3-3 Le départ et la première installation

Après 10 années passées dans sa paroisse à Tours, Emmanuel Lafont décide de partir en tant que prêtre « Fidei Donum » dans le but de vivre « immergé » dans un pays du tiers-monde, désireux de voir un autre visage de l’Eglise dans le monde. Pour Emmanuel Lafont, l’autre intérêt à partir en tant que prêtre « Fidei Donum » est de pouvoir bénéficier d’une indépendance certaine, indépendance qui serait moins évident s’il partait en tant que missionnaire au sein d’une congrégation. C’est au contraire par hasard qu’il choisir de partir en Afrique du Sud répondant simplement à la proposition d’un jociste blanc sud-africain.

Comme j’ai déjà pu l’aborder dans les parties précédentes de ce chapitre, il n’était pas facile pour un homme d’Eglise de se rendre dans le pays en 1982 et d’autant plus qu’étant en lien avec la JOC, mouvement particulièrement mal perçu par les autorités sud-africaines. Emmanuel Lafont finit par trouver une vague couverture par l’intermédiaire de diplomates…

Emmanuel Lafont connaissait les réalités du système d’apartheid bien avant son départ. Impliqué au sein de la JOC française, il avait été sensibilisé par la situation des jocistes sud-africains lors de la vague de répression qui avait touché le mouvement en 1979. Il avait également participé, en tant que prêtre à la campagne anti-outspan.

Bien qu’informé des réalités du système d’apartheid, Emmanuel Lafont est choqué, lors de son arrivée à Johannesburg par les quartiers réservés, la ségrégation dans les lieux publics, les moyens de transport… il est surtout frappé de constater l’ignorance existante entre les races.

Il se rend compte qu’il sera difficile pour lui de travailler en tant que prêtre et jociste auprès des populations noires. Il entend les récits d’arrestations, les risques que prennent ceux qui combattent l’apartheid. Il comprend aussi que « l’étiquette » religieuse ne suffira pas à le protéger… Malgré tout, il décide de rester, conscient que là plus qu’ailleurs, son rôle sera d’agir et de ne pas seulement célébrer la messe le dimanche :

‘« J’ai compris que si je m’installais dans ce pays, il me serais impossible de rester sur la touche tandis que ceux dont je me voulais solidaire se brûleraient les doigts. Sans jouer nécessairement les imprudents, il me fallait accepter de prendre des risques. La solidarité ne se mesure pas. On ne peut pas « être avec » un jour et se calfeutrer le lendemain1545 ».’

Emmanuel Lafont a donc pris contact avec le pays, mais il décide de rentrer en France pour une année afin de se perfectionner en anglais. De plus, il prend soin d’obtenir des papiers ne stipulant pas son appartenance à la JOC et obtient un permis de séjour de 3 mois et une recommandation de l’évêque de Johannesburg. Il arrive en Afrique du Sud le 26 octobre 1983.

Notes
1545.

Ibid., p. 36.