Une étape importante : Soweto

Soweto, justement, est une étape instructive dans le voyage de Joseph Limagne. N’ayant pas pu visiter le township seul (ce dernier, étant situé en zone noire et alors interdit aux Blancs), un fonctionnaire du ministère de l’information l’accompagne. Il comprend très bien les raisons d’une telle présence :

‘« Avant les événements de juin dernier, Soweto faisait la fierté de l’administration bantoue. Les touristes le visitaient en autocar. Maintenant, bien peu s’y risqueraient. Cependant, le ministère de l’information accepte volontiers d’y accompagner un journaliste. On lui montre l’hôpital moderne, le parc de loisirs, le stade de rugby, les villas coquettes du quartier « chic » où habitent les médecins et hommes d’affaires noirs (il y en a…)1473 ».’

Alors que Joseph Limagne s’étonne du fait que seulement 20% de la population soit raccordée au réseau électrique et que la plupart n’ait pas l’eau courante, son guide l’emmène au parc Oppenheimer, pour lui faire comprendre que les conditions de vie des Noirs dans les townships ne sont pas si mauvaises…

‘« Là, on a reconstitué deux cases bantoues à toit de paille. « Voici d’où ils viennent, explique t-il. Ni eau, ni électricité. Ils faisaient même le feu par terre »1474 ».’

Le fonctionnaire insinue ainsi que les conditions de vie des Noirs dans les townships représenteraient donc un nouveau confort de vie avec robinet dans chaque cour, une avancée civilisatrice en quelque sorte…

Joseph Limagne relève cette conception mentale répandue chez les Afrikaners et la déplore, soulignant bien que « l’image du sauvage rétif à la civilisation entretient la bonne conscience des Blancs 1475  ». La mentalité afrikaner, Joseph Limagne la découvre également lors de sa rencontre avec l’écrivain afrikaner Ian Robie, notant que si une classe d’intellectuels commence à découvre les réalités de l’apartheid, la fierté d’appartenir à la nation afrikaner demeure tenace.

Notes
1473.

Ibid., p. 34.

1474.

Ibid.

1475.

Ibid., p. 35.