Un tableau de la résistance noire

Une grande partie du dossier est consacrée à la résistance mise en place face à la répression gouvernementale. Si la tension est à son paroxysme en 1976, Joseph Limagne rappelle que les revendications des Noirs sont bien plus précoces, et se sont exprimées de manière pacifique, notamment au sein de partis politiques : l’ANC fondée en 1912, le PAC en 1959… Mais c’est bien une radicalisation de la contestation qui est mise en évidence par le journaliste, radicalisation incarnée notamment par Steve Biko.

Joseph Limagne traite du mouvement de la « Conscience noire ». Plus qu’un parti politique, le mouvement de Steve Biko symbolise, selon lui, « une mentalité nouvelle grâce à laquelle les Noirs cessent d’accepter avec résignation ce que le gouvernement blanc décide pour eux 1482  ». La rencontre du journaliste avec le militant noir, quelques mois avant la mort de ce dernier, permet de dresser un bref historique de la genèse du mouvement, l’occasion pour les lecteurs des ICI d’en savoir plus sur l’apparition de cette nouvelle contestation, plus radicale au sein de la jeunesse noire.

Joseph Limagne se souvient encore très bien du contexte de cette rencontre : Steve Biko était alors assigné à résidence très surveillée à King William’s town. La rencontre se fit donc dans le véhicule de location du journaliste, sous les regards attentifs de deux policiers postés dans une autre voiture devant le lieu de résidence de l’activiste, un centre communautaire anglican. Le journaliste se souvient de la dimension du personnage, ampleur politique au delà des cercles universitaires, mais aussi ampleur charismatique, la stature d’un « futur chef de gouvernement » selon le journaliste. Le message du mouvement de la « Conscience noire » a alors particulièrement de poids auprès d’une jeunesse noire qui ne se reconnaît plus dans les messages de résistance plus « modérés » d’autres partis. Joseph Limagne fait mention du dynamisme de la « Conscience noire », qui touche aussi les Eglises, mais qui « dresse chaque jour un peu plus les non-blancs contre leurs oppresseurs 1483». Le journaliste met donc en évidence le radicalisme du message de Steve Biko et, en parallèle, la nécessité pour les Eglises de se mobiliser et de se positionner clairement pour que ce radicalisme ne l’emporte sur un message chrétien plus pacifique et fédérateur, dans l’esprit de la Charte de la Liberté de 1955 autour de laquelle s’articule la mobilisation des militants de l’ANC notamment.

Notes
1482.

Ibid., p. 36.

1483.

Ibid., p. 44.