1-1 La genèse du voyage

Les ICI étaient, dans les années 70, un journal fortement influencé par le message de Vatican II, à la ligne éditoriale tournée vers le monde et désireux de rendre compte de l’implication des Eglises dans le champ politique et social. La revue, diffusée en France et à l’étranger par abonnement, s’adressait à des catholiques déjà sensibilisés par le message du concile. Nous l’avons vu dans les trois premiers chapitres de cette thèse, la question sud-africaine a été régulièrement traitée au sein du journal. Selon les propres dires de Joseph Limagne, ce sont les émeutes de Soweto qui le poussèrent à proposer à la rédaction le projet d’un reportage sur place. Le manque d’intérêt des Français pour cette région et le manque de moyens financiers expliquant le fait qu’aucun travail de fond n’ait été effectué auparavant par le journal.

Il fut très difficile à Joseph Limagne d’obtenir un visa pour se rendre en Afrique du Sud. Ses fréquentes visites à l’Ambassade à Paris lui permirent de comprendre qu’il n’était pas forcément bien vu qu’un journaliste français, à fortiori considéré comme catholique « de gauche » (comme il me l’a précisé), veuille enquêter seul. En effet, un séjour en Afrique du Sud, à la fin des années 70, ne pouvait se faire que d’une façon plus ou moins « encadrée »…. Les réticences de l’ambassade à délivrer un visa, les tentatives visant à décourager l’exigence de Joseph Limagne quant à l’indépendance de son reportage révèlent, en tous cas, la difficulté qu’eurent les observateurs français à effectuer un travail de « première main » sur l’Afrique du Sud.

Par l’accomplissement d’un tel voyage, les objectifs de Joseph Limagne étaient de faire une présentation objective et complète de la situation en Afrique du Sud, tout en rappelant la genèse du système d’apartheid, en retraçant sa construction et en insistant sur ses fondements idéologiques et religieux. Constatant les difficultés à obtenir son visa et conscient qu’un tel voyage serait peut-être impossible, Joseph Limagne m’a confié qu’il avait déjà pratiquement rédigé son dossier lorsque, par chance, le précieux Sésame lui fut délivré. Ainsi, une bonne partie du travail était déjà faite.