dernière partie (pp 10-12) rapporte quelques nouvelles venant d’Afrique du Sud : on y lit par exemple que le premier ministre Vorster, en visite en France « a été particulièrement impressionné par le système français » (p 10) ou encore que le ministre de la Défense a rencontré à Paris avec M. Robert Galley et les représentants des forces armées françaises. Etait présent au dîner le Général Hugues de L’Estoile , responsable pour l’exportation des armements français… Ces informations, données sans commentaires, auront, comme l’espèrent sans doute les rédacteurs du dossier, l’effet de susciter interrogations et peut-être réactions chez les lecteurs…

Ce dossier, par la précocité de sa parution témoigne de la volonté réelle de la Cimade d’informer des réalités du système d’apartheid à surtout des effets de la répression sur la population noire et sur tous ceux qui expriment une contestation au régime. Il informe aussi des liens économiques qui unissent la France et l’Afrique du Sud, liens qui seront critiqués d’une manière récurrente jusqu’à la fin des années 80, que ce soit au sein de la Cimade ou des autres groupes de chrétiens mobilisés autour de la question sud-africaine.

Notes
1400.

Le dossier est reproduit dans le volume des annexes.

1401.

« Spécial Afrique du Sud », août 1973, p. 2.

1402.

Ibid.

1403.

Ibid.

1404.

Ibid.