5 « L’affaire » Jacques Ellul (juin-juillet 1986)

Le 28 juin 1986, soit quelques jours après la commémoration des émeutes de Soweto, Jacques Ellul s’exprime dans Réforme dans un article au titre évocateur : « Craintes et tristesse 1875».

Jacques Ellul (1912-1994) fut à la fois sociologue, historien et théologien. Né d’un père orthodoxe et d’une mère réformée, il se convertit au christianisme dans les années 30, sans adhésion immédiate à la foi réformée. Il s’engage dans le mouvement d’Emmanuel Mounier autour de la revue Esprit mais en démissionnera en 1937. Il découvre Marx en 1929 et sans rejeter la doctrine marxiste, il en sera son commentateur en mettant l’accent sur ses dérives possibles. Il participe au journal Réforme, est élu en 1947 au synode national de l’Eglise Réformée de France comme délégué des Eglises réformées du Béarn, de Dordogne et de Guyenne. En 1956, il est élu au Conseil national de l’ERF.Professeur des institutions à la faculté de droit de Bordeaux de 1944 à 1980, il exprime, dans plusieurs ouvrages, sa pensée et sa réflexion sur la société moderne assujettie à la technique, critiquant le « système technicien » (1977). Parmi les « techniques de l’homme », il retient la question de la propagande perçue comme un obstacle au règne de la parole, une technique visant à faire entrer la politique dans le monde des images et tendant à transformer le jeu démocratique en exercice d’illusionnisme, conduisant ainsi à une perte d’authenticité. Son refus des systèmes est d’abord une fidélité à l’individu contre l’Etat, à la liberté contre les conformismes, à la qualité de vie contre le matérialisme. Tout au long d’une production abondante d’articles et de livres1876, il dénonce les illusions politiques et les méfaits idéologiques de la crédulité aussi bien face au marxiste qu’au libéralisme.

En tant que théologien, il rédige de nombreux travaux sur les aspects subversifs et libérateurs de l’Evangile. Il réfléchit notamment, dans Anarchie et politique 1877 , au sens de certaines paroles de Jésus comme étant le témoignage de la poursuite de l’hostilité au pouvoir politique.

Notes
1875.

Jacques ELLUL, « Craintes et tristesse », Réforme, 28 juin 1986, p. 3.

1876.

Parmi les nombreux ouvrages de Jacques Ellul, citons par exemple : L’illusion politique, Paris, ed R. Laffont ; le système technicien, Calmann Levy, 1977 ; La subversion du christianisme, Paris, Seuil, 1984.

1877.

Jacques ELLUL, Anarchie et christianisme, Lyon, atelier de création libertaire, 1988.