4-4 Pour une action œcuménique et multiraciale…

Le pasteur Georges Mabille fut donc à l’initiative du centre multiracial et œcuménique de Wilgespruit. Si le centre passa rapidement sous l’égide du Conseil sud-africain des Eglises, il est intéressant de mettre en évidence la responsabilité d’un réformé français dans une telle initiative. Un sentiment de culpabilité a pu entraîner une telle action, sentiment d’ailleurs exprimé dans Réforme en 1983 :

‘« Il est incontestable qu’à côté des Britanniques et des Boers, les descendants des Français huguenots ont leur part de responsabilité dans l’élaboration de ce régime anti-biblique1605 ».’

Georges Mabille a ainsi œuvré pour une intervention des Eglises dans le champ social, dans un esprit œcuménique et multiracial. Parallèlement à ce travail « sur le terrain » dès la fin des années 40, Georges Mabille a été un témoin privilégié, capable d’informer les lecteurs chrétiens français des réalités de l’apartheid.

Homme éclairé et actif, il réagit à la lettre envoyée par Frédéric Albrecht à tous les pasteurs de France et publiée dans le dossier de l’ACFA de décembre 19801606. Il réagit notamment aux critiques de Frédéric Albrecht à l’encontre de l’implication du COE :

‘« Croyez-moi, entre l’extrémisme que vous reprochez au Conseil œcuménique (qui d’après vous fournit des aides financières aux terroristes anti-blancs) et les tenants du capitalisme blanc sud-africain, ivre de sang des noirs de Soweto et des métis du Cap, se place Wilgespruit dont je suis un des fondateurs en 1948. Le Dieu vengeur, c’est bien celui de ce nationalisme pseudo-chrétien de Vorster et dans une mesure peut-être moindre de l’actuel Botha1607 ».’

Les propos sont donc clairs et Georges Mabille met l’accent sur la nature économique du système et l’exploitation des populations non-blanches.

Si l’action de Georges Mabille en Afrique du Sud naquit particulièrement d’une initiative personnelle, il fut lié étroitement à la Fédération protestante de France. En effet, c’est lui qui prononce en 1988, à l’occasion de la commémoration du tricentenaire de l’arrivée des huguenots en Afrique du Sud, le discours dont l’a chargé la FPF. Ce sera une occasion pour lui de rendre hommage aux grandes voix chrétiennes sud-africaines de la lutte anti-apartheid, « le passage relatif aux voix prophétiques venues d’Afrique du Sud étant déjà suffisamment explicite 1608  ». Cet événement fut ainsi l’occasion pour lui de véhiculer le soutien de la Fédération Protestante de France aux combats d’hommes d’Eglises dont Georges Mabille ne pouvait se sentir que très proche, ces derniers, loin de fustiger l’identité afrikaner, sachant bien que le changement en Afrique du Sud ne pourrait se faire que dans un esprit multiracial et avec l’apport de tous.

Notes
1605.

Georges MABILLE, « Pour des protestants noirs : un ministère de réconciliation »(1983), Réforme, op.cit.

1606.

Un chapitre entier est consacré au dossier de l’ACFA dans la dernière partie de cette thèse.

1607.

« L’Eglise protestante face à l’Afrique du Sud : l’Eglise piégée », ACFA information, Volume II, fascicule 3, novembre 1980, p. 12.

1608.

« Festivités au Cap : Botha en appelle à Marie Durand », Réforme, n°2246, 30 avril 1988, p. 6.