b. Pulo-Tikus, des prémices à la fin du « collège des chinois »

En décembre 1807, M. Lolivier débarquait à Penang avec ses cinq élèves chinois74. Il avait passé les quinze années précédentes en Chine, à Hinghoa, dans la province du Fukien, région d’où il avait dû fuir précipitamment, à cause de persécutions anti-chrétiennes. Arrivé à Macao avec des élèves assez avancés dans leurs études, il avait participé au conseil qui, réuni par Claude Letondal, décida d’une terre d’asile pour le Collège général. Son expérience de professeur et sa disponibilité inopinée l’avaient fait choisir comme futur supérieur du Collège général. Les autorités de l’île lui ménagèrent un accueil bienveillant :

‘À mon arrivée, je suis allé voir le gouverneur qui m’avait demandé pourquoi j’étais venu icy. Je lui ai répondu pour établir un collège dans ces environs. Et il m’a dit qu’il fallait pour cela une permission d’Angleterre, puis il me demanda où vous étiez, si vous viendriez, comme pour me faire entendre que votre excellence n’aurait pas besoin de cette permission75.’

Les commencements sont malaisés : « Les débuts ne sont pas très encourageants ; les élèves tombent malades ; Rectenwald ne paraît pas avoir sur tous les points les mêmes idées que le supérieur qui comptait sur lui, et qui se voit obligé de compter avec lui », écrit Launay. Michel Rectenwald en effet, avait une forte personnalité :

‘Je crois devoir vous le dire, c’est presque tous les chrétiens d’icy et autres passagers qui murmurent contre M. Rectenwald. Il est vrai presque tout le mal vient de ce qu’il y a icy peu de bons et de vrais chrétiens. Mais aussi M. Rectenwald, quoique d’ailleurs fort pieux, brusque les gens et n’a pas le don de se faire aimer. Et souvent viennent icy des religieux portugais qui rapportent cela partout où ils vont, et qui pourraient bien profiter de cette occasion pour demander à Rome cette mission ou pour faire pire ; car il y a déjà quelques années, un religieux apostat, je crois, demanda cette chrétienté au gouverneur, et ce dernier, ayant demandé aux chrétiens s’ils le voulaient comme curé, et eux répondant négativement, il fut refusé76. ’

Si Michel Lolivier, tout en demandant à son évêque, et conformément à la règle, de lui envoyer ses pouvoirs, notamment celui de confesser les élèves, évoque l’impopularité de son confrère, c’est aussi à cause de la rivalité âpre qui opposait alors, et pour encore plus d’un demi-siècle, les missionnaires français aux prêtres portugais relevant du Padroado 77. Le voyage a été éprouvant ; à Macao, pendant la traversée précédente, des ornements et des vases sacrés destinés au Collège ont été volés, le privant d’emblée de ses premiers biens :

‘Pour de l’argent, je n’ai actuellement que 400 piastres. J’avais apporté des calices, des ornements d’église, mais dans le vaisseau, voulant célébrer la sainte messe, je n’ai rien trouvé. Cela avait été volé dans une barque de payens à Macao. On a volé aussi vingt et quelques pièces de nankin envoyées à votre grandeur. Pour les livres, nous en avions fort peu et encore la plupart si rongés des vers, que les écoliers sont obligés de les relier78. ’

Certes, les autorités anglaises ont réservé un bon accueil aux nouveaux venus, mais leurs conditions de vie sont tout de même spartiates : le gouverneur de l’île leur a prêté « deux maisons abandonnées par leur propriétaire qui a tout emporté sauf les colonnes en bambou et le toit en atap 79 . » Les élèves chinois ne supportent pas le climat, et tombent malades :

‘Persuadé que vous recevez de mes nouvelles avec plaisir, je profite pour vous en donner de l’occasion d’un sac qui part incessamment, et ne me permets pas de vous en écrire bien long. Voilà depuis 4 mois et plus que je suis à Pinang, où je me porte passablement, et mes écoliers fort mal, un d’eux surtout, entre autres maladies, est depuis quelques mois tout à fait impotent d’une jambe sans pouvoir se guérir, quoiqu’on ait déjà employé beaucoup de médecines. Leurs maladies viennent surtout de ce qu’icy il fait chaud en jour, et froid la nuit, et que la maison étant toute trouée, on ne peut guère se garantir du vent80.’

De plus, les relations avec le vicaire apostolique, Mgr Garnault, ne sont pas bonnes. Ce dernier voudrait transférer le Collège général à Bangkok. Mais Lolivier regimbe devant ce projet :

‘Je ne serois fort aise d’aller à Bankok, parce que entre autres raisons, du grand nombre d’élèves peu se font prêtres, puisqu’il y a là plus de cinquante sujets et quatre prêtres seulement. Malgré que Mgr y employe tous les moyens possibles, la plupart fuyent, et cette année icy deux sont venus à Pinang, dont l’un a contracté mariage clandestin, M. Rectenwald ne voulant pas le marier81. ’

De son côté, Claude Letondal persiste à balancer entre Manille et Penang. Mais des pirates écument les routes maritimes menant au Siam : ils sont même parvenus à prendre Macao, obligeant le procureur des Missions Étrangères à s’enfuir à son tour, avec sept élèves fraîchement arrivés du Sichuan, qu’il doit mettre à l’abri. Au début de 1809, il rejoint Michel Lolivier à Penang. Sa première impression est bonne, bien qu’il se méfie des Anglais, le climat lui paraît sain :

‘Je trouvai à Pinang la plus grande facilité du côté du gouvernement pour y établir notre collège, les représentants de l’Honorable Compagnie résidants à Canton m’avaient spécialement recommandé. Ayant demandé à M. le Gouverneur la permission de louer une maison, il nous en assigna une qui se trouvait désoccupée et appartient au gouvernement, où j’établis notre famille chrétienne, la pourvoyant des meubles nécessaires, je demandai aussi la permission d’aller passer quelques jours à la campagne avec nos jeunes gens, le gouvernement me dit d’aller où bon me semblait donnant à entendre que nous pourrions choisir le lieu qui nous plairait pour y faire notre collège. Pinang est sans contredit le lieu le plus commode de toutes les colonies européennes de l’Asie pour un Collège des missions si on l’envisage sous le rapport de la facilité de la communication, la chaleur n’y est pas telle qu’on pourrait le croire, il fait même froid sur le haut des montagnes82.’

Cette appréciation sur le climat ne fait pas l’unanimité, bien au contraire ; en revanche, chacun s’accorde avec lui sur le coût très élevé de la vie à Penang : « J’ai trouvé tout bien cher à Pinang ; mais outre que l’argent peut s’y placer à un plus grand bénéfice, j’ai remarqué qu’il faut y profiter de certaines circonstances pour faire des provisions 83 . » L’installation du Collège s’améliore petit à petit. Le gouverneur anglais prête une autre maison, en ville. Le 20 novembre 1809, Michel Lolivier achète, pour 1 700 piastres, « une maison et un terrain de cinq orlongs et trois jambas », à une lieue de la capitale de l’île, Georgetown, dans un petit village plutôt misérable en bord de mer, appelé Pulo Tikus (l’île aux rats84). Les prêtres des Missions Étrangères allaient y demeurer plus d’un siècle, jusqu’à leur départ définitif, après le concile de Vatican II. De son côté, Claude Letondal fait l’acquisition de quatre maisons en ville. Ce faisant, le procureur de Macao, en gestionnaire avisé, assuraient au Collège un revenu fixe. Le statut du Collège se clarifiait concomitamment. Mgr Garnault abandonnait définitivement son projet de transfert du Collège à Bangkok et signait, le 16 juin 1809, l’autorisation de l’établir à Pinang. Il accordait les pouvoirs nécessaires au supérieur de la maison ; le 4 mars 1810, il les confirmait et les renouvelait tous :

‘Quoique ce lieu ne me paraisse pas propice pour former des élèves futurs missionnaires, écrit-il afin d’expliquer son changement d’opinion, néanmoins, pour ne pas retarder l’établissement d’une œuvre de si grande importance, j’y ai consenti et donné les pouvoirs nécessaires85. ’

Claude Letondal avait auparavant sollicité le séminaire de Paris, afin qu’il obtînt de Rome l’approbation du nouvel établissement, lui garantissant les privilèges nécessaires à son indépendance, notamment vis-à-vis du vicaire apostolique de Siam, lequel avait souhaité placer le Collège soit à Kedah, soit à Bangkok, et toujours sous sa juridiction ! :

‘Je vous avais marqué comment Mgr de Siam m’avait persuadé de placer le Collège dans son vicariat, citant Quedah et d’autres lieux de la côte occidentale de la péninsule. Il ajoutait que Pinang ne lui plaisait pas. Pour cela, Mgr appuyait sur la nécessité de placer le collège sous l’inspection d’un vicaire apostolique. Or convenons qu’il peut en résulter un grand bien de ce que cet établissement soit à portée de la vigilance de l’inspection d’un de nos évêques et dans le lieu de sa juridiction ; je ne crois pas pour cela moins nécessaire qu’il soit indépendant de cet évêque, à peu près comme notre ancien séminaire l’était de Mgr l’Archevêque de Paris et comme tous les séminaires l’étaient généralement des ordinaires. C’est pour dire que je voudrais que le supérieur du Collège fut nommé par vous, MM. les directeurs, ou même seulement présenté par vous et nommé par la Sacrée Congrégation pour lui donner plus d’autorité. Présentez à la Propagande un projet de son goût, de celui des vic. ap., faites un règlement tant pour les maîtres que pour les disciples, faites revêtir cela de la sanction de la S.C.86.’

L’épineuse question des relations entre les vicaires apostoliques et les supérieurs du Collège était loin d’être réglée. En mai 1811, Mgr Garnault répondait ainsi à une lettre de Claude Letondal :

‘Vous exigez, quoiqu’il en soit et avant tout examen, qu’on retire à l’Allemand [M. Rectenwald] la cure de Pinang, l’accusant de perdre tout à Pinang, d’agir contre les décrets de Rome, contre les règles de la Sainte Église, de faire tout en suivant son caprice et ses illusions. Si tous ces griefs étaient bien prouvés, on pourrait sans doute avoir égard à vos accusations si souvent répétées. Mais comment agir si vite et déposer un curé qui soigne sa paroisse depuis plus de vingt ans sans autre forme de jugement que la déposition d’un accusateur ? Vous demandez de vous envoyer une nomination bien en règle pour vous constituer supérieur du Collège de Pinang autant que nous le pouvons, ainsi que visiteur de la paroisse et administrateur du temporel. Je voudrois de tout mon cœur si c’était en mon pouvoir, vous constituer supérieur, non seulement cela, mais vous consacrer évêque de Pinang, pour procurer plus à votre aise le bien de la mission et du Collège. Mais je vois bien dans les lettres adressées à M. Lolivier qu’il est appelé supérieur du Collège. Or, comment puis-je changer cette disposition et déposer M. Lolivier sans lui faire auparavant son procès87 ?’

