2-7 Les projets soutenus en Afrique du Sud par la Cimade dans les années 80

Comme nous le verrons par la suite, la Cimade aura tendance à privilégier les actions en lien avec la situation vécue par des milliers de réfugiés namibiens. A plusieurs reprises, l’organisme va tout de même se mobiliser autour de la question de l’apartheid et de ses effets à l’intérieur du pays. Souvent, la Cimade va agir aux côtés du COE qui est particulièrement présent dans le pays. Ainsi, en novembre 1984, Cimade information consacre un article à son soutien à un programme mené par le Conseil sud-africain des Eglises en direction plus particulièrement des femmes qui sont, d’après l’auteur de la présentation du projet, doublement victimes de la situation puisqu’elles subissent d’une part « les lois et les coutumes mises en place par des hommes, et justifiées par la religion, la tradition, la rentabilité économique 1453  » et d’autre part, dans le contexte d’apartheid, elles subissent également le racisme institutionnalisé. La Cimade soutient ainsi le programme du SACC portant sur « vie familiale et travail auprès des femmes ». La mention de ce programme donne l’occasion au journal de rappeler la mobilisation du SACC concernant la condamnation de la politique d’apartheid alors que « certaines Eglises n’hésitent pas à approuver l’apartheid et à lui trouver des justifications théologiques 1454  »…

La dernière partie de l’article décrit avec précision le contenu du programme :

‘« La première partie du travail consiste à éveiller les motivations des femmes : prise de conscience de la situation, refus de la fatalité, mise en place de groupes de travail […]. Un tel programme implique la création d’ateliers locaux sur des thèmes précis tels que :
- faire face aux situations qui se présentent : résoudre les problèmes de la vie quotidienne, animer une réunion […].
- connaître la législation : les femmes et la justice […], droits et responsabilités des femmes, conseil juridique concernant les problèmes de la famille et du travail.
- Problèmes familiaux : préparation au mariage, l’éducation sexuelle[…].
- Le travail : savoir se servir de ses mains, avoir confiance en soi, compléter les salaires des maris […] ».’

Il est intéressant, à la lecture de l’exposé de ce programme, de constater qu’il s’agit autant d’un programme visant à améliorer les conditions de vie matérielles des femmes sud-africaines qu’une réelle volonté de faire prendre conscience aux femmes qu’elles ont un réel rôle à jouer dans la société d’un point de vue politique, économique ou social. Le programme, mené par les Eglises (il est important de le rappeler) est donc plutôt novateur et tente de favoriser une affirmation des femmes au sein d’une culture qui a tendance à lui dénier tout rôle actif.

En conclusion de cette présentation, la Cimade informe qu’elle participe au soutien de ce programme pour la somme de 50 000 F.

Un article paraissant dans Cimade information en décembre 19861455 témoigne du nouveau souci de la Cimade pour la situation en Afrique du Sud alors que l’état d’urgence verrouille le pays et que la répression s’intensifie, rendant impossible toutes formes d’oppositions au système. L’article décrit avec détail les effets de l’état d’urgence sur la société : comités de sécurité à chaque échelon (commune, district, région, état) présidés par des policiers ou des militaires, la multiplication des cas de tortures et d’exécution, les nombreuses factions policières et militaires dans les quartiers noirs…

Au regard de cette situation, la Cimade appuie le Comité de soutien aux familles des prisonniers (DPSC) par l’intermédiaire du Conseil sud-africain des Eglises qui lui vient en aide. Le DPSC a été créé en 1981 et travaille en collaboration étroite avec les Eglises, les syndicats et toutes les organisations visées par la répression. Il a pour but de centraliser toute l’information que lui apportent les familles ou les organisations touchées par la répression, de publier des statistiques sur les arrestations, les libérations et les maintiens en détention en vertu de la loi sur la sécurité intérieure. Le soutien apporté conjointement par la Cimade et le Défap (engagement financier de 100 000 F pour l’année 1987) est ainsi justifié :

‘« Ses besoins financiers sont considérables pour apporter un soutien juridique (frais d’avocats et payer les lourdes cautions qui peuvent permettre la libération de détenus […]. Le Comité de soutien aux familles des prisonniers est une structure fragile et menacée : elle a besoin d’appuis extérieurs pour poursuivre un travail que tous les témoignages s’accordent à reconnaître comme exemplaire1456 ».’

Par un tel soutien appui, la Cimade témoigne de sa solidarité vis-à-vis des premières victimes du système d’apartheid et de la répression qui s’abat sur le pays depuis plusieurs mois. Elle salue ainsi une initiative qui naît des victimes elles-mêmes et qui veulent trouver les voies d’une mobilisation capable de rendre les lois de l’apartheid moins insupportables et pesantes. D’autre part, elle s’associe à cette occasion à la mobilisation exprimée par les Eglises membres du SACC.

Notes
1453.

« Formation des femmes », Cimade information, n°11, novembre 1984, p. 18.

1454.

Ibid.

1455.

« Solidarité avec le comité de soutien aux familles des prisonniers », Cimade information, n°12, décembre 1986.

1456.

Ibid., p. 30.