1 Les interrogations des chrétiens sur les mesures diplomatiques et économiques

1-1 Un soutien prudent et inégal aux sanctions économiques et diplomatiques

Les journalistes chrétiens français ne vont que très rarement prendre position en faveur des sanctions économiques prises à l’encontre de l’Afrique du Sud. Lorsque la presse aborde le sujet, elle le fait souvent en reproduisant les positions d’autres personnalités, ecclésiastiques ou autres. Ainsi, la question est traitée dans Réforme 1621 le 31 octobre 1970 à l’occasion de la venue à Parie du Président de la République de Zambie, M. Kenneth Kaunda :

‘« M. Kaunda avait, en effet, reçu mission, à la fois de l’O.U.A et de la conférence des Non-Engagés, de mettre les puissances occidentales en face de leurs responsabilités concernant l’aide, avouée ou non, qu’elles apportent aux régimes coloniaux ou racistes, sud-africain, portugais et rhodésien. Il s’agissait, plus spécialement, de la fourniture matériel de guerre à l’Afrique du Sud […]1622 ».’

La visite de M. Kaunda donne l’occasion au journaliste de rappeler que la France est une escale particulièrement importante pour le président puisque cette dernière continue à faire « dexcellentes affaires avec le régime de M. Vorster 1623  »… En précisant que la France est le plus grand fournisseur en matière d’armement, Paul Adeline prend position implicitement en déplorant cet état de fait. Les propos du président zambien ne font que renforcer la pensée du journaliste :

‘« Le fait essentiel, souligné par le Président, est que, en diminuant ses fournitures, la France donne une preuve concrète de son hostilité à l’apartheid, sinon à l’Afrique du Sud […]. C’est pourquoi M. Kaunda insiste sur le fait que l’important dans les fournitures d’armes, c’est moins leur valeur militaire - les arsenaux sont pleins et l’industrie sud-africaine suffit presque aux réparations et au renouvellement des stocks- que l’espèce de caution morale que les vendeurs fournissent aux régimes 1624».’

Mais Paul Adeline comprend bien que la question morale ne fait pas le poids face à des considérations d’ordre commercial… il est cependant clair qu’il partage les positions du président Kaunda sur ce point : au delà d’une collaboration économique et militaire entre la France et l’Afrique du Sud, c’est la valeur symbolique de cette collaboration qui est à dénoncer.

Le 27 mars 1976, un autre article de Réforme aborde de nouveau le sujet des sanctions. Le journal reproduit une déclaration du chef du Zoulouland Gatsha Buthelezi faite le 14 mars devant 12 000 personnes au stade de Soweto. Il y aborde la question des investissements étrangers, les qualifiant « d’immoraux 1625  ».Dans un article joint, Daisy de Luze commente la déclaration et donne surtout son sentiment sur la question. Partant du principe que les Blancs sud-africains ne pourront plus travailler pour l’exportation, il restera alors deux solutions : l’émigration (des gens et des capitaux) ou la production pour le marché intérieur :

‘« Une fois l’Afrique du Sud isolée économiquement, et si les Blancs ne veulent pas quitter le pays, la seule issue sera de contribuer au développement du marché intérieur. L’industrie devra prendre en considération la demande locale de 19 millions de non-blancs […]. Et le seul moyen de répondre effectivement aux immenses besoins de cette population noire sera de créer des emplois pour les noirs et de leur offrir des salaires honnêtes1626 ».’

L’article reproduit ensuite les propos d’Hans Linneman, professeur d’économie de l’université d’Amsterdam pour qui le désinvestissement de capitaux étrangers ne conduirait pas à une détérioration des conditions de vie des Noirs. Au contraire, il contribuerait à améliorer leur situation. L’article se termine par la demande de Daisy De Luze d’entendre avec sérieux et gravité ces propos « avant que ne sonne la vingt-cinquième heure 1627  ».

Notes
1621.

« Le président Kaunda à Paris : pas d’armes pour l’Afrique du Sud », Réforme, 31 octobre 1970, n° 1337, p3.

1622.

Ibid.

1623.

Ibid.

1624.

Ibid.

1625.

Daisy DE LUZE, « Désinvestissement et lutte contre l’apartheid », Réforme, n°1618, 27 mars 1976, p. 16.

1626.

Ibid.

1627.

Ibid.