2-6 La JOC aux côtés des travailleurs de l’usine B&S de Brits

Les événements et l’organisation de la mobilisation

A Brits, Jean-Marie Dumortier s’est trouvé au centre d’un important mouvement syndical qui avait pris naissance au début des années 80. En 1982, de jeunes militants de la JOC travaillant chez B&S dégagent, au cours des réunions, un certain nombre de problèmes existant dans leur entreprise : conditions d’hygiène et de sécurité défaillantes, prix de la cantine trop élevé, salaires trop bas… Ces jocistes, dans leur cadre de travail, tentèrent de mobiliser les collègues et de construire un début d’action revendicatrice. Cette mobilisation ne manqua pas de susciter la réaction de la direction, d’autant plus qu’elle s’accompagne d’une campagne d’adhésion au Syndicat des métaux alors naissant. Alors que les travailleurs mobilisés au sein d’un comité posent la question de la reconnaissance du syndicat dans l’entreprise, la direction, sous un prétexte futile, licencie un membre du comité. Jean-Marie Dumortier rapporte de la façon suivante la réaction d’un militant jociste travaillant à l’entreprise B&S :

‘« Pour faire bref, il avait saisi un papier d’emballage et y avait inscrit le slogan historique du mouvement ouvrier sud-africain : « An injury to one is an injury to all » (Frapper l’un d’entre nous, c’est nous frapper tous). Il y avait joint cet autre slogan qui lui venait de sa foi : « aimons-nous les uns les autres ». Tout le personnel avait débrayé. Déconcertée, la direction avait engagé la négociation et envoyé une voiture chercher le travailleur licencié pour une réintégration immédiate 1521».’

Quelques semaines plus tard, ce militant jociste apprend son licenciement, ainsi que huit autres travailleurs connus pour leurs convictions syndicales, dont 5 jocistes.

Les militants se retrouvent dans la salle des fêtes de l’église d’Oukasie. C’est ainsi que commence le long combat des travailleurs de B&S qui dure un an, combat soutenu par Jean-Marie Dumortier.

Réclamant le réembauchage de tous, ils se rassemblent tous les jours dans la salle de Oukasie et bénéficient après quelques mois de mobilisation de l’aide d’un permanent syndical désigné pour suivre l’évolution du conflit et soutenir l’action en cours. Progressivement, le combat des travailleurs de Brits prend une envergure nationale. Un comité de soutien se constitue, regroupant des organisations humanitaires, des Eglises, les formations syndicales internationales… Quelques jours avant l’ouverture du procès, la direction de l’entreprise décida de négocier, négociations qui conduisent à une résolution du conflit avec la réintégration de l’ensemble du personnel et surtout la reconnaissance du syndicat dans l’entreprise. La victoire est célébrée avec les jeunes de la JOC lors d’un meeting près d’un an après le début de leur mobilisation.

Jean-Marie Dumortier se souvient avec émotion de cet épisode qui conduisit des travailleurs, inspirés et poussés par le message de la JOC, à se mobiliser pour leur respect de leurs droits et à lancer un important mouvement syndical :

‘« C’est vrai, j’avais pris l’habitude deux ou trois fois par semaine d’aller m’asseoir parmi eux dans la salle de l’Eglise de Brits-Oukasie où ils tenaient leurs réunions durant toute cette année. Quel a été mon rôle ? Pas grand chose : être là…écouter…participer occasionnellement à une réunion du comité…faire quelques liens avec la conférence épiscopale et des organisations humanitaires…[…]. Peut-être, au fond, n’ai-je fait que prier, me laissant absorber dans ce sentiment intense de solidarité pour que se lève enfin une lueur d’espoir et un début de réalisation de justice pour les travailleurs de Oukasie, la « vieille location » de Brits1522 ».’

Jean-Marie Dumortier se présente ainsi surtout comme quelqu’un ayant été un lien et un soutien, lui-même inspiré par la spiritualité du mouvement. Par sa présence lors des réunions et surtout par le fait que ces dernières se tenaient dans la salle de l’église, il montrait qu’il était profondément solidaire de l’action des travailleurs et que cette dernière trouvait parfaitement son cadre auprès d’un mouvement d’inspiration chrétienne.

Notes
1521.

Ibid., p. 126.

1522.

Ibid., p. 128-129.