2-2 Court historique de la JOC sud-africaine jusqu’à l’arrivée de J-M Dumortier

[Court historique de la JOC sud-africaine jusqu’à l’arrivée de J-M Dumortier1501]

Les graines de la JOC sont semés en Afrique du Sud au milieu des années 50, par un jeune travailleur blanc de Johannesburg, Eric Tyacke, qui contacte la JOC de Londres pour se familiariser avec ses méthodes. Immédiatement, les premiers jocistes sud-africains choisissent une option résolument ouvrière mais aussi multiraciale, abordant les problèmes du travail, du syndicalisme, liés, bien sûr, aux problèmes raciaux. Le belge Joseph Cardjin (1882-1967) qui devait fonder la JOC dans les années 20 avait été, avant d’être nommé cardinal en 1965, invité en juin 1960 à la session de l’association Kolbe dont le but est de mener une réflexion autour du thème du travail et particulièrement sur le sujet : « L’Evangile et la société suivant la méthode « Voir, Juger, Agir » » qu’il avait lancée. En 1961, le mouvement compte 100 groupes répartis dans les villes de Johannesburg, de Durban et du Cap. Deux tiers de ces groupes sont composés d’Africains, les autres étant Métis et Blancs. Les lois de l’apartheid et la répression constante vont bien sûr rendre fort difficile le travail de la JOC qui parviendra difficilement à survivre dans un tel contexte. Le mouvement oscille alors entre la coordination de clubs de jeunes blancs proches de la bourgeoisie et l’engagement plus profond avec les jeunes noirs.

En 1961, la JOC d’Afrique du Sud s’affilie à la JOC internationale. A l’époque, une bonne partie des rapports d’activités concernait des visites aux malades des hôpitaux et autres œuvres de charité… mais ils signalent aussi des équipes engagées dans les industries. Renforçant cette option, la JOC contribuera, au début des années 80, au renouveau syndical sud-africain.

A la fin des années 60, la JOC précise ses actions et s’organise en catégories (groupes d’employés de maison, d’infirmières au Cap). Comme me l’a expliqué Jean-Marie Dumortier, l’apartheid devait être expliqué à la lumière de l’exploitation ouvrière et non comme un système basé sur l’inégalité des races. En raison de ce positionnement, la JOC a eu à subir de nombreuses critiques contestant la non-considération de la question raciale1502. Les campagnes de l’époque abordent ainsi de front les questions de conditions de travail et appellent à la rédaction de cahiers de revendications.

La JOC s’affirme notamment lors de la grève « sauvage » et spontanée qui est née dans l’industrie textile à Durban en 1973. Cette grève ne bénéficie d’autant soutien des syndicats, ceux-ci ayant été interdits et démantelés. A partir de cette date, la JOC cherche à regagner les droits des travailleurs et à les aider à s’organiser en syndicats autonomes et démocratiques.

En 1978, la répression s’abat violemment sur la JOC et ses dirigeants à l’occasion de la célébration interdite du 1er mai qui avait été organisée pour rassembler des travailleurs dans une paroisse de la banlieue est de Johannesburg. Plus de 30 dirigeants nationaux et régionaux sont arrêtés dans le pays dont Phelelo Magane, premier président noir du mouvement, et Roddy Nunes, secrétaire général. Cette répression suscite des réactions dans le monde entier. En Afrique du Sud, les prisonniers bénéficient du soutien sans faille de la Conférence épiscopale, du Conseil des Eglises d’Afrique du Sud et de Mgr Cassidy, délégué apostolique du Saint-Siège. Accusés d’activités terroristes, ils sont libérés sur un non-lieu et retrouvèrent leurs sièges après un an de procès.

Jean-Marie Dumortier arrive en Afrique du Sud au lendemain de cet épisode répressif, soucieux d’apporter sa contribution à un mouvement structuré et qui cherche à renforcer, malgré la répression, son action auprès des travailleurs.

Notes
1501.

La longue tradition de lutte des JOC d’Afrique, publiée à l’occasion du 75ème anniversaire de la JOC, 2000 (publication interne).

1502.

La JOC sud-africaine ne s’impliqua jamais auprès d’un parti politique qui lui, privilégiait forcément la notion de race. Elle maintient donc toujours ses distances vis-à-vis de mouvements de libération comme l’ANC et la « Conscience noire » et n’intégra pas l’UDF lors de sa création en 1986 à la différence de la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne) qui adopta une conception plus politique de la lutte.