La question du marxisme est également évoquée au sein de la commission « Justice et Paix »

La question du marxisme est abordée par plusieurs membres de la commission alors qu’il s’agit de se positionner par rapport au rapport final de la Commission d’enquête sur l’apartheid qui s’est réunie à deux reprises le 23 mai 1976 et le 28 janvier 19771705. Ce rapport final suscite en effet divers questionnements qui s’expriment lors de la réunion du 15 février 1977 :

‘« Le Père Ménager fait remarquer qu’il y a un soutien aux mouvements de libération qui leur fait question. Il ne souhaite pas que l’Afrique australe devienne marxiste. Soutenir les mouvements de libération soit, mais pas le marxisme. Ce à quoi certains membres rétorquent que, s’il y avait possibilité de choix, ce serait effectivement préférable mais dans la réalité, qu’en est-il ? L’essentiel est de nous demander si nous sommes, par rapport à l’apartheid, dedans ou dehors. Si l’on a la certitude de voir l’Afrique australe devenir marxiste, il n’y a qu’à se conduire comme M Ian Smith, par exemple. Certes, mais n’avons nous pas à sensibiliser l’opinion publique sur un plan moral (lutte contre l’apartheid) plus que sur un plan de pression politique ? Ne changeons-nous pas la nature de notre intervention et de notre être ? Cette interrogation clôt provisoirement l’échange à ce sujet mais cette question doit être reprise1706 ». ’

La question du communisme est donc omniprésente lorsqu’il s’agit d’aborder les moyens d’action possibles vis-à-vis de l’Afrique du Sud. Le compte-rendu de la réunion du 15 juin 1977 rapporte les interrogations de certains membres de la commission concernant la participation éventuelle de « Justice et Paix » au meeting de la Mutualité du 16 juin 1977, organisé sur l’initiative de plusieurs organismes et partis politiques français. C’est la participation du Parti communiste à la réunion qui pose problème, « de même, les méthodes employées pour obtenir la participation d’hommes d’Eglise au plus haut niveau 1707  ». La dénonciation de ces méthodes est faite de manière plus claire par la suite :

‘« La prise en main, par le parti communiste, des questions relatives à l’Afrique australe, semble se faire avec rigidité et cela se ressent 1708».’

La question du communisme régit ainsi l’ensemble des prises de position des chrétiens mobilisés. En somme, porter un regard sur les mouvements de libération revient forcément à aborder la question du marxisme. En France, aborder la question sud-africaine revient à réfléchir aux types d’actions à mener et surtout auprès de qui les mener, la mobilisation en France s’étant surtout exprimée au sein de partis politiques et organismes proches du parti communisme1709.

Notes
1705.

Voir la partie consacrée à la mobilisation de la commission « Justice et Paix ».

1706.

Réunion du 15 février 1977, CJP/77/17.

1707.

Réunion du 15 juin 1977, CJP/77/48.

1708.

Ibid.

1709.

La militante Jacqueline DERENS dresse un tableau intéressant des mouvements politiques au sein des groupes de contestation français dans son ouvrage : Nous avons combattu l’apartheid, Paris, Non lieu, 2006, 150 p. Elle joua, pour sa part, une part active dans l’AFASPA (Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique). En 1984, des militants de l’AFASPA issus des milieux communistes et syndicaux et d’autres organisations comme le MRAP, décidèrent de créer une structure dévolue à la lutte contre l’apartheid et à la solidarité avec l’ANC, la RNCA (Rencontre Nationale Contre l’Apartheid).