Le regard de Joseph Limagne sur la montée de la répression

Quelques mois après les émeutes de Soweto, Joseph Limagne constate le climat de tension qui demeure autour du township et dans les quartiers urbains noirs du pays et condamne la répression policière :

‘« Plus grave, la torture devient systématique. Comment le nier ? Tant de gens sont passés entre les mains de la police ! Et tant de gens en parlent. J’ai recueilli plusieurs témoignages directs faisant état de brûlures à l’électricité, de coups sur la plante des pieds, de cheveux arrachés… Pour les Noirs, c’est la terreur. Une terreur orchestrée par la police. Accusation gratuite ? 1476».’

Et Joseph Limagne se charge de décrire les récentes descentes de police à Langa, Nyanga et Guguletu, les townships noirs du Cap alors que la population, à l’appel du SACC, avait décidé de boycotter Noël, décidant d’en faire un jour de deuil : « Affrontements tribaux titrèrent les journaux 1477  »…

A plusieurs reprises, le journaliste laisse donc paraître son jugement critique sur l’attitude de la police, la violence et la répression dont elle fait preuve. Il a recueilli les témoignages de plusieurs anciens prisonniers, tous accablants pour la police. Alors qu’une mère de famille du township de Guguletu témoigne de la mort de son mari abattu par les policiers sur le seuil de sa maison, Joseph Limagne précise que même si elle l’autorise à citer son nom (« maintenant, je n’ai plus rien à perdre »), lui « préfère pourtant taire son identité… 1478  ». Cette mention témoigne des inquiétudes du journaliste concernant des représailles possibles qui pourraient être menées par la police, envers ces témoins « gênants ». La police peut agir en toute impunité puisqu’un projet de loi « mettra les policiers à l’abri de toutes poursuites pour les actes qu’ils ont commis « de bonne foi » dans l’exercice de leurs fonctions. Cette loi sera rétroactive… 1479  ».

Joseph Limagne comprend bien que ce climat de tension, la répression policière accrue entraînent un regain d’activisme au sein des populations noires, particulièrement depuis les émeutes de Soweto. Face à cette situation dramatique, le journaliste présente ainsi comme compréhensible la montée de la violence chez les Noirs et après les émeutes de Soweto, déplore que le régime n’ait pas tiré les leçons des événements :

‘« Au cours du débat de confiance qui a suivi l’ouverture du Parlement, fin janvier, le premier ministre, Johannes Vorster, s’est contenté d’annoncer qu’il poursuivrait sa politique de développement séparé1480 ».’

L’analyse de cette aggravation conduit donc à un certain pessimisme chez le journaliste qui voit le pays s’enfoncer dans la peur, « peur panique quelquefois 1481  »…

Notes
1476.

Ibid., p. 40.

1477.

Ibid.

1478.

Ibid., p. 40.

1479.

Ibid.

1480.

Ibid., p. 38.

1481.

Ibid.