Les Eglises sud-africaines face aux actions du PLR

L’Afrique du Sud entra naturellement dans le cadre des travaux du Programme de Lutte contre le Racisme1792… Ainsi l’implication du COE au travers du PLR provoqua de nombreuses réactions en Afrique du Sud même, et ceci dès la création du Programme.

Tout comme la presse réformée, la presse catholique rapporte ces réactions. En septembre 1970, La Croix reproduit les propos du Révérend Selby-Taylor, archevêque anglican du Cap selon lesquels « les Eglises protestantes et anglicanes sud-africaines risquent de se retirer du COE après l’attribution par celui-ci d’une aide de 200 000 dollars à 18 mouvements nationalistes et antiracistes 1793  ». l’article décrit un archevêque « choqué 1794  » par une telle décision et mentionne la demande du premier ministre Vorster adressée aux Eglises sud-africaines membres pour qu’elles quittent le COE1795.

En 1971, Le Christianisme au XXème siècle rend compte de l’ajournement de la réunion qui devait avoir lieu entre le COE et les Eglises sud-africaines au sujet du « programme controversé lancé par le COE pour lutter contre le racisme 1796  ». Selon l’article, la réunion a été ajournée sine die sur décision du gouvernement. Un mois plus tôt, les Eglises membres du COE avaient discuté autour des « dons faits par le COE à des groupes de guérilleros en Afrique australe, et les résolutions prises par les Eglises membres d’Afrique du Sud en fonction de leur conception de leur responsabilité en Afrique du Sud 1797». Cet incident démontre bien que gouvernement de Pretoria condamne la ligne de conduite du COE1798, Vorster qualifiant même la décision du COE de venir en aide aux mouvements de libération de « méprisable 1799  ».

Quelques semaines plus tard, les ICI rendent compte de la décision du SACC de se « désolidariser du COE 1800» (tout en continuant de collaborer avec lui). L’article précise bien que cette décision intervient dans le contexte du Programme de Lutte contre le Racisme et de son aide financière accordée aux mouvements de libération de l’Angola, du Mozambique (Frelimo) et à l’ANC. Il précise aussi que pour le COE, cette aide ne concerne pas la lutte armée. Il reproduit surtout les positions d’hommes d’Eglise sud-africains comme ceux de l’Archevêque anglican du Cap pour qui une telle décision est le signe de « la répugnance qu’éprouvent les chrétiens du monde entier à l’égard des inégalités raciales inhérentes à la politique d’apartheid 1801  ». Le gouvernement de Pretoria, qui joua sans doute un rôle dans cette décision du SACC, vit donc d’un œil très hostile les actions du Programme concernant l’Afrique du Sud. En 1974, Christianisme au XXème siècle rend compte des pressions faites sur l’Eglise presbytérienne pour qu’elle rompe ses relations avec le COE. Des pressions semblent également persister sur le SACC. Les Eglises sud-africaines, sans qu’il soit fait mention de plus de précisions, sont ici présentées comme globalement hostiles au PLR :

‘« Les Eglises d’Afrique du Sud espèrent persuader le COE de renoncer à une discrimination sélective dans ses structures et de donner une nouvelle orientation christocentrique à l’ensemble de son travail et de son témoignage 1802».’

Ainsi, la politique du COE devait susciter de vifs débats au sein du protestantisme, en Afrique du Sud comme en France.

Notes
1792.

Le Programme de Lutte contre le Racisme publia plusieurs rapports concernant la situation en Afrique du Sud au travers de ses bulletins d’information. Citons par exemple « The churches’involvement in Southern Africa », PCR information, n°14, 1982 ; « South African in crisis », PCR information, n°17, 1983.

1793.

« Les Eglises d’Afrique du Sud risquent de quitter le COE », La Croix, 6-7 septembre 1970, p. 16.

1794.

Ibid.

1795.

Rappelons que les deux Eglises mères hollandaises (NGK et NHK) étaient membres du COE. A ce titre, elles cotisèrent, jusqu’en 1974, au Fonds spécial du Programme de Lutte contre le Racisme.

1796.

« le COE indésirable ? », Christianisme au XXème siècle, n°25, 24 juin 1971, p. 13.

1797.

Ibid.

1798.

En 1979, le scandale du Mulder (du nom du ministre sud-africain de l’information) révéla l’utilisation illégale de fortes sommes d’argent destinées à donner une meilleure image de marque du pays à l’étranger. Des sommes furent également utilisées pour mener une campagne de dénigrement et de calomnies visant à discréditer le COE.

1799.

Ibid.

1800.

« Remous après la décision du COE d’aider 19 organisations antiracistes », ICI, n°369, 1er octobre 1970, p. 12. En effet, le 11 septembre 1970, le SACC publia un communiqué critiquant la décision du COE tout en affirmant la volonté des Eglises d’en rester membres : « […] Nous désavouons cette décision du COE et l’appui qu’elle implique à la violence… Nous reconnaissons que les Eglises d’Afrique du Sud ont largement failli à leur tâche d’œuvrer pour la vérité et la justice, et de lutter contre le racisme, et qu’il faut qu’elles réexaminent avec le plus grand soin leur rôle et leur responsabilité, afin de remplir leur tâche plus efficacement à l’avenir ». Reproduit dans A.M GOGUEL et P. BUIS, Chrétiens d’Afrique du Sud… », op.cit., p. 73.

1801.

Ibid.

1802.

« Le racisme et ses problèmes », Christianisme au XXème siècle, n°20, 16 mai 1974, p. 2.