L’un des rôles du Programme de Lutte contre le Racisme a été d’établir le dialogue avec les chefs de mouvements de libération « qui ont reçu l’éducation chrétienne 1829 ». La question est ainsi abordée dans Le christianisme au XXème siècle en février 1975. Elle l’est de nouveau au milieu des années 80, alors qu’une vingtaine d’Eglises d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Australie, d’Afrique du Sud et d’autres régions d’Afrique, sur l’invitation du COE, se réunissent à Harare (Zimbabwe) du 4 au 6 décembre 19851830. La conférence doit aboutir à un témoignage commun des chrétiens face à la situation actuelle en Afrique du Sud. Elle « réaffirmera la solidarité des Eglises avec les victimes de l’apartheid racial 1831 ».
La presse réformée particulièrement va rendre compte des résultats de la conférence d’Harare. Le christianisme au XXème siècle, dans son numéro du 10 février 1986, reproduit la déclaration finale de la conférence, sans en faire l’analyse. Le document du COE renseigne donc les lecteurs du journal de l’orientation adoptée par les Eglises présentes, notamment sur la question de leur implication :
‘« La lutte pour la libération est une lutte enracinée dans la foi. Les chrétiens ne peuvent pas séparer la prière et l’action politique. Leur engagement dans l’action découle de leur engagement spirituel et de leur obéissance à la seigneurie de Jésus-Christ. Le ministère chrétien aujourd’hui doit être un ministère de l’engagement et de la participation à la lutte ».’Dans la déclaration, les Eglises se positionnent ainsi nettement en faveur d’un changement (un régime politique fond sur le suffrage universel, le droit inaliénable de chacun à la terre…) et réclament pour cela des changements fort concrets :
‘« Pour qu’un tel changement ait lieu, il faut transmettre le pouvoir au peuple. Les mesures suivantes s’imposent d’urgence : la fin de l’état d’urgence ; le retrait des troupes des cités noires ; la libération de Nelson Mandela et de tous les prisonniers politiques ; la création de conditions qui permettent aux exilés de rentrer ; la libération de tous les détenus ; la levée de l’interdiction pour tous les mouvements qui en sont frappés ; des négociations avec les véritables chefs du peuple pour que le pouvoir soit transmis au peuple. Les Eglises de ces pays ont la tâche de continuer à attirer l’attention de leurs gouvernements respectifs sur la question1832 ».’Le document fait également référence au Programme de Lutte contre le Racisme, réclamant, face à l’urgence de la situation en Afrique du Sud, un renforcement des effectifs du Programme et l’accroissement de ses ressources. En dehors de l’action entreprise, il est également nécessaire de mener un travail de réflexion :
‘« Nous recommandons au PLR de nommer un groupe de réflexion théologique qui examinera la question de l’engagement permanent des Eglises dans la lutte contre l’apartheid. A ce travail de réflexion, devraient prendre part des Eglises d’Afrique du Sud et d’autres régions. Le groupe se penchera également sur d’autres questions comme celles de la tyrannie, l’exercice légitime du pouvoir et les moyens de parvenir à un changement politique1833 ».’En 1986, le Journal des missions évangéliques consacre un long article à l’Afrique du Sud et à la conférence. Il reproduit notamment les réflexions d’un groupe ayant travaillé sur la question du recours à la violence :
‘« En République sud-africaine, on ne peut plus parler de la non-violence et être suivi par les jeunes. La lutte armée n’est qu’un aspect de la lutte pour la libération : négocier, c’est le premier moyen de lutte. S’il échoue, la violence devient inévitable. Nous demandons aux Eglises, non pas de fournir des armes, mais de comprendre les raisons de ceux qui envisagent ce moyen de lutte1834 ».’La presse catholique rend également compte des conclusions de la conférence. Ainsi, les ARM rappellent que les participants se sont déclarés unanimes concernant la condamnation de l’apartheid, dénonçant sans détour le régime politique qui l’a institué. L’article rappelle surtout la nécessité pour les Eglises de soutenir « les mouvements sud-africains qui oeuvrent pour la libération de leur pays 1835 ». Le but de l’article, par son contenu et par son titre (« Les Eglises se prononcent pour le soutien aux mouvements de libération »), met donc l’accent sur l’implication des Eglises membres du COE mais ne commente pas cette recommandation adoptée par l’assemblée1836.
Une année plus tard, Les ARM rendent compte d’une nouvelle réunion du COE à Lusaka (Zambie) en mai 1987. L’assemblée réaffirme sa prise de position adoptée lors d’Harare concernant le recours à la violence :
‘« Par ailleurs, le COE réunit à Lusaka (Zambie) a reconnu le 8 mai que l’usage de la force était un des moyens de « mettre un terme à l’oppression » c’est à dire au régime de l’apartheid et à l’occupation de la Namibie1837 ».’« Racisme… », Le christianisme au XXème siècle, n°6, 6 février 1975, p. 3.
Sont aussi présents des représentants du COE, de la Fédération luthérienne mondiale, de l’Alliance réformée mondiale et de la Conférence des Eglises de toute l’Afrique. L’Eglise réformée française ne participa officiellement au sommet mais le pasteur Montsarrat y assista, non mandaté par son Eglise.
« Sommet ecclésiastique sur l’Afrique du Sud à Harare », SOEPI, n°38, 15 novembre 1985, p. 3.
« Une autre Afrique du Sud », Le christianisme au XXème siècle, p. 9-10.
Ibid.
« Afrique du Sud : une voix qui proclame la foi qui chante l’espérance », Journal des missions évangélique, n°4, 1986 (couverture et dossier), p. 148.
« Les Eglises se prononcent pour le soutien aux mouvements de libération », ARM, n°30, 15 janvier 1986, p. 7.
Le communiqué final s’acheva sur 6 recommandations : continuer de prier pour le peuple sud-africain ; faire cesser le prolongement, la reconduction et le renouvellement des prêts bancaires au gouvernement, aux banques, aux sociétés et aux institutions para-gouvernementales sud-africaines ; appliquer des sanctions immédiates et globales ; soutenir les mouvements de libération ; approuver et soutenir les progrès intervenus au sein du mouvement syndical pour former un front uni contre l’apartheid ; réclamer l’application immédiate de la résolution 435 des Nations-Unies sur la Namibie.
« En bref », ARM, n°46, 15 juin 1987, p. 6.