3-2 La liturgie proposée par le Conseil œcuménique des Eglises, celle retenue par la FPF

A l’occasion de la commémoration, le COE proposa une liturgie aux Eglises de France. S’il n’est pas question ici de détailler avec précision cette liturgie, il me semble intéressant d’en souligner quelques traits. La liturgie débute ainsi par une prière d’ouverture :

‘« En cette occasion solennelle, nous venons t’offrir notre culte et nos prières pour la fin d’un régime injuste ».’

L’acte de confession met ensuite l’accent sur les souffrances à l’échelle mondiale « depuis les croisades et les holocaustes du passé jusqu’à l’agonie des habitants des cités en Afrique du Sud » puis sur la nécessité d’un Dieu proche des opprimés :

‘« Car tu n’es pas un Dieu ami des oppresseurs. Tu ne soutiens pas leurs voies détournées, et leur propagande ne te touche pas. Tu méprises leur arrogance, tu ne peux supporter la vue de ces orgueilleux et leur oppression systématique te remplit d’horreur […]. Ils parlent de paix tout en augmentant leur production d’armes. Ils font publiquement courir des bruits de négociation et de réforme tout en ourdissant une oppression toujours plus violente… Condamne et punis-les, ô Dieu, que leurs propres complots soient la cause de leur ruine. Chasse-les de notre vue à cause de leurs nombreux péchés et de leur révolte contre toi ».’

La liturgie se termine par la « prière pour la fin d’un régime injuste » et avec ces paroles de l’officiant :

‘« Nous sommes aussi plein de colère devant l’incessante répression des noirs en Afrique du Sud, l’intransigeance de ceux qui prétendent les gouverner, l’apathie de ceux qui continuent à vivre dans le confort, l’abus systématique et incessant de pouvoir, et le déni de justice et de liberté […]. Mets fin au régime injuste et fais qu’à sa place règne la justice ».’

En France, c’est le groupe « Afrique du Sud » de la FPF qui sélectionne les textes qui seront lus lors de la journée mondiale de prière pour l’Afrique du Sud. Ces derniers sont nettement moins évocateurs de la réalité du système et de ses effets. Dans la prière d’intercession, c’est le Dieu d’espoir qui est interpellé, un appel pour la défaite de l’injustice et la guérison des plaies. La prière laisse ensuite place à la confession de Foi de l’Eglise presbytérienne d’Afrique du Sud datée de 1973 qui affirme sa croyance en un Dieu réconciliateur, « brisant toutes les barrières qui séparent les hommes, barrières de religion, de race, de culture ou de classe, pour créer une seule humanité unie ».

Ensuite, une courte prière du pasteur Zephania Kameeta évoque un Dieu silencieux :

‘« Pourquoi ne réponds-tu pas à nos cris ? Combien de temps resteras-tu dans l’inaction, contemplant silencieusement notre agonie et nos larmes. Le joug est devenu insupportable. Nous le porterons plus. Pourquoi permets-tu à l’iniquité et au mensonge de nous régir Toi qui nous a rachetés au prix de ta vie ? ».’

Le groupe « Afrique du Sud » choisit enfin de laisser une place au texte « je fais le rêve… » de Martin Luther King, paroles nées dans un autre contexte de ségrégation et paroles d’espoir pour une société plus juste dans laquelle les Noirs auront leur place. Globalement, les textes qui sont choisis par les protestants français sont des textes repris de personnalités ou d’Eglises sud-africaines. Ces choix peuvent être expliqués de deux façons : la volonté de présenter les paroles et confessions de chrétiens sud-africains directement confrontés à l’apartheid et celle d’éviter des réactions trop virulentes face à des prières et à des textes élaborés par des Français et qui pourraient être jugés comme trop « politiques » ou en tous cas émanant d’observateurs qui ne vivent pas directement les réalités d’un système discriminatoire.

La liturgie proposée par le COE, qui dénonce sans détour la politique du gouvernement de Pretoria, n’a donc pas trouvé sa place en France où l’on préféra donner la parole à des chrétiens qui certes, se positionnent contre l’apartheid mais qui se positionnent au cœur d’un débat théologique, notamment celui du silence de Dieu.