Le vicaire apostolique était-il entièrement sincère ? L’ironie ostensible de sa réponse en fait douter. N’aurait-il pas été tenté d’exploiter les dissensions entre les missionnaires pour mieux régner ? Il joue, en tous les cas, sur l’existence d’une ambiguïté quant à la nomination du supérieur. M. Letondal semble se contredire, lorsqu’il attend de Mgr Garnault qu’il le nomme au supériorat, après s’être opposé à l’immixtion des vicaires apostoliques dans les affaires du Collège. On peut cependant le comprendre. La nomination du supérieur par la Propaganda Fide, via le séminaire de Paris, garantirait l’indépendance du Collège. Mais les vicaires apostoliques, plus proches et mieux informés sur les réalités locales, les difficultés quotidiennes, les inimitiés qui paralysent quelquefois l’action des missionnaires, sont mieux placés et pourront, en cas de besoin, réagir plus rapidement que les autorités parisiennes et romaines, a fortiori. La question du supériorat du Collège allait rester en suspens encore pendant quelques années88.

Mgr Garnault mourut à Chantabun. Son coadjuteur depuis octobre 1810, Esprit Florens89, ancien supérieur du séminaire de Chantabun (charge qu’Arnaud Garnault lui avait confiée en 1786), prit sa succession. Esprit Florens avait fait ses études à Saint-Sulpice ; ordonné en 1786, il arriva au Siam en 1788. C’était un homme d’avant la Révolution. Mgr Garnault, malade, n’avait pas eu le temps de lui conférer l’ordination épiscopale. Il la reçut des mains de Mgr Labartette90, vicaire apostolique du Cambodge (évêque de Vérun), le 12 avril 1812. Cette même année, le nouveau vicaire apostolique du Siam se rendit à Penang, ne pouvant regagner directement le Siam à cause de la mousson ; il en profita pour visiter le Collège général. Les effectifs s’y élevaient alors à vingt élèves, dix-huit originaires du Sichuan et deux Cantonnais :

‘Aussi le nomme-t-on le Collège chinois ou même le Collège du Sichuan. D’ailleurs, peu importe le nom ; le collège de Pinang est bien le Collège général ; son fondateur Letondal, et son premier supérieur Lolivier, offrent d’y recevoir des élèves de toutes les missions de la Société. Cet appel n’est pas immédiatement entendu ; il le sera bientôt ; la persécution qui va détruire les séminaires de la Cochinchine et du Tonkin emportera toutes les hésitations ; ceux mêmes qui n’ont accepté qu’avec réserve l’établissement s’empresseront d’en profiter. De nom et de fait, le collège de Pinang sera le Collège général91. ’

À cette date, le Collège n’est effectivement pas encore l’établissement « général », c'est-à-dire international, qu’il devint par la suite. Pourtant, les historiens des Missions Étrangères ont manifestement tenu à lui attribuer cette qualité propre dès le début de son installation en Malaisie ; en hommage à son passé, mais aussi comme s’il s’agissait d’une vocation afin, sans doute, de récuser les controverses multiples et répétées qui se développèrent à ce sujet dans la Société. Le Collège n’ayant pas été constamment « général », sa légitimité se trouva régulièrement contestée par ses détracteurs.

Les premières années furent difficiles. Plusieurs thèmes reviennent régulièrement dans les lettres en provenance de Penang : la précarité de l’installation, l’insalubrité du climat, la pauvreté des élèves mais aussi leur abnégation, les maladies, la corruption des populations environnantes (protestants, musulmans). Elles présentent le Collège comme une sorte de vertueuse citadelle assiégée, un poste avancé du catholicisme en terre païenne ; à l’horizon, enfin, la persécution et le martyre. En 1811, des pirates prirent la maison d’assaut. Michel Lolivier, le fusil à la main, les mit en déroute, mais l’un des élèves fut transpercé de coups de lance ; transporté à l’hôpital, on parvint à le sauver. La police anglaise, un peu plus tard, mit la main sur les coupables, qui furent emprisonnés, mais aux frais du Collège, selon la loi en vigueur. Au milieu de ces vicissitudes, la conviction de Claude Letondal restait inébranlable. Conscient à la fois de la dégradation du sort des missions, en particulier en Chine, et de la crise du recrutement traversée par les missions depuis la Révolution et du fait des guerres impériales, il anticipait l’avenir avec optimisme : « Nous formerons là un corps de réserve pour les mauvais jours où les missionnaires auront succombé ; nous aurons là un refuge pour les débris des collèges particuliers qui viendront à manquer faute de personnel 92 . » Mais, le 29 juin 1812, un incendie, ravageant Georgetown, détruisit les propriétés du Collège, d’où provenaient ses principales ressources. Le Collège lui-même, situé hors de la ville, fut épargné par les flammes. Les maisons achetées par Claude Letondal ayant disparu, la situation financière du Collège se trouvait sérieusement compromise :

‘Qu’est-ce que ce monde ? Lacrimarum valle. Adorons la sagesse de Dieu qui, le 29 juin, jour des Saints apôtres, dirigea par sa main un incendie qui consuma les trois maisons que nous avions en ville. Ainsi, en peu de moment, les fruits de tant de travaux furent en cendres. C’est fini du fonds, c’est fini du revenu. Je reste avec une famille de quarante personnes. Que dire de cet événement ? Les paroles du pauvre Job93.’

Reprenant donc son bâton de pèlerin, il se mit en quête de subventions. Il se rendit d’abord à Calcutta, pour tenter une ambassade auprès des autorités anglaises : « J’embarquais cette fois avec tristesse. Je fis la traversé (39 jours) plongé dans l’affliction. Sans fonds pour le Collège, avec une famille composée d’une trentaine de personnes, la vue de la ruine des missions de nouveau effectuée, la persécution en Chine qui ne permet pas d’y renvoyer notre monde 94 . » Parallèlement, les relations avec Mgr Florens se dégradèrent, comme en témoigne cette lettre du vicaire apostolique, datée du 20 juillet 1813 :

‘Je suis bien sensible et bien étonné qu’après vous avoir fait toutes les cessions possibles et donné tous les pouvoirs spirituels que vous aviez demandés et au-delà de ce que vous aviez demandé, vous reveniez toujours à crier dans toutes vos lettres que la mission de Siam vous contrecarre dans tous vos projets et empêche la fondation du collège général et soit la cause de toutes les pertes que vous avez faites. Il ne manque à tout cela que de lui imputer l’incendie qui, consumant toutes vos maisons, a aussi consumé bon nombre de millions de piastres95.’

Le prélat lui fait aussi grief d’avoir renvoyé quatre élèves chinois, au motif qu’il les jugeait trop faibles et parce que le Collège ne pouvait plus subvenir à leur entretien. Deux d’entre eux moururent pendant la traversée, les deux autres furent arrêtés à leur arrivée à Macao, et ne furent libérés qu’après avoir versé une rançon. Les relations avec M. Lolivier ne sont pas meilleures. Ce dernier l’accuse de maltraiter les élèves, de les affamer, rognant sur toutes les dépenses :

‘M. Letondal voulant tout le logement, et les galeries pour ses hôtes, les fit descendre dans une baraque, où on ne voit le jour que par quelques fentes. Là, ils étudioient, dormoient, mangeoient, et enfin passoient le jour, et la nuit. Peu après ils devenoient languissants, l’un après l’autre, jusqu’aux plus robustes, fort peu étudoient, et ceux qui étudioient ne profitoient en rien, et sembloient avoir perdu mémoire et jugement96. ’

Il fait sortir les élèves de leur réduit, profitant de l’absence de son confrère, dont il dénonce les abus de pouvoirs, « Que veut-il de plus, des pouvoirs pour consacrer les prêtres, car il a tout excepté celui cy 97 », regrettant l’impression déplorable que cette situation laisse aux visiteurs, nuisible, si on l’en croit, à la réputation de la Société tout entière. Sur ces entrefaites, Claude Letondal s’éteint à Pondichéry, le 17 novembre 1813.

Michel Lolivier, désormais presque seul, avait besoin d’aide. Le Collège général comptait alors une vingtaine d’élèves chinois, souvent très jeunes, logés dans des paillotes face à la mer. Auprès de Lolivier ne se trouvait qu’un seul prêtre européen, un ex-jésuite italien, Emmanuel Conforti, chassé de Chine par les persécutions qui redoublaient : en 1814, un édit impérial avait catégoriquement interdit tout prosélytisme chrétien. Depuis lors, la situation était demeurée périlleuse pour les missions. Claude Letondal aurait voulu que chaque mission donnât un de ses missionnaires au Collège, la formation du clergé indigène devant profiter un jour à l’ensemble des missions, d’autant plus si les prêtres européens venaient à manquer. Or, depuis la Révolution, le recrutement s’était tari. Entre 1792 et 1817, douze missionnaires seulement furent envoyés en Asie. Michel Lolivier demandait qu’on lui adjoignit des confrères, mais en vain. Le séminaire de Paris ne fut pas en mesure de répondre à cette requête avant 1817.

De jeunes missionnaires arrivèrent alors au Siam et en Malaisie. C’était des hommes formés après la Révolution et un conflit de génération ne tarda pas à éclater avec les anciens missionnaires, dont le vicaire apostolique lui-même. Mathurin Pécot98, par exemple, débarqué à Penang le 13 novembre 1821, ne ménagea pas ses critiques sur l’administration de la mission, qu’il jugeait molle et inefficace. De passage à Bangkok en 1822, il s’indigna de l’état lamentable du clergé autochtone : « les religieuses sont mariées, les diacres et les sous diacres sont rentrés dans le monde (…), les prêtres indigènes sont sans considération 99 . » Son appréciation est probablement à nuancer ; certaines figures de prêtres indigènes sont restées de bonne mémoire dans les chroniques, comme Matthias Do, curé de Chanthaburi ou Jean Pascal, curé de Merguy. Le manque de missionnaires ne laissait que peu de latitude aux vicaires apostoliques pour éduquer convenablement leur clergé. D’ailleurs, Pécot en convint : « De tout ceci il faut conclure que la mission de Siam ne peut aller sans missionnaires européens. » De son côté, Mgr Florens était sans complaisance avec les nouveaux venus :

‘Quand j’étais au séminaire des missions, M. Alary nous répétait souvent : Messieurs, prenez garde quand vous arriverez dans vos missions. Tout ce qu’on voit blesse, choque, on n’approuve rien. Suspendez vos jugements et vous ne serez plus scandalisés. On voudrait fondre la mission et faire toutes choses nouvelles, et après l’expérience apprendrait qu’ils se sont trompés. Je vous dis ceci afin que vous puissiez agir en conséquence dans les enseignements et dans les conversations100.’
[Figure nº2]
[Figure nº2]

Les jeunes missionnaires prétendaient mieux faire que leurs aînés, c’est humain ! Mais les rapports entre les anciens n’étaient pas franchement meilleurs. Un vif dissentiment opposa, par exemple, Michel Lolivier et le Père Conforti, qui enseignait au Collège depuis son retour de Chine ; celui-ci avait écrit à la Propaganda Fide pour se plaindre de son supérieur. La Sacrée Congrégation aurait alors nommé un nouveau supérieur, en la personne du Père Ferretti, jésuite italien qui dirigeait un collège à Bangkok (celui qu’avait créé Mgr Garnault). Finalement, Mgr Florens se rendit à Penang et prit fait et cause pour Michel Lolivier, au terme d’une inspection qui lui avait donné toute satisfaction : « En ce qui concerne le temporel, je ne crois pas que M. Lolivier fasse de dépenses inutiles (…). Quant au spirituel, je vois que les prières et les études se font fort exactement. On y enseigne la théologie d’Antoine 101 . »

À partir de 1817, donc, de jeunes missionnaires furent affectés, au moins pour un temps, au Collège de Penang. Pierre-Marie Magdinier y enseigna pendant un an, avant de rejoindre la mission à laquelle il avait été affecté, le Tonkin. D’autres étaient annoncés, qui tardaient à venir :

‘Point de nouvelles de ces messieurs qui devoient venir d’Europe. M. Magdinier me parloit aujourd’hui de plusieurs vaisseaux qui avaient péri à l’Isle de France et d’autres pris vers Malaca par des pirates, ce qui nous donne de l’inquiétude au sujet de nos confrères. J’espère que la divine providence les conduira à bon port102.’

Pierre Moutin arriva au Collège en novembre 1819, mais il mourut malheureusement deux ans plus tard, en août 1822. Un troisième jeune missionnaire, Jean Pupier, fut nommé directeur – c’est ainsi que sont désignés les professeurs au Collège général –, mais mourut précocement lui aussi, en 1826, « consummatus in brevi 103. » Il parvint tout de même à achever la traduction en malais d’un petit catéchisme, qui fut imprimé l’année de sa mort sur les presses d’une mission protestante, à Penang, puis à Paris104. Enfin, en 1821, Laurent Imbert (1796-1839), assura l’intérim de Pierre Moutin pendant neuf mois105.

L’année 1822 marque un tournant important dans l’histoire du Collège général. D’abord, du fait de la mort de Michel Rectenwald. La disparition de cet homme énergique, qui œuvrait de Penang à Mergui, de Kedah jusqu’à Jongselang, affaiblissait la mission de Siam tout entière. De plus, la situation financière du Collège était désastreuse. Un an plus tôt, une nouvelle fois, tous les efforts des missionnaires avait failli être ruinés : les troupes siamoises s’étant emparées inopinément de Kedah, firent le siège de Penang. Mathurin Pécot se trouvait alors au Collège général, d’où il écrivit à ce sujet, en avril 1822 :

‘Je suis encore à Penang sans savoir quand je pourrai me rendre à Siam. On est venu m’annoncer qu’on s’entre égorgeait depuis Quedar jusqu’à Ligor, dans toutes les contrées que je voulais traverser à pied, au point dit-on, que les rivières sont rouges de sang. Il paraît que les tigres se mettent de la partie. Je tiens de l’un de mes disciples qu’il a vu dimanche dernier étant à la chasse, une multitude de buffles tués et mangés en partie par les tigres dans la presqu’île de Malacca. Malgré cela je voulais mettre la divine Providence à contribution, mais mon interprète siamois m’a quitté. La terreur est trop générale pour que j’en trouve un autre dans ce pays106. ’

Cet événement s’avéra finalement de peu de conséquences, si l’on excepte l’augmentation du prix du riz, grevant encore davantage les finances du Collège. Interrogé sur les aides financières que l’on pourrait espérer, le procureur des missions, établi à Macao, répondit :

‘La grandissime ressource est la divine Providence. Nous n’avons pas de quoi fournir à la moitié de la dépense, il s’en faut bien ! Mais cela n’empêcherait pas que vous ne puissiez envoyer cette année comme les précédentes autant de nouveaux écoliers que vous en recevrez d’anciens107.’

Laurent Lyn, prêtre chinois et procureur intérimaire, avait suggéré que l’on se lançât dans l’arboriculture, qui fournirait d’importantes ressources au Collège. Cette recommandation fut suivie avec profit, mais bien plus tard. Le Collège se trouvait donc pratiquement sans ressources. Or, une lettre datée du 2 février 1822, adressée par les élèves du Collège général aux étudiants du grand séminaire de Lyon, avait été opportunément éditée par les Annales de l’OPF108. Grâce à la publication de plusieurs autres lettres, la notoriété du Collège des Chinois commença de grandir ; la piété de ces jeunes élèves chinois, vivant dans l’indigence et environnés de dangers, ne pouvait laisser les lecteurs indifférents. Un an après la première publication, le Collège recevait une subvention de 2 000 francs. L’année suivante, la subvention était doublée. À partir de cette période, l’OPF devint l’un des principaux soutiens financiers du Collège général de Penang et le resta presque tout au long de son existence.

Petit à petit, les Missions Étrangères s’implantaient, à Penang et dans la région environnante. Le Collège général, lieu dédié à l’instruction, faisait aussi office de refuge en cas de persécution, et de camp de base pour les missionnaires qui exploraient la région. Devant l’échec de l’évangélisation des malais des villes et des plaines, toutes musulmanes, face à la concurrence des missionnaires protestants, en conflit désormais ouvert avec l’archevêché de Goa qui revendiquait Malacca et Singapour, les MEP se tournèrent de plus en plus vers les populations aborigènes109. Ainsi, Jean Pupier, en charge du Collège et de la paroisse de Pulo-Tikus, aurait-il souhaité œuvrer auprès des Semangs, dans la jungle de Kedah. Sa mort prématurée, en 1826, l’en empêcha. Jean Barbe110 remplaça Jean Pupier, mais ne put se fixer au Collège, car on lui avait surtout confié la paroisse de Pulo-Tikus. On estime qu’il y aurait eu, à cette époque, entre mille deux cents et mille cinq cents chrétiens à Penang. Jacques-Honoré Chastan111 fut nommé au Collège par le procureur des missions à Macao en 1827, mais il partit à l’arrivée de François Albrand, trois ans plus tard. Jacques-Honoré Chastan, comme Laurent Imbert, comptent parmi les martyrs du Collège général : partis en Corée, ils furent tous deux exécutés à Séoul en 1839. À ce titre, ils ont été longtemps donnés en exemple aux élèves112. Un autre missionnaire, Jean-Baptiste Boucho113 ouvrit l’École Catholique libre de Penang, où étudiaient une centaine de garçons. Le gouverneur de l’île lui confia quelques esclaves Nias affranchis par les Britanniques114. Mais Boucho projetait surtout d’évangéliser les peuples de la côte ouest de Sumatra. En 1831, deux autres missionnaires, Jean Bérard et Jean Vallon115 quittaient Penang pour aller évangéliser les îles de Nias, à la demande de Mgr Florens. Tous deux moururent à Gunung-Sitoli en juin 1832, peut-être empoisonnés par des chefs musulmans ?

Le Collège peinait à se doter d’un corps directoral stable. Cette faiblesse chronique se retrouve durant toute son histoire et ce pour plusieurs raisons : fluctuation du recrutement de missionnaires en France ; manque de candidats pour une fonction de directeur trop protégée, éloignée des missions pionnières et des postes avancés de la christianisation ; taux de morbidité assez élevés, obligeant à remplacer des directeurs parfois peu de temps après leur arrivée. Est-ce la cause des désordres qui, apparemment, s’y seraient installés ? C’est probable :

‘Vous avez sans doute fortement plaidé la cause du Collège de Pinang auprès de Mgr d’Halicarnasse. M. Moutin ou un autre missionnaire de mérite est de toute nécessité pour cet établissement. Les choses y vont assez mal. Le supérieur est mécontent de la plupart des élèves ; la plupart des élèves sont mécontents du supérieur. Plusieurs demandent à retourner avant d’avoir terminé leurs cours. Mon cœur est grandement affligé de ce désordre dont les résultats peuvent être si nuisibles à la gloire de Dieu et à notre pauvre mission116.’

Quelques années plus tard, en 1833, le Conseil du séminaire de Paris affirmait nettement que le changement continuel de supérieur et de directeurs, « très préjudiciable au bien des élèves (…), dut avoir pour effet que les élèves ne s’attachent point à un maître qu’ils savent ne pas devoir rester longtemps auprès d’eux 117 . » Cette longue lettre est d’une grande importance. Dressant le bilan des vingt-cinq premières années du Collège général, elle contient l’embryon des principes qui le gouverneront par la suite, annonçant en particulier l’institution d’une règle devenue intangible : l’affectation définitive des directeurs désignés pour le Collège de Penang. Elle attribue clairement, par ailleurs, la responsabilité du choix des supérieurs et celle de la nomination des directeurs, au Conseil de Paris : « C’est au séminaire de Paris qu’il appartient de pourvoir ou directement ou par le procureur de Macao les sujets nécessaires pour l’éducation des élèves. »

Le Collège général se trouvait, au moins géographiquement, au cœur des événements qui transformaient cette région d’Asie, tant sur le plan colonial que sur celui des missions catholiques. Mais il n’y participa jamais directement. La petite communauté de Pulo-Tikus se consacrait à l’étude de la théologie, et contribuait modestement à l’apostolat local, auprès des Chinois de l’île : « Un grand nombre de catéchumènes fréquentent les instructions que leur prodiguent les bons élèves du Collège », écrit Jean-Baptiste Boucho, parlant de plusieurs centaines de conversions118. Cependant, la renommée du Collège commençait de croître, autant que les critiques sur son coût :

‘Personne n’apprécie mieux que moi l’importance du Collège de Pinang qui deviendra encore plus utile entendu que Mgr de Capse qui est nommé vicaire apostolique de la Corée pense s’introduire et s’établir dans ce pays d’où l’on pourrait envoyer des élèves à Pinang ; et mon opinion est de soutenir le collège aussi longtemps que nous en aurons les moyens malgré les clameurs de quelques-uns. Mais les tons deviennent de plus en plus critiques et les ressources vont diminuer de jour en jour, à moins que la Providence ne vienne à notre secours, comme il faut espérer qu’elle le fera pour soutenir Son œuvre. En attendant, nous devons user de la plus rigide économie dans l’emploi du peu de moyens119.’

On trouve ici, en germe, les arguments d’une polémique qui traverse toute l’histoire du Collège général, divisant la Société des Missions Étrangères en deux camps. Les uns vantent les mérites du Collège, son utilité pour les missions. Les autres dénoncent son coût excessif, faisant de son entretien une charge pour la Société toute entière, au détriment des missions locales. Le 18 décembre 1833, Michel Lolivier s’éteignait. Cinquante ans plus tard exactement, son successeur à la tête du Collège général, Edmond Wallays, accompagné de Gilles Guéneau, mena une enquête, à la recherche de la sépulture disparue du premier supérieur du Collège général120. Il recueillit le témoignage de Raphaël Jérémiah (octogénaire, il avait six ans lorsque Michel Lolivier arriva à Penang), désirant confronter ce témoin oral à un manuscrit laissé par le fondateur du Collège, Claude Letondal. Jeremiah affirma que le P. Lolivier avait été inhumé dans l’ancienne église de Georgetown, chef-lieu de l’île. Il se souvenait de l’incendie de 1812, mais pensait qu’il avait eu lieu non en juin, comme l’écrivit le P. Letondal, mais en juillet. Il confirma la présence à Pulo Tikus, d’une communauté de réfugiés du Siam dont le pasteur était bien un prêtre indigène, J. Pascal. Leur chapelle était en planches ; située à l’emplacement du futur Collège général, elle servit à la fois aux élèves et à la petite communauté siamoise. Il ressortait enfin de son témoignage, que les élèves avaient probablement résidé une vingtaine de mois au moins en ville, jusqu’à ce que M. Lolivier fît l’achat d’une maison à Pulo Tikus, le 20 novembre 1809. L’entretien, qui se déroula probablement en anglais, se poursuivit par une visite, dont nous avons le récit, qui permettrait de dresser une carte assez détaillée des anciennes possessions des missions françaises à Georgetown :

‘Nous nous sommes fait conduire, le P. Wallays et moi, dans la ville ; le bon Raphaël Jérémiah nous guidait pour nous montrer l’emplacement de l’ancienne église et des écoles avec la demeure du P. Rectenwald. Le tout fut montré dans le plus grand détail possible. Or cet emplacement se trouve actuellement tout couvert de constructions chinoises, malheureusement habitées par des payens et comprend tout le pâté de maisons (moins les deux extrémités) outre la rue de l’Église, celle de l’Évêque (parallèle) et le Beach-street, avec le Penang-street (parallèles aussi). Nous nous sommes fait conduire aussi toujours avec Raphaël, à l’extrémité de Penang-street actuel, du côté du port. Raphaël nous y fit voir l’emplacement des maisons données à loyer par M. Letondal pour le soutien du Collège (moins la maison louée 50 $ par mois à l’orfèvre Scully près de l’église).’

La succession du Père Lolivier avait été soigneusement préparée, vu la dégradation de son état de santé121. François Albrand fut désigné pour lui succéder. Ce jeune missionnaire était arrivé au Collège précédé par une excellente réputation122. Mais plusieurs lettres indiquent nettement qu’Albrand avait d’autres aspirations : « Vous témoignez de nouveau l’espèce de mécontentement où vous êtes de voir que notre intention est que vous restiez fixé au Collège de Pinang 123 », lui écrit le supérieur du séminaire de Paris, Charles Langlois124. Le choix du Conseil est irrévocable ; il faut sédentariser le corps des directeurs du Collège. François Albrand finit par s’incliner et se mit à l’ouvrage, comprenant l’importance du Collège pour l’avenir des missions :

‘Nos seigneurs du Setchoan semblent tenir du fond de leurs entrailles au Collège de Penang et ils le recommandent d’une manière particulière au Procureur de Macao ; c’est qu’ils en sentent toute l’utilité et la nécessité. Les troubles d’Europe, l’état déplorable des missions de Cochinchine et du Tonkin sont autant de raisons fort pressantes pour assurer à ce collège une existence certaine125. ’

Il pressentait l’important essor qu’allait connaître une institution qui ne comptait alors que le nombre modeste de vingt-deux élèves, tous Chinois du Sichuan. Établi dans une région désormais durablement pacifiée par l’Angleterre, bénéficiant du soutien bienveillant des autorités coloniales, bien relié aux autres missions par terre comme par mer, le Collège était devenu le plus sûr asile où abriter missionnaires et séminaristes en butte aux persécutions qui se propageaient. N’était-ce pas la conviction de son fondateur, qui voyait dans le Collège « comme le corps de réserve contre les guerres et les persécutions, et la pépinière où l’on prendrait pour replanter après les orages 126 . » Or, précisément, le Vietnam avait été gagné par les persécutions chinoises127. Les missionnaires s’estimant les plus exposés décidèrent de s’enfuir, sans doute aussi pour attirer l’attention de l’Occident sur leurs déboires et provoquer une réaction128 :

‘Mgr Taberd étant donc en Basse-Cochinchine, dans les environs de Saigon, un mandarin était venu le sommer d’avoir à se rendre à la cour de Huê, pour répondre à l’appel du prince et se mettre sons ses ordres […]. Mgr Taberd ne jugea pas expédient d’aller bénévolement se jeter dans de telles griffes. Et sur les conseils de ses missionnaires alors dans son voisinage, MM. Régereau et Cuenot, il se détermina à fuir. Ce fut vers la mi-février 1833. Le prélat se jeta dans une petite barque, aux environs de la citadelle de Saigon, et accompagné d’un seul écolier, pris sans doute au séminaire de la mission situé non loin, il se sauva dans la direction du Cambodge. Quel fut ce jeune écolier, on ne le sait pas129. ’

Le 21 août 1834, le vicaire apostolique de Cochinchine, Jean-Louis Taberd130 (évêque d’Isauropolis) après une épuisante traversée du Cambodge et du Siam, débarqua à Penang avec une dizaine de séminaristes rescapés du séminaire de Lai-Thieû, qui l’avaient rejoint, semble-t-il, à Singapour. Le 29 mars 1835, neuf autres élèves cochinchinois se présentèrent aux portes du Collège : « C’étaient des hommes de 35 à 40 ans, pieux mais sans exercice de latin. » Puis en 1836, arriva l’une des grandes figures du Collège général, Philippe Minh, futur martyr131. Le Collège commençait à recouvrer ainsi une dimension internationale. D’autres exilés suivirent, envoyés à Penang par Étienne Cuenot132 (évêque de Métellopolis), coadjuteur puis successeur de Mgr Taberd. Des missionnaires illustres trouvèrent, pour les mêmes raisons, refuge au Collège, comme Jean-Claude Miche ; explorateur des rives du Mékong, il fut le premier vicaire apostolique du Cambodge133. IIiI l enseigna au Collège en 1840, avec un succès tel, qu’on lui proposa d’en devenir le supérieur, quelques années plus tard, mais sans jamais parvenir à le convaincre d’accepter cette fonction, si mal accordée avec ses aspirations d’homme d’action. Avec cet afflux de séminaristes, l’envoi de professeurs en renfort devenait indispensable : dès 1834, le séminaire de Paris avait nommé Claude Tisserand, directeur à titre définitif. De son côté, François Albrand s’efforçait de trouver de nouvelles ressources pour le Collège, pour faire face à l’augmentation des dépenses :

‘Vous savez l’arrivée de Mgr Tabert avec des élèves au nombre de 10 […] Ces pauvres exilés pour la foi sont arrivés ici pour ainsi dire dénués de tout après deux ans d’un rude pèlerinage. Mgr Tabert attend même de jour en jour M. Régereau avec trois ou quatre élèves dans le même accoutrement sans doute. Mon seul devoir est de le recevoir et de le traiter comme un prince de l’Église. À vous Messieurs, de juger pour le temporel134.’

Dans cette même lettre, Albrand dit s’attendre à ce que le Collège mérite très vite son appellation de général, si des Tonkinois viennent à leur tour grossir les rangs des élèves. Mgr Cuenot, se voulant rassurant, lui avait écrit à ce sujet :

‘Si les secours qui vous sont assignés ne suffisent pas pour la nourriture et l’entretien de nos élèves, nous viendrons à votre secours. J’en ai déjà parlé à nos confrères en mission, nous consentons à nous priver même de notre viatique, si cela devient nécessaire pour venir au secours de nos écoliers. Le chrétien cochinchinois, tout pauvre et misérable qu’il est, ne nous refusera pas quelques grains de riz. J’en écris au procureur de Macao135. ’

Albrand disposait de l’argent de la vente du terrain occupé en ville par les maisons incendiées en 1812. S’inspirant des propositions de Laurent Lynn, il planta des muscadiers, acheta une rizière grâce à des dons, « nous avons vendu deux emplacements de Tanjong, il nous en est resté un et il n’est pas inutile d’avoir un pied à terre à la ville en cas de nécessité. La vente s’est montée à 400 piastres chaque 136  ». Les élèves s’y activaient durant les heures de travail manuel prévues par les règlements intérieurs. Il fit également l’acquisition d’une presse, pour imprimer les cours. Enfin, il entreprit la construction d’un nouveau bâtiment pour loger les élèves, comme on l’y encourageait :

‘Vous êtes obligé de faire bâtir : c’est un grand embarras, mais dans l’état où M. Lolivier vous a laissé les bâtiments, c’est une nécessité. Heureusement, les fonds qu’on a trouvés à sa mort aideront à ces dépenses. Vos bâtiments seront achevés quand cette lettre arrivera. Je pense que vous aurez visé à la solidité de ces constructions et à la bonne distribution des pièces, puis à l’élégance et à la grandeur137. ’

On l’incita même à voir grand, le Collège étant appelé à recevoir des élèves de toutes les missions. Malgré l’évidente qualité de ce supériorat, Mgr Courvezy138 (évêque de Bide), successeur de Mgr Florens depuis la mort de ce dernier en 1834, décida de renvoyer Albrand à Paris, avec la charge de représentant et procureur de sa mission. Officiellement, cette décision était motivée par la soudaine diminution du nombre des élèves originaires du Sichuan, à l’éducation desquels un seul missionnaire, Claude Tisserand, suffirait désormais. En Chine, la persécution était telle qu’il n’était même plus possible de recruter de futurs séminaristes parmi les enfants : en 1839, ils n’étaient que cinq seulement venus du Sichuan. En réalité, le Conseil central de la Société entendait surtout empêcher que ne s’envenimât la querelle qui opposait depuis quelques temps le supérieur du Collège général à son vicaire apostolique. Ce dernier avait en effet revendiqué le titre de supérieur majeur du Collège, avec juridiction sur le temporel et le spirituel, comme c’était le cas à Siam, avant la refondation du Collège en Malaisie. Le séminaire de Paris avait tout d’abord souscrit à l’objection avancée par M. Albrand, qui opposait aux aspirations de Mgr Courvezy une prescription de trente ans en faveur du séminaire de Paris, fondateur de l’établissement par le truchement du procureur de Macao, et qui avait nommé, jusque-là, le personnel du Collège. Régulièrement, des questions sur la délimitation des pouvoirs du supérieur du Collège et sur ses attributions revenaient dans la correspondance entre M. Albrand et Paris :

‘Quand un évêque se trouve au Collège, la préférence lui est due à tous égards : mais du reste, les attributions du supérieur restent les mêmes : c’est toujours lui qui est chargé de l’administration de l’établissement, de la gestion des affaires qui regardent le Collège, de la surveillance des élèves. Cependant, dans les affaires importantes, il doit prendre l’avis de l’évêque et de celui des anciens missionnaires qui peuvent se trouver par circonstances demeurer dans le Collège : mais c’est toujours à lui qu’appartient la décision […] Le Collège a jusqu’à présent été administré au nom du séminaire de Paris139. ’

Après délibération, le Conseil central confirma le statut du Collège, soutenant implicitement F. Albrand, approuvé en cela par certains des vicaires apostoliques, comme l’écrivait, peu après le départ d’Albrand, Claude Tisserand :

‘Mgr de Bide, [Courvezy] dans une lettre pleine de bienveillance qu’il m’a fait l’honneur de m’écrire me dit, en plaisantant de la fameuse Question du Collège de Pinang, le Sutchuen trouve et juge que le séminaire de Paris doit être le supérieur majeur du Collège de Pinang. Voilà qui vous met à l’abri des coups d’états du Vic. apost. du Siam. Gaudeant bene nati140 ! »’

Malgré ces appuis, François Albrand, par ailleurs en fort mauvaise santé, dut se résoudre à quitter Penang en 1839 : « Le départ de M. Albrand pour Paris, comme procureur de Siam, annoncé par M. Renou 141 , confirmé par une lettre de Mgr de Bide, m’étonne et m’afflige beaucoup. Il ne devoit pas accepter et il devoit rester à son poste », écrivait Mgr Pérocheau142 , le 4 septembre 1839143. Mais il importait de préserver la concorde entre les missionnaires de Malaisie et leur vicaire apostolique, lequel veillait à ce que l’on n’empiétât pas sur ses prérogatives, si l’on en croit, par exemple, cette lettre que lui avait adressé un confrère d’Albrand, François Régereau144 :

‘Je prends la liberté d’observer à votre grandeur que jamais je n’ai vu les pouvoirs que les missionnaires exercent dans votre mission. Puis-je absoudre les cas réservés ? Y a-t-il dans cette mission, des cas réservés à votre grandeur ou à son provicaire ? Puis-je bénir les ornements et linges d’autel, ainsi que les images, chapelets, croix et médailles. Puis-je admettre quelqu’un dans le St Rosaire ou dans la confrérie de N. D. Auxiliatrice ? Je suis bien loin d’être jaloux d’exercer aucune fonction du saint ministère en dehors du Collège. J’ai chanté, depuis mon arrivée à Pinang, la grand-messe le jour de la fête patronale de l’église de M. Bohet145, ainsi votre grandeur peut être tranquille sur cet article146.’

En 1839, l’année de l’exécution, à Séoul, des martyrs Imbert et Chastan, Claude Tisserand fut donc nommé supérieur du Collège général, en remplacement de François Albrand147. Sous son supériorat, l’afflux de nouveaux élèves semblait ne pas devoir s’interrompre, au contraire. Les missions de Cochinchine et celle du Sichuan annonçaient des envois :

‘Notre collège dans ce moment semble prendre la tournure de vouloir devenir nombreux et considérable. Des lettres par moi adressées, si je m’en souviens bien, au respectable M. Dubois, faisaient mention de l’arrivée de six élèves annamites. Or nous avons appris par des dépêches de Cochinchine arrivées au commencement de ce mois, que huit autres étaient à Macao prêts à s’embarquer à la première occasion. Ils doivent être près de Pinang dans ce moment. Mgr Cuenot, en nous les adressant, écrit qu’il va faire tous ses efforts pour en réunir et envoyer encore dix autres sous peu148.’

En effet, la situation des chrétiens en Cochinchine restait critique. Sous les règnes de Thieu Tri, puis de Tu Duc, successeurs de Minh Mang (mort en 1840, des suites d’une chute de cheval), la situation des chrétiens au Vietnam ne s’améliora guère, et le nombre de séminaristes fuyant ce pays grossissait. Les vicaires apostoliques, Étienne Cuenot, mais aussi Dominique Lefebvre (évêque d’Isauropolis) et Jean Gauthier149(évêque d’Emmaüs), continuaient d’envoyer leurs élèves à Penang. Entre 1836 et 1848, près d’une centaine de séminaristes originaires de Cochinchine, en majorité, mais également du Tonkin, arrivèrent au Collège général. Une vingtaine de Chinois, les uns originaires du Sichuan et du Yunnan, les autres de Malaisie, complétaient les effectifs. Un probatorium avait été créé, à l’initiative de Claude Tisserand, pour mieux préparer les jeunes élèves à leur entrée au Collège :

‘Je me suis enhardi à réunir il y a cinq mois quatre enfants d’une douzaine d’années dont l’un est vrai chinois, venu de Canton. Ces chers enfants annoncent des dispositions satisfaisantes. Je les enseigne moi-même : ils avancent déjà dans la conjugaison des verbes. Je leur ai fait construire une maison en atapes près de la doctrine ; ainsi ils habitent, mangent, jouent à part sans avoir de communication avec les élèves du Collège150. ’

L’initiative ne semble pas avoir été du goût de tous :

‘Votre grandeur est émerveillée par l’établissement d’une petite école dont M. Tisserand est le magister. J’en suis bien aise, mais pour moi, je n’en suis pas émerveillé. Je loue l’intention mais non le mode. Voici mon plan, qu’on n’a pas suivi : ce serait d’établir une école pour étudier les caractères chinois, de choisir un bon maître, savant et fervent chrétien pour enseigner151.’

Cependant, l’accroissement du nombre des élèves ne laissait pas de créer de nouvelles difficultés. La fluctuation de l’effectif ne passait pas inaperçue, notamment parce qu’elle avait pour premier effet d’entraîner une hausse continuelle des dépenses consenties par la Société pour l’entretien du Collège général :

‘Non seulement l’esprit de nos règles ne veut pas qu’on diminue l’allocation des missions qui ont des écoliers à Pinang pour ce motif, la lettre même des règles, chap. 12, art. 14, prescrit que les dépenses du Collège général seront prises sur les fonds communs, sur la masse commune. Et même pour engager (selon le désir de nos fondateurs) les missions à envoyer des écoliers, l’article suivant veut qu’on rembourse aux vicaires apostoliques ce qu’ils débourseront pour le voyage des élèves152.’

Enfin, le manque de missionnaires rendait la tâche ardue et presque insurmontable aux trop rares directeurs présents sur place. La situation se détériora encore avec le départ de François Régereau pour Calcutta :

‘Le départ de M. Régereau a fait un vide au Collège. Néanmoins vous ne cherchez guère à venir en aide et secours. Cependant le collège est de plus en plus nombreux et on avait droit d’attendre du renfort. Heureusement que M. Tisserand tient bon sans quoi que devenait le Collège153 ?’

Un an plus tard, le P. Langlois annonçait l’envoi des renforts tant attendus, en les personnes de Pierre-Étienne Favre et de Victor Martin :

‘Je reçus le 12 mars dernier une petite lettre de vous non datée et le 6 avril je reçus celle que vous m’avez adressée le 12 janvier contenant vos comptes de l’année passée et l’état présent du Collège où vous vous trouvez seul tandis que le nombre des élèves soit Chinois soit Cochinchinois est augmenté et paraît devoir encore s’accroître. Au milieu de tous ces troubles et embarras, Dieu vous a soutenu ; espérons qu’il vous soutiendra encore pendant le peu de temps qui doit encore s’écouler jusqu’à ce que les deux nouveaux confrères MM. Favre et Martin, qui sont en route pour aller partager vos travaux soient arrivés154.’

À lire ce qu’écrivait Sylvestre Thivet cinq ans plus tard, on est enclin à penser que le soutien n’avait pas été suffisant :

‘Dans ma dernière lettre, je vous exposai ainsi que MM. Tisserand et Miche la nécessité d’augmenter le nombre des directeurs du Collège, mais ni les autres, ni moi n’avons reçu de réponse à ce sujet ni à plusieurs autres. Aujourd’hui je renouvelle ma demande et voici mes raisons. J’ai à confesser environ soixante élèves, moi seul fais le catéchisme et l’instruction aux élèves annamites peu avancés, j’ai chaque jour quatre classes à faire et une heure chaque fois pour trente et un élèves réunis n’est pas suffisante155.’

Des rumeurs circulaient au sujet de la discipline156 et des mœurs ; on se plaignait de l’insalubrité du Collège. La question de sa place dans l’équilibre général des missions est finalement de plus en plus souvent posée. Il ne me semble pas excessif d’affirmer qu’il était devenu une pomme de discorde. Mais il y avait plus grave. L’utilité même de former un clergé indigène, la capacité des indigènes à devenir des prêtres d’une qualité comparable à celle des Européens étaient ouvertement mises en doute. La méthode pédagogique pratiquée au Collège ne donnait pas entière satisfaction, notamment à cause de la pénurie de professeurs qualifiés : « Le mode d’enseignement que vous voulez introduire dans votre collège ne nous paraît pas praticable à cause du grand nombre d’Européens qu’il exige 157 », affirme-t-on à Paris. Les Directeurs se plaignaient, non du niveau de leurs élèves, mais des moyens dont ils disposaient pour les instruire convenablement. De plus, l’existence du Collège de Penang continuait de faire l’objet de sévères discussions. Étant considéré comme « établissement commun », chaque mission pouvait y envoyer des élèves, présupposant qu’ils y seraient mieux formés au sacerdoce que dans les séminaires locaux. Les missions qui ne le feraient pas s’excluraient, de leur propre chef, du droit à bénéficier de la manne distribuée par les procures158. Cependant, l’entretien des élèves coûtait cher et les recettes diminuaient. Les autorités parisiennes alertèrent les directeurs du Collège à ce sujet dès 1846. Il avait fallu faire des avances, pour pallier l’augmentation des dépenses, et pour compenser ces avances, prendre sur l’allocation annuelle de l’OPF, grevant le budget de la Société entière. Or, le Collège n’était pas véritablement général, caractère qui seul justifierait un pareil effort imposé à toutes les missions :

‘Il nous est impossible de supporter seuls les frais d’un établissement ruineux, tandis que nous ne pouvons nous suffire à nous-mêmes. D’un autre côté, il nous semble qu’il n’est point de bonne justice de faire contribuer toutes les missions à l’entretien d’un séminaire qui n’a, à proprement parler, d’utilité que pour deux d’entre elles et ne paraît devoir jamais mériter le titre de collège général qu’on lui a faussement décerné159.’

La supériorité numérique de groupes ethniques homogènes, Chinois d’abord, puis Cochinchinois, créait un déséquilibre parmi les élèves ; elle fournissait un argument de choix à ceux qui déniaient au Collège l’appellation de « général ». De plus, la plupart de ces élèves n’étaient là qu’à cause de la persécution dans leurs missions. Or, si l’issue des négociations internationales était, à cet égard, plutôt de bon augure pour les missions catholiques en général, elle risquait de tarir le flux d’élèves vers Penang. Le traité de Nankin du 22 août 1842, mettant un terme à la Guerre de l’opium, consacrait l’ingérence des Occidentaux dans les affaires chinoises160. Celui de Whampoa, conclu entre la France et la Chine en octobre 1844, permit, à côté des arrangements commerciaux, l’autorisation du catholicisme et de l’apostolat des missionnaires. Les directeurs en étaient bien conscients ; ils projetaient même de ne plus former, à Penang, que des professeurs qui enseigneraient dans les séminaires de chaque mission, lorsque le temps des persécutions serait révolu, et avec lui l’afflux d’élèves réfugiés :

‘Car il est non seulement utile mais même à mon avis nécessaire que les missions aient parmi leurs prêtres indigènes et leurs catéchistes des sujets capables d’enseigner au moins le latin : car pour la Cochinchine, la persécution n’y durera pas toujours, j’en ai la confiance, alors quand elle sera obligée de rétablir des Collèges et des séminaires, ne sera-t-elle pas bien aise d’avoir quelques prêtres ou catéchistes capable d’être employés à l’enseignement161.’

En 1847, la Société des Missions Étrangères se dota d’un nouveau règlement162. Plusieurs articles concernaient le Collège de Penang, en faveur duquel le séminaire de Paris prenait clairement fait et cause :

‘Notre société, tant par les buts de son institution que par ses constants efforts et ses succès bien connus dans l’éducation d’un clergé indigène, s’est toujours maintenue à la tête des autres congrégations. Nous avons comme elles des collèges particuliers dans nos missions et de plus qu’elles un collège général en toute évidence. Abdiquer cet avantage, porter à ce collège un coup mortel au moment où il donne les plus belles espérances ; quand nos missions acquièrent presque chaque année de l’importance par leur nombre et leur étendue ; lorsque la sacrée congrégation renouvelle ses instances les plus vives auprès de nos vicaires apostoliques pour la formation d’un clergé indigène, serait selon nous plus que de la mauvaise administration, ce serait une faute163.’

Une addition au chapitre IX du nouveau règlement plaçait le Collège, pour ce qui concernait son administration supérieure, sous l’autorité directe du séminaire de Paris : « Le Collège de Penang continuera d’être un collège général pour toutes les missions. Le séminaire de Paris sera chargé de l’administration supérieure de cet établissement 164 . » Les vicaires apostoliques locaux qui prétendaient l’administrer étaient évincés, sa qualité de collège « général » au service de toutes les missions ratifiée. Le Collège comptait à cette époque 149 élèves, dont 117 originaires de Cochinchine, les autres de Chine (Sichuan et Yunnan), quelques-uns enfin de Malaisie. Au total, six missions lui envoyaient des élèves, nombre que l’on aurait voulu toutefois voir augmenter, ne serait-ce que pour justifier, aux yeux des vicaires apostoliques, les dépenses « effrayantes » occasionnées par cet établissement165. Mais le Conseil parisien ne pouvait ignorer les contestations que ces frais avaient suscitées au sein de la Société et décida de les restreindre. En conséquence, le nouveau règlement général de 1847 fixait à douze seulement le nombre de bourses d’études gratuites au Collège par mission. Tout élève surnuméraire serait entièrement à la charge de sa mission d’origine166. Certaines de ces décisions furent mal accueillies à Penang. D’une part, la diminution du nombre des bourses allouées à chaque mission pour l’envoi d’élèves à Penang risquait de freiner la progression des effectifs. D’autre part, l’article qui faisait relever le Collège de l’autorité supérieure du séminaire de Paris suscita une vive réprobation. Pour émanciper le Collège de l’autorité des vicaires apostoliques (après les vives discussions qui avaient entouré la quasi-disgrâce de M. Albrand, en 1839), le Conseil l’avait placé sous sa propre tutelle : cela revenait à affaiblir les supérieurs. De plus, M. Tisserand, le supérieur en titre, était alors fort peu apprécié de certains de ses confrères, qui lui reprochaient des méthodes pédagogiques inappropriées167. Sa gestion financière aussi les inquiétait, car il avait d’ambitieux projets d’agrandissement du Collège :

‘M. Le procureur fait part au conseil de la caisse du Collège général à la rédaction des comptes de M. Tisserand au 1er mai 1847. Il y avait une somme de 4313,70 et un déficit de 971,61. M. Tisserand s’est rendu responsable de ce déficit par un billet en faveur de M. le Procureur et qu’il doit couvrir par des sommes venues d’Angleterre pour la vente arriérée des noix de muscade. Ensuite M. le Sup. a fait observer au Conseil que le local du Collège ne suffisant pas pour tenir des classes désormais plus nombreuses, il croyait nécessaire de programmer la construction d’un corps de bâtiment simple mais assez vaste pour contenir trois classes renfermant chacune au moins de 25 à 30 élèves168. ’

On en vint à demander sa destitution, que la rue du Bac refusa :

‘Je n’ai pas moins été surpris de lire dans votre lettre la phrase suivante : Nous désirerions que M. Tisserand offrit sa démission pour prendre place dans le rang des directeurs au rang des directeurs de Paris, mais passer de supérieur du Collège général au rang des directeurs, c’est ce que vous ne devez pas exiger de lui169. ’

Les élèves eux aussi se rebiffèrent, et certaines lettres évoquent un « esprit de rébellion 170 ». L’autorité du supérieur, indispensable à la cohésion de la communauté, ne sortait pas renforcée par les dispositions du nouveau règlement : « Le mal qui ronge ce pauvre Collège est dans la constitution même que le Conseil lui a imposée 171. » En réalité, la situation était plus confuse encore, si l’on distingue entre deux formes d’autorité, l’une administrative, l’autre spirituelle. Le Conseil de Paris s’était clairement attribué l’autorité « administrative supérieure » sur le Collège :

‘Vous savez que le séminaire de Paris est le supérieur majeur de cet établissement. Vous serez par conséquent en rapports fréquents avec nous et vos pouvez être assuré d’avance que nous serons toujours disposés à répondre à votre appel toutes les fois que vous aurez besoin de notre intervention. Néanmoins nous désirons que ce soit le plus rarement possible seulement pour des cas graves et non pour des détails d’administration journalière qui doivent être uniquement du ressort du conseil hebdomadaire172.’

Les contingences de la vie quotidienne relevaient des décisions du Conseil des directeurs de Penang : mais des dissensions se manifestèrent, dont les procès-verbaux donnent quelques illustrations. Le 3 novembre 1847, par exemple, « M. Tisserand se plaint de ce que M. le Procureur et M. Martin ont vendu les noix sans lui en avoir référé auparavant et prétend qu’un marché si considérable fait sans son autorisation est contraire au règlement. » En cas de conflit, c’est au séminaire de Paris, et non au supérieur du Collège, que l’on demandait de trancher : « Nous ne sommes point encore en mesure de pouvoir répondre aux différentes lettres que vous nous avez écrites relativement à la mésintelligence survenue entre vous par la divergence de vos vues administratives 173 », écrivent les membres du Conseil, en novembre 1847. Par ailleurs, l’autorité spirituelle restait l’apanage du vicaire apostolique :

‘Il est à propos que vous sachiez que votre Collège ne jouit d’aucun privilège ou exemption. Par conséquent, le vicaire Apostolique de la Malaisie en est le supérieur spirituel et jouit du droit de visite et de surveillance sur votre enseignement. C’est à lui que vous devez demander les pouvoirs et les facultés qui n’ont pas été accordés par la Sacrée Congrégation aux ministres de notre Société, et vous ne pouvez exercer le ministère auprès de vos élèves avant d’avoir prêté le serment ordinaire. Nous ne pouvons trop vous recommander de ne pas négliger d’entretenir avec Sa Grandeur les rapports officieux qu’il est droit d’attendre de vous174.’

Écartelé entre le séminaire de Paris, le vicaire apostolique et ses confrères, Claude Tisserand ne parvint apparemment pas à s’imposer comme supérieur. Finalement, le 24 décembre 1847, une lettre du Conseil de la rue du Bac l’informa, non sans tact, qu’il était déchargé du supériorat :

‘Vous apprécierez, nous n’en doutons pas, les motifs qui nous ont déterminé à vous décharger de la supériorité du collège de Pinang. Cette mesure nous a été imposée par les circonstances et vous ne devez nullement la considérer comme une disgrâce. Vos vues sont trop élevées et la gloire de Dieu trop chère à votre cœur pour que nous puissions craindre que vous cédiez à des considérations personnelles dont le sacrifice vous sera méritoire devant Dieu175.’

Il resta deux ans encore au Collège de Penang, en tant que directeur, puis partit fonder, près de Malacca, un séminaire appelé Collège Sainte-Marie176. Sylvestre Thivet fut désigné pour lui succéder. En1848, il n’y avait à Penang que cinq missionnaires pour 154 élèves, provenant de six missions différentes. Le corps professoral fut renforcé par l’arrivée d’un jeune missionnaire, Joseph Laigre, appelé à jouer, par la suite, un rôle considérable au Collège. On lui confia la classe de philosophie, celle de liturgie et la charge de la chapelle177. Mais la révolution de février 1848, en France, désorganisant momentanément l’OPF, mécène des Missions Étrangères et donc, indirectement, du Collège général, contraignit le séminaire de Paris à réduire ses allocations : « Nous sommes menacés d’une forte diminution des allocations de l’Oeuvre de la Propagation de la Foi. C’est un grand malheur car nos besoins augmentent 178 . » Il fallut donc se séparer d’une trentaine d’élèves, en éliminant les moins aptes à l’état ecclésiastique179 et chercher d’autres revenus, notamment fonciers180. Un terrain avait été acquis à Tanjung Bungah, à quelques kilomètres de Pulo Tikus ; ce lieu, surnommé Mariophile, allait devenir la villégiature du Collège général. Il fut décidé de le mettre en culture, pour en tirer un revenu complémentaire181. Car les prévisions de recettes financières étaient pessimistes :

‘Vous nous dites que pour vous maintenir sur le pied où vous êtes aujourd’hui, vous auriez besoin d’une allocation mensuelle d’environ 20 000 frs. Cette année, vue l’exiguïté de la somme qui nous a été attribuée par les Conseils de la Propagation de la foi, nous n’avons pu vous accorder que 16 000 frs et nous n’avons pas grand espoir de dépasser ce chiffre par la suite, si toutefois nous pouvons l’atteindre182. ’

En dépit de ces difficultés, l’activité du Collège se maintenait. L’établissement avait même acquis un certain rayonnement local. Ainsi, les Pères s’inquiètent-ils de l’accroissement du nombre des catéchumènes qui « viennent entendre la doctrine au Collège 183  », parce qu’il était d’usage de les nourrir, le jour de la conférence ! En juillet 1848, le supérieur présenta aux directeurs le nouveau règlement des élèves, afin qu’ils y apportassent leurs amendements avant de l’adopter184. Le Collège semblait s’être tiré des remous qu’il avait traversés lors des années précédentes, comme en témoigne cette lettre circulaire du 22 juin 1849 :

‘Sorti de certaines crises que le concours des circonstances rendait presque inévitables, il [le Collège] est entré dans une nouvelle phase qui semble en rendre le retour impossible. Vous n’en jugeriez pas autrement si vous connaissiez personnellement les cinq confrères à qui la direction en est actuellement confiée. Plein de zèle, de dévouement et d’aptitude pour l’œuvre à laquelle la volonté de leurs supérieurs les appelle, ils y travaillent avec un concert admirable et vivent entre eux dans l’union la plus parfaite185. ’

Malheureusement, quelques jours plus tard, Sylvestre Thivet était victime d’un atroce accident. Lors d’une promenade à Batu Kawan, tombant dans une fosse aux tigres, il s’empala sur une lance en bois de nibon. Il mourut à Georgetown, le 28 juin 1849, à l’âge de vingt-neuf ans. Victor Martin fut choisi pour lui succéder. À trente-trois ans, ce professeur de rhétorique, qui connaissait le vietnamien, le chinois et le cambodgien, se retrouva donc à la tête du Collège général, charge qu’il allait occuper jusqu’en 1868. Quelle était alors la situation au Collège ? Les missionnaires n’étaient que cinq en 1852, secondés par deux anciens élèves. Le départ de Claude Tisserand avait été compensé par la venue de Bernard Delpech186. Martin-Louis Greiner et Eugène Lemonnier furent nommés directeurs en juin 1855. En 1860, il y avait sept missionnaires au Collège, grâce à l’arrivée de Joseph-Adrien Navech et d’Antoine Boyet (affectés au Collège de Penang en mars 1859). En août 1865, Fabien Cazes vint renforcer les rangs des directeurs, rejoint l’année suivante par Edmond Wallays187. Enfin, en avril 1868, les procès-verbaux mentionnent l’arrivée de deux nouveaux directeurs, François Victor Chibaudel et François Paulin Vigroux188. Si le nombre des directeurs n’évolua guère, malgré ces nominations finalement assez régulières, c’est qu’il y eut de fréquentes pertes. En juin 1857, un jeune missionnaire, Michel Dupin fut envoyé à Penang. Nommé secrétaire du Conseil, il tomba malade aussitôt après son installation et mourut à Singapour en novembre 1859. En 1863, Charles Languereau et Victor Martin, souffrants, durent quitter momentanément le Collège pour aller se soigner en France. Joseph Laigre assura l’intérim pendant l’absence du supérieur189. En 1867, Eugène Lemonnier fut envoyé à Shanghai pour y remplacer un confrère190. Cette même année, Martin Greiner s’éteignit au Collège le 15 juillet, suivi, le 20 août, par Antoine Boyet ; les deux hommes n’avaient, respectivement, que trente-six et trente-et-un ans191. Le nombre des élèves se situait régulièrement au-dessus de cent : 154 séminaristes en 1848, 107 en 1853, 135 en août 1854, 128 en juin 1856, 129 en 1861, 137 en 1867192. De nombreux vicaires apostoliques envoyaient désormais à Penang leurs séminaristes, dont l’origine, enfin, se diversifiait. En 1849, le premier élève thaïlandais arriva au Collège : quatre ans plus tard, les procès-verbaux signalent l’entrée du premier Cambodgien. En 1855, des élèves coréens et birmans y furent inscrits : enfin, le premier élève de Bornéo (Tagal) fit son entrée en 1867. Tous ces jeunes gens donnaient, apparemment, pleine satisfaction à leurs professeurs :

‘En général, nous sommes très satisfaits de la conduite de nos élèves. Leurs moyens naturels et leur application assidue à l’étude font espérer qu’ils donneront pour la plupart, des prêtres ou des auxiliaires utiles à leurs missions respectives. Nous n’avons à nous plaindre d’aucun abus grave cette année. Ces jeunes gens sont en général gais et contents193. ’

Quelques-uns, comme Petrus Ky, étaient même excellents. Arrivé au Collège en 1852, fuyant les persécutions qui avaient repris en Annam194, il y étudia avec succès et devint par la suite un fin lettré et un savant de grande renommée195. L’enseignement dispensé au Collège – calqué sur celui délivré dans les séminaires français, à Saint-Sulpice en particulier – était considéré comme de bonne qualité, quoique d’aucuns l’accusassent d’être trop livresque. Le Conseil de Paris, pour sa part, ne ménageait pas ses louanges :

‘L’établissement que vous dirigez est un établissement modèle qui fait la gloire de la Congrégation et qui forme de bons sujets pour les missions qui l’alimentent […] Nous vous félicitons pour l’ordre que vous avez établi dans la maison et la propreté qui y règne et qui contribue tant à la santé des maîtres et des élèves196.’

Mais les relations avec certains vicaires apostoliques, comme celui du Sichuan, se dégradèrent assez sérieusement :

‘Le Conseil prend note d’une lettre de Mgr Perrocheau dans laquelle sa grandeur se plaint du mode d’enseignement suivi au Collège et d’une lettre de Mgr Perny197 sur le même sujet. Mgr Perrocheau déclare dans sa lettre qu’il n’enverra plus désormais d’élèves au Collège de Pinang. Le Conseil a déclaré qu’un double de ces lettres serait envoyé au Conseil de Paris198.’

N’oublions pas que ces prélats entretenaient, dans leurs missions de Chine, des séminaires auxquels celui de Penang risquait peut-être, dans leur esprit, de faire concurrence. Par ailleurs, les difficultés financières persistaient. Il semble cependant que les plantations du Collège aient commencé à rapporter199. En 1855, le séminaire de Paris évoqua « une crise financière assez sévère 200  », obligeant le Collège, dont les maigres réserves était épuisées, à faire un emprunt. Parallèlement, l’allocation du Collège variait d’une année sur l’autre, au gré des circonstances. De multiples démarches furent faites pour trouver des fonds supplémentaires, auprès de l’O.P.F notamment. Or l’afflux d’élèves rendit des agrandissements indispensables ; des constructions furent entreprises, notamment celle d’une nouvelle chapelle, plus grande201. Le 28 juillet 1855, le Conseil autorisa « l’élévation des deux ailes du Collège et la prolongation de l’aile du sud 202 . » En mars 1856, on décida de construire une infirmerie mais l’autorisation ne fut donnée qu’en août 1863203. Le 8 juillet 1868, Victor Martin, âgé de cinquante-deux ans, mourut au Collège, où il était revenu, après son séjour en France. On peut lire, consigné dans le Procès verbal du 10 juillet 1868 : « Le Conseil a noté que notre bien-aimé supérieur le Père Martin a été inhumé le 9 juillet à 8 h du matin dans le sanctuaire de notre chapelle à côté du maître autel. » Cette disparition fut unanimement déplorée :

‘La triste nouvelle que vous nous avez transmise de la mort de votre digne supérieur nous a vivement affligés. Ses talents, son zèle, son dévouement racontés par vous feront, nous n’en doutons pas, une heureuse impression sur les lecteurs des annales de la Propagation de la foi ; aussi nous sommes-nous empressés d’envoyer au rédacteur de cette publication les détails que vous avez bien voulu nous transmettre204.’

Le bilan du supériorat qui s’achevait était plutôt favorable. Les relations entre les directeurs semblaient momentanément pacifiées. Les bâtiments avaient été agrandis et le confort amélioré. À Penang, le Collège général était reconnu et considéré comme une institution respectable. Certes, il continuait de soulever des polémiques au sein de la Société des Missions Étrangères. La pédagogie qu’on y menait, les dépenses qu’il occasionnait, le comportement des directeurs, de leurs élèves, prêtaient régulièrement le flanc aux critiques205. Mais il avait aussi, à Paris et à Rome, d’éloquents avocats qui rappelaient, à chaque nouvelle crise, combien il était utile aux Missions Étrangères :

‘Nous avons reçu votre lettre commune du 20 Janvier dernier contenant l’état du personnel du Collège de Pinang. Nous voyons avec plaisir que vous avez eu l’année dernière jusqu’à 137 élèves. Puissent-ils devenir un jour de bons prêtres capables d’établir solidement la foi chrétienne dans leurs pays. Jamais peut-être plus qu’aujourd’hui on n’a eu un si grand besoin d’un clergé indigène dans toutes nos missions, puisque presque partout on a une plus grande facilité pour prêcher l’évangile. De tout côtés on nous demande des ouvriers, et nous ne pouvons satisfaire qu’à une partie des demandes qui nous sont faites. Il faut évidemment chercher dans l’élément indigène le personnel que l’Europe ne pourra jamais fournir suffisamment206. ’

Enfin, l’arrivée d’élèves en provenance d’une dizaine de missions différentes, parlait en faveur du Collège : gagnant la confiance de nombreux vicaires apostoliques, il avait cessé d’être le Collège des chinois et méritait pleinement l’appellation de Collège général 207 .

Notes
74.

Selon les auteurs, on trouve, pour l’installation du Collège à Penang, les dates de 1807 et de 1808. En fait, Michel Lolivier est arrivé en décembre 1807 et n’a, par conséquent, vraiment commencé à travailler qu’à partir de 1808.

75.

M. Lolivier, 18 janvier 1808, op. cit.

76.

M. Lolivier, Idem. « M. Rectenwald, né vers 1755 à Hottweiler, en Lorraine, devait mériter en tous points cette appréciation qu’un prêtre indigène porta sur lui : Puissant en paroles et plus encore en actes, charitable envers les infirmes et les pauvres, dur à lui-même, aimé des bons, haï des méchants, persévérant dans la mortification et le travail. Sévère pour lui-même comme pour les autres, il conduit les chrétiens par les voies de la pénitence et de l’obéissance », A. Launay, op. cit.

77.

Goa, Padroado et schisme de Goa. À la fin du Moyen-Âge, il y avait peut-être des chrétiens orientaux à Goa (syriens orientaux ou Chaldéens, chrétiens de S.-Thomas ou immigrants en provenance de d’Irak ou d’Iran). À l’arrivée des Portugais, il n’y avait pas de chrétiens à Goa. L’histoire chrétienne de Goa commence en 1510 avec la prise de la ville par A. de Albuquerque dont l’aumônier était un dominicain. Les mariages interraciaux furent favorisés ce qui amena l’existence d’une minorité d’Indo-Portugais appelés « misticos ». C’est de Goa que furent lancées les missions dans le reste de l’Inde. En 1534, Paul III érige Goa en évêché ; le premier évêque fut un franciscain espagnol. Son territoire s’étendait de la côte orientale de l’Afrique à la Chine… Après la mort de celui-ci, Goa fut érigée en siège archiépiscopal et métropolitain. Ses premiers suffragants furent Cochin et Malacca. La christianisation s’intensifie autour de 1555 ; on a commencé à détruire les temples vers 1540. Les trois séjours de S. François Xavier entre 1542 et 1552 eurent une grande influence. Les jésuites sont chargés de la province méridionale (moins christianisée) et les franciscains de la septentrionale. L’arrivée des flottes hollandaises en Asie entraîna le début de la décadence commerciale et politique de Goa au début du XVIIe siècle. En 1672, le Saint-Siège et la couronne du Portugal tombèrent d’accord pour nommer le cistercien Brandâo archevêque de Goa. Le conflit avec la Propagande date de cette période. Les vicaires apostoliques, parfois hostiles aux jésuites, et dotés d’amples facultés, sont mal reçus. L’un des principaux problèmes fut celui des relations avec les religieux ayant charge d’âmes alors que se développait un clergé diocésain local. Les religieux devaient-ils « posséder » des paroisses ou bien se consacrer à la mission ? Ils furent chassés petit à petit au profit du clergé diocésain, jugé plus loyal envers le roi et pour empêcher l’infiltration de missionnaires de la Propagande. Vers 1770, l’indianisation du clergé diocésain se poursuit, mais jusqu’au début du XIXe siècle, les archevêques luttèrent contre les abus d’un clergé souvent ignorant. Des visites pastorales tentèrent d’améliorer la situation. De plus le sentiment national grandissait même dans le clergé local, qui participa à des tentatives de soulèvement contre le gouvernement portugais (1787). En 1835, à la suite de la révolution portugaise de 1834, les ordres religieux furent supprimés à Goa (comme au Portugal) Les religieux furent sécularisés ou dispersés. Leurs propriétés souvent tombèrent en ruine. Le principal conflit porta sur la question du Patronage portugais sur l’Inde. La Propagande chercha à le réduire dès le XVIIe siècle, suscitant l’opposition de certains archevêques. Cet épisode est connu sous le nom de schisme de Goa. Ce conflit entre catholiques entraîna notamment la construction d’églises additionnelles, soit pour les partisans de la Propagande, soit pour ceux du Patronnage. En dépit de plusieurs brefs pontificaux, de Grégoire XVI (Bulle Multa Praeclare, 1838) et de Pie IX, les archevêques de Goa partisans du Patronnage tenaient tête au Saint-Siège en ordonnant des prêtres diocésains. En 1857, un concordat est signé avec le gouvernement portugais qui confirmait le Patronnage tout en maintenant les décisions des précédents brefs mais obligeait le Portugal à financer les diocèses d’Inde. Après l’échec de ce premier concordat, un second fut signé en 1886 à Rome. Le territoire de l’archevêché de Goa est redéfini et devient un patriarcat des Indes Orientales. Léon XIII confirma l’existence de cette nouvelle province ecclésiastique par un bref du 7 juin 1887. Une seule contestation, sans lourdes conséquences, se manifesta en 1889. Un prêtre hostile à la Propagande créa une éphémère « Église catholique indépendante de Ceylan, Goa et l’Inde » et parvint à se faire ordonner évêque par des prélats syriens jacobites. En 1911, après l’avènement de la République au Portugal, malgré la séparation de l’Église et de l’État, les droits du Patronage furent maintenus.

78.

M. Lolivier, op. cit.

79.

Feuilles de palmiers.

80.

Vol. 339, p. 5, M. Lolivier à M. Chaumont, chez M. Thomas Coutts, London, Pinang, 30 août 1808.

81.

M. Lolivier, op. cit.

82.

Vol. 301, p. 418, M. Letondal (Pinang) à M. Chaumont (Londres), 10 décembre 1809.

83.

M. Letondal, Idem.

84.

« Pulau-Tikus, ou ‘île des rats’ était une misérable bourgade : M. Brugière, de passage à Penang en 1827, notait qu’elle méritait bien son nom, car on y rencontrait quantité de rongeurs et la pauvreté des habitants était extrême », in P. Destombes, op. cit., p. 94.

85.

A. Launay, op. cit.

86.

M. Letondal, op. cit.

87.

Mgr Garnault à M. Letondal, Bangkok, 9 mai 1811.

88.

« En étudiant l’organisation du Collège, M. Letondal avait immédiatement compris et il faut l’en féliciter, que la maison devait être indépendante du Vicaire apostolique de Siam, qui y apporterait ses idées personnelles à chaque changement administratif ; il exprima fortement l’opinion qu’elle relevât du séminaire des Missions Étrangères, centre de la Société, ou du Cardinal préfet de la Propagande, chef de toutes les missions. Sa première pensée fut réalisée plus tard. Le règlement de la Société des Missions Étrangères reconnut le collège de Pinang comme Collège général : il le mit au nombre des établissements communs et le plaça sous l’autorité du séminaire des Missions Étrangères », in A. Launay, op. cit.

89.

Esprit Florens, 1762-1834.

90.

Jean Labartette, 1744-1823.

91.

A. Launay, op. cit. « Mais c’était bien le Collège Général ressuscité », commente sobrement le P. Destombes (op. cit., p. 95).

92.

Dans une autre lettre, il écrivait : « Il (le Collège) serait comme le corps de réserve contre les guerres et les persécutions, et la pépinière où l’on prendrait pour replanter après les orages. On n’y enverrait que des sujets déjà éprouvés dans les collèges existants dans les missions et qui donneraient le plus d’espoir, par leurs talents et capacités d’acquérir des connaissances ecclésiastiques plus vastes et plus solides, pour donner ensuite les guides et les docteurs de ceux que l’on continuerait à former dans les susdits collèges », M. Letondal, Mémoire adressé aux directeurs de Paris, vol. 339, 1808.

93.

« Nu je suis sorti du sein maternel, nu, j’y retournerai. Yahvé avait donné, Yahvé a repris, que le nom du Seigneur soit béni ! », Job, 1-20, Bible de Jérusalem, Cerf, 1979.

94.

In A. Launay, op. cit.

95.

BG 1401, Mgr Florens à M. Letondal, 20 juillet 1813.

96.

Vol. 339, M. Lolivier, 1813.

97.

Idem.

98.

Mathurin Pécot, 1786-1823.

99.

Vol. 887, M. Pecot, Bangkok, 2 juillet 1822.

100.

Vol. 887, Mgr Florens à M. Langlois, Bangkok, 30 novembre 1825.

101.

Vol. 887, Mgr Joseph Florens, 17 juin 1820. Paul Antoine, jésuite né en 1678, mort en 1743, enseigna la théologie scolastique à l’Université de Pont-à-Mousson. Sa Theologia moralis, publiée en 1743, en usage dans de nombreux séminaires, était réputée très sûre, sévère, hostile aux casuistes et probabilioriste.

102.

Vol 892, Mgr Florens à M. Barondel, Pinang, 18 juin 1818. L’île Maurice appartint à la France entre 1715 et 1810, sous le nom d’Isle de France.

103.

« Consumé en peu de temps », in Destombes, op. cit.

104.

« Le Père Pupier, directeur au collège général, allait-il chaque jour exercer outre le Saint Ministère en ville ? (on trouve dans les registres de la paroisse de la ville une foule d’actes administratifs signés par lui). Raphaël Jérémiah a répondu affirmativement : ce qui concorde avec ce dit M. Pupier lui-même dans les Annales, en parlant du surcroît de besogne que lui causa la mort de M. Pécot », in Quelques éclaircissements sur les premiers temps du Collège général ,E. Wallays, G. Guéneau, 12 septembre 1883.

105.

Deux ans plus tôt, Thomas Stamford Raffles, intervenant dans une querelle de succession, avait soutiré un accord au Sultan de Rhio-Johor, Hussein Mohamed Shah ; il ouvrit le premier comptoir britannique à Singapour, bourgade située sur une île qu’il avait occupée le 28 janvier 1819. Ce site permettait le contrôle du détroit de Malacca. L’île n’était alors peuplée que d’une centaine de Malais et de Chinois. Tout y était à bâtir. À la demande de Mgr Florens, Laurent Imbert, en route pour la Chine, se rendit à Singapour, afin d’effectuer une première reconnaissance. Il ne rencontra que quelques catholiques chinois misérables, employés comme portefaix sur le port. Quelques mois plus tard, Mathurin Pécot y passa également, constatant déjà la présence d’une église et d’une école protestante. Les Anglais ayant judicieusement déclaré Singapour « port libre », ce qui favorisait le commerce, l’immigration chinoise fut massive. Dès juin 1819, quatre mois à peine après sa fondation, la population de l’île avait littéralement décuplé : on comptait 5 000 habitants. Ils étaient 10 000 en 1820, majoritairement Chinois. En 1824, le traité de Londres régla la rivalité entre Britanniques et Hollandais dans cette région. La Hollande abandonnait Malacca aux Anglais et renonçait à toute la péninsule malaise. L’Angleterre renonçait à ses droits sur Sumatra, en particulier le comptoir de Bencoolen au profit de la Hollande, à titre de compensation. Peu après, l’Angleterre créait les Straits Settlements. Après le traité de Londres, Penang devint, en 1826, la capitale des Straits Settlements, état comprenant la Province Welleslay, Malacca et Singapour. Elle ne le resta que six ans : déçus par cette île, certes prospère, mais où l’on ne trouvait pas les essences de bois servant à réparer leurs navires, les Britanniques transférèrent le gouvernement des Straits Settlements à Singapour. En 1825, paraissait le Singapore Chronicle, 1er journal en anglais, tandis que des forçats venus d’Inde étaient employés à la construction de bâtiments officiels à Singapour (St. Andrew’s Cathedral, Government House) de routes, d’écoles. Notons enfin, que le premier missionnaire des MEP résidant à Singapour, Pierre Clémenceau (1806-1864), y arriva en 1832. Voir Jacques Dupuis, Singapour et la Malaysia, Paris, PUF, 1972, p. 36-44.

106.

Vol. 887, M. Pecot, 17 avril 1822.

107.

In A. Launay, op. cit.

108.

« Lettre des élèves Chinois du séminaire de Pulo Pinang aux prêtres et aux élèves du séminaire de Lyon. J.M.J. À nos respectables pères et à nos frères du séminaire de Lyon, salut affectueux. Quoique vos traits nous soient inconnus, nous osons vous adresser cette lettre, à vous nos pères et nos frères, car si nos corps sont éloignés, nos cœurs se réunissent tous en Jésus-Christ dont nous sommes les membres », Annales de la propagation de la foi, lettre du P. Magdinier, contenant la lettre latine de Paul Cao, élève au séminaire de Pinang, Lyon, 1822, t. I, p. 25-28.

109.

« Si les groupes dominants sont hostiles, elle [la mission] se tourne vers les catégories sociales marginalisées, esclaves, groupes minoritaires ou ethnies dominées. », in Cl. Prudhomme, Missions chrétiennes et colonisation, XVI-XX e siècle, Cerf, 2004, p. 74.

110.

Jean Barbe, 1801-1861.

111.

Jacques Chastan, 1803-1839.

112.

Pie XI les béatifia en 1925 et Jean-Paul II les canonisa en mai 1984.

113.

Jean-Baptiste Boucho, 1797-1871.

114.

L’East India Company abolit l’esclavage dans les régions relevant de sa juridiction en 1823. Il est interdit définitivement dans la totalité des colonies britanniques en 1834.

115.

Jean Bérard, 1802-1822 et Jean Vallon, 1802-1832.

116.

Vol. 449, Mgr de Maxula à M. Barondel, 7 septembre 1821.

117.

DB 460-5, M. Langlois à M. Albrand, 7 février 1833.

118.

J.-B. Boucho, AME, vol. 339, 1830.

119.

DB 460 – 5, M. Dubois à M. Lolivier, Edimbourg, 15 janvier 1832.

120.

« Désirant conserver autant que possible la mémoire des événements qui ont trait à l’établissement et aux premiers temps du Collège général de la Société des Missions Étrangères à Pulo Pinang, et assurés par de nouveaux témoignages et détails donnés principalement par le fondateur même, Monsieur Letondal, dans un manuscrit que possède ledit Collège aujourd’hui, nous nous sommes rendus, le Père Wallays et moi à la maison du Sieur Raphaël Jérémiah, bon et estimable vieillard octogénaire, l’un des rares témoins encore subsistant de ces faits dont il vient d’être parlé. Nous lui avons demandé quelques renseignements, en confirmation ou corroboration des écrits laissés par M. Letondal. Voici les quelques questions pour lesquelles nous demandâmes soit une solution positive, soit du moins un éclaircissement », CG063, Quelques éclaircissements sur les premiers temps du Collège général ,E. Wallays, G. Guéