Mouvances géographiques…

[Mouvances géographiques1506…]

Mothotlung est situé dans le Nord Transvaal à quelques cinquante kilomètres de Pretoria et à une quinzaine de kilomètres de Brits. Les deux petites villes ont eu leurs évolutions profondément liées l’une à l’autre. Jean-Marie Dumortier l’explique très bien dans son ouvrage :

‘« Mothotlung ? Bien sûr, c’était un peu perdu. En fait cela avait été la première tentative de déplacement de l’ancienne location de Brits. On avait pris une partie des gens qui vivaient dans la banlieue immédiate de la ville blanche. On les avait réinstallés à une quinzaine de kilomètres de là, au milieu de nulle part : c’est Mothotlung. Plus tard, le gouvernement avait tracé une « frontière » autour de la location et des villages environnants et les avait insérés dans l’Etat libre du Bophuthatswana ce qui du même coup enlevait à ses résidents toute prétention à obtenir un jour la citoyenneté sud-africaine1507 ».’

Jean-Marie Dumortier s’est donc retrouvé au cœur de la politique du « Grand apartheid », projet insensé selon lui, entraînant des modifications de frontières, des déplacements de populations... Par ce processus, Mothotlung a été incorporé en 1977 en République indépendante du Bophutatswana et est devenu un véritable « réservoir de main-d’œuvre » pour les villes de Brits et de Pretoria.

Les conditions de vie y étaient rudimentaires : des maisons « boites d’allumettes », pas de routes goudronnées, pas d’égouts, pas d’hôpitaux à proximité, pas de magasins…

Le prêtre français juge son logement plutôt confortable au regard des conditions de vie de la population : un logement situé à côté de l’église et composé d’une grande pièce flanquée d’un WC avec douche.

C’est plus particulièrement à Oukasie (en Afrique du Sud) que Jean-Marie Dumortier s’implique. Vieille « location » noire de Brits, c’est là que « s’entassent » les populations noires rejetées de la proche ville de Brits encore une fois en vertu du « Grand apartheid ». Les conditions de vie y sont désastreuses, mais les structures sont là : les écoles, les églises et aussi « cette salle des fêtes de l’Eglise catholique qui est devenue un haut lieu du mouvement ouvrier sud-africain et du mouvement de résistance aux lois de l’apartheid 1508  ». L’évolution de la location, les tentatives du gouvernement de la déplacer (en vain) vers le bantoustan tout proche firent en effet que la mobilisation de la population y fut ici plus importante qu’ailleurs. En effet, alors qu’en 1985 est venu l’ordre définitif de déplacement de la « location », les habitants étaient prêts et avaient déjà de longue date établis des liens avec des organisations civiles tel le « Black Sash » (organisation de défense des droits de l’Homme basée à Pretoria)1509. Principalement habitée par des travailleurs « offrant » leur force de travail aux industries toutes proches, la région d’Oukasie fut celle autour de laquelle s’est développé un syndicalisme dans les années 1982-83 :

‘« Il est évident que le seul fait d’habiter à deux pas du lieu de travail y rendait plus facile qu’ailleurs la possibilité d’y organiser les travailleurs et de mobiliser les résidents 1510».’

C’est donc dans un tel contexte que la JOC tente de mobiliser la population ouvrière et aide à l’apparition d’une nouvelle mobilisation ouvrière que les lois de l’apartheid ont mis à mal.

Notes
1506.

Voir carte de l’Afrique du Sud et des bantoustans en début de volume.

1507.

Ibid., p. 11.

1508.

Ibid., p. 37.

1509.

Le gouvernement tenta de déplacer la location noire vers le bantoustan au milieu des années 80. Elle a été ainsi « dé-promulguée » (de-proclaimed) par un décret ministériel daté du 7 décembre 1985. Comme les habitants n’ont pas voulu partir, le ministre du développement et de la coopération en a fait un « Camp d’urgence » e avril 1988.

1510.

Ibid.