2-5 Déjouer la propagande, aborder la question du communisme, deux enjeux importants chez les observateurs chrétiens

La presse réformée ainsi que le groupe de travail de la CSEI, bien conscients des informations « orientées » qui émanent du bureau d’information sud-africain donnèrent régulièrement la parole aux grands témoins sud-africains. Ils ont également mis en évidence le message propagandiste délivré par l’Afrique du Sud, terme extrême, volontairement employé par plusieurs observateurs dans la presse réformée qui affirmèrent et la nécessité de proposer aux lecteurs d’autres modes d’information.

D’un point de vue catholique, la question de la propagande (le terme n’est jamais employé) s’est moins posée et a rarement été mise en évidence dans la presse. Pourtant, ils surent préciser, lorsque cela était nécessaire, que les piliers de l’apartheid demeuraient alors que le gouvernement s’engageait, au milieu des années 80, dans la mise en place de réformes qui ne touchaient qu’à l’apartheid « mesquin ». En cela, ils surent faire preuve d’un regard juste sur la situation.

La question de la propagande et la nécessité de la « déjouer » ont donc été davantage évoquées chez les réformés que chez les catholiques. Quant à la question du communisme, elle a été traitée de façon différente chez les catholiques et chez les réformés. Dans les années 50, le communisme était perçu, particulièrement dans les bulletins de l’agence Fides, comme un système plus dangereux que celui de l’apartheid. Les réalités de ce dernier système furent par conséquent souvent éludées… Si La Croix et les ARM ,à la suite de Fides, évoquèrent bien les dangers du communisme dans les années 50 et 60, le sujet ne fut plus évoqué dans les décennies suivantes. Lorsqu’il l’est dans les années 50, c’est aussi parce qu’il peut porter atteinte à l’influence des Eglises catholiques en Afrique du Sud…Le silence dans les années 70 et 80 n’évoque sans doute pas un tabou lié à la question mais plus une volonté d’évoquer les vrais problèmes liés à l’apartheid (qui se renforce). Comme l’a fait la presse réformée, les ARM, sous la plume de Philippe Denis, évoquèrent sans détour la mobilisation des Eglises chrétiennes dans le champ politique, mobilisation qui entraîna de multiples critiques du gouvernement de Pretoria.

L’engagement des Eglises françaises dans la voie du politique fut en partie réhabilitée par le document « Eglise, politique et foi » paru en 1972, proposant de mettre fin à un modème intransigeant qui dominait au sein de l’institution catholique jusque là…

Quoiqu’il en soit, la question sud-africaine fut révélatrice des nouveaux enjeux qui se présentèrent à l’Eglise catholique au lendemain des bouleversements sociaux amorcés par mai 68. Les polémiques touchant la nature « marxiste » de l’engagement des chrétiens purent être « canalisées » à partir de la déclaration de l’épiscopat dans laquelle Mgr Matagrin, initiateur du document, précisa que les analyse marxistes des rapports de force étaient réductrices de la réalité d’une situation.

La question du communisme a été moins évoquée dans la presse réformée, à la différence de celle de la propagande. En effet, les observateurs réformés ont mis rapidement en évidence le thème de la citadelle assiégée face au communisme menaçant l’Afrique australe. Les observateurs réformés ne se sont sentis pas particulièrement « encombrés » par la question du communisme

Ils se sont concentrés sur l’implication plus globalement politique des chrétiens sud-africains réunis au sein du SACC. Les prises de position des réformés traduisent, dans leur globalité, un soutien à la mobilisation chrétienne sud-africaine.

D’une manière générale, tous les observateurs, qu’ils soient catholiques touchés par le message de Vatican II ou réformés, ont soutenu l’implication de certains chrétiens dans une lutte directe contre le système d’apartheid, en présentant ce combat comme étant d’ordre humaniste et éthique plus que politique et idéologique.

En lien avec cette question de l’engagement des chrétiens vis-à-vis de la question sud-africaine, les réformés français ont été confrontés à une problématique plus spécifique, celle touchant à leur relation avec le COE et plus particulièrement à leur participation au Programme de Lutte contre le Racisme (PLR) et à l’aide de ce dernier aux mouvements de libération.