3-5 Une nouvelle implication dans la société post-apartheid

Après tant d’années de lutte dans une société ravagée par la répression et la ségrégation, Emmanuel Lafont voit avec confiance la société sud-africaine évoluer vers la démocratie pour tous. Dans la liesse qui accompagne et suit la libération de Nelson Mandela, le prêtre français se fait une place et parvient à assister à une interview accordée que ce dernier a accordée des journalistes français. Il est alors impressionné par la stature et le charisme de cet homme, parlant avec calme et réflexion. Il rencontrera Nelson Mandela à de multiples reprises par la suite, conservant toujours les mêmes impression face à un homme devenu figure mythique.

Malgré la violence qui a continué à agiter l’Afrique du Sud après la libération de Nelson Mandela, Emmanuel Lafont est resté conscient de la force des Eglises et surtout du nouveau rôle qu’elles peuvent jouer dans ce nouveau contexte :

‘« Nous devons croire en la paix plus qu’eux-mêmes, pour répondre à leurs interrogations, leurs doutes, c’est ce que les responsables attendent de nous. Que se passerait-il le jour où découragés par l’ampleur de la tâche, les gens de bonne volonté ne trouvaient devant eux que des hommes et des femmes d’Eglise sans espérance ? 1563»’

Son engagement demeure également un engagement civil puisque c’est en 1991 qu’il intègre le Comité du grand Soweto, l’un de ces nombreux comités de paix qui se sont formés après la fin de l’apartheid, témoins d’une nouvelles mobilisation démocratique.

Par l’intermédiaire du Secours populaire, Emmanuel Lafont s’implique également au sein du bidonville de Weilers Farm et oeuvre pour que des salles de cours soient construites, que des professeurs soient nommés. Il organise également la distribution de repas une fois par jour.

Les premières élections démocratiques et multiraciales vont donner l’occasion à Emmanuel Lafont de se mobiliser et de prendre une part active dans ce moment historique pour l’Afrique du Sud. Le 26 avril 1994, il ouvre le bureau de vote situé dans l’église de Saint-Philippe-Néri. Depuis plusieurs mois, il avait transformé son église en forum où l’on pouvait apprendre les modalités du vote ou discuter des nouveaux enjeux démocratiques.

Dans le contexte de reconstruction que connaît l’Afrique du Sud à partir de 1990 et alors que les Sud-Africains non-blancs peuvent reprendre en main leur destin par l’acquisition des droits fondamentaux, Emmanuel Lafont s’interroge sur la légitimité de la participation d’étrangers, à fortiori Blancs, au sein d’organisations sud-africaines, qu’elles soient religieuses ou civiles.

‘« Il n’était pas normal que des étrangers, à fortiori blancs, soient à la tête d’organisations de la communauté. L’Afrique du Sud est déjà trop blanche, trop européenne. Ce n’est pas à nous de construire son Eglise. Nous sommes là pour servir, pas pour nous substituer aux gens1564 ».’

Après s’être engagé corps et âme dans un contexte de crise et de répression, Emmanuel Lafont estime ainsi que sa présence n’est plus nécessaire dans la société post-apartheid. Après un premier retour en France en 1993 pour quelques mois, il rentre définitivement en 1997.

Notes
1563.

Ibid., p. 104.

1564.

Ibid., p. 113.