3 Emmanuel Lafont, prêtre français à Soweto

Les paroissiens du Père Emmanuel Lafont l’appelaient Ntate Senatla, le Père la Force en langue sotho. Ce surnom témoigne de l’importance qu’il a eu pour les habitants du township de Soweto durant les années 80 : un rôle de prêtre au message spirituel puissant mais au delà de cela, celui d’un homme impliqué et mobilisé, un médiateur qui oeuvra à une prise de conscience de ses paroissiens pour un changement de leurs conditions de vie. Dépassant souvent son « strict » rôle de prêtre, il s’est, à de multiples reprises, impliqué au sein d’organismes auprès des habitants afin de mener des actions concrètes à Soweto. L’engagement d’Emmanuel Lafont au cœur du township est le témoignage d’une volonté de lier foi et engagement dans un contexte de crise. Loin de se « cacher » derrière ses institutions, le prêtre s’engagea le plus souvent en son nom propre, prenant souvent des risques dans un tel climat répressif. Son expérience permet ainsi d’entrevoir un autre visage de la présence catholique en Afrique du Sud et de dresser le portrait d’un homme au parcours singulier et atypique.

Pour cette étude, je me suis appuyée sur la biographie qui lui a été consacrée en 19971536 et surtout sur l’entretien que j’ai pu effectuer avec lui le 17 janvier 2003 au siège des OPM (Paris) alors qu’il en était le directeur1537.

La volonté d’Emmanuel Lafont d’œuvrer pour une plus grande justice sociale est née bien avant son arrivée en Afrique du Sud. Séminariste à Rome alors que s’ouvre le concile Vatican II, c’est naturellement qu’il se questionne sur la place de l’Eglise dans le monde. Revenu en France, il s’engage auprès de la JOC et entre en contact avec les prêtres de « Fidei donum » qui ont choisi de vivre leur sacerdoce auprès des populations du tiers monde. Seul Blanc installé dans une zone noire, Emmanuel Lafont va ainsi mener toute une série d’actions concrètes alors que l’Afrique du Sud vit ses heures les plus violentes. L’étude de ces actions, menées toujours en accord avec une spiritualité très profonde, montreront la singularité d’un engagement chrétien dans un contexte particulier.

Notes
1536.

Isabelle MARQUE, Un prêtre à Soweto, Paris, ed de l’atelier, 1997, 127 p.

1537.

Emmanuel Lafont a en effet été le directeur des Œuvres pontificales missionnaires (OPM) jusqu’en 2003. En août 2004, il est ordonné évêque de Guyane.