5-2 La réaction d’Anne-Marie Goguel : espérer…

Avec le titre « Espérer contre toute espérance ¹⁸⁸⁷», Anne-Marie Goguel donne le ton de son article. Il s’agit avant tout de réagir face au pessimisme de Jacques Ellul quant à l’avènement d’une société post-apartheid. Dans l’introduction de son article, elle met en évidence le caractère délicat de la question et de son traitement :

‘« La crainte de « hurler avec les loups », le désir de se faire le défenseur de causes impopulaires doivent-ils conduire un intellectuel de la stature de Jacques Ellul à déplorer « l’aveuglement » des Eglises européennes lorsqu’elles s’engagent, dans la mesure de leurs moyens, pour la fin du régime d’apartheid, préparant à ses yeux par là un avenir catastrophique pour l’Afrique du Sud ?¹⁸⁸⁸ »’

Concernant l’éventualité d’un « complot marxiste », Anne-Marie Goguel parle, pour réfuter ce propos, du soutien populaire dont bénéficie l’United Democratic Front (UDF) qui regroupe plus de 700 associations et mouvements parmi lesquels militent beaucoup de chrétiens « qui se réclament, comme l’ANC, de la « Charte de la liberté » de 1955 se donnant pour but une Afrique du Sud démocratique et non raciale, régie par la loi de la majorité ¹⁸⁸⁹  ».

Autrement dit, l’ANC et l’UDF n’ont aucunement le projet de former une Afrique du Sud exclusivement noire et d’exclure, par la violence notamment, la population blanche.

A propos des sanctions, Anne-Marie Goguel conserve sa ligne de conduite en défendant l’adoption de sanctions, déplorant que Jacques Ellul les mette sur le même plan de la violence.

Enfin, c’est la vision profondément manichéenne de Jacques Ellul que dénonce Anne-Marie Goguel, particulièrement concernant son regard sur des relations entre les Noirs. L’Afrique du Sud ne se résume donc pas à une population noire divisée entre « les amis des Blancs et les révolutionnaires ¹⁸⁹⁰  ».

L’un des regrets exprimé par Anne-Marie Goguel touche au fait que Jacques Ellul « ne fait pas mention du rôle que jouent aujourd’hui les Eglises chrétiennes ¹⁸⁹¹  ». En cela, Anne-Marie Goguel cherche à replacer la question sud-africaine dans le champ théologique et à réaffirmer la place des chrétiens, qu’ils soient français ou sud-africains, dans la lutte contre l’apartheid. Quelques jours plus tard, c’est l’historienne Marianne Cornevin qui répond aux propos de Jacques Ellul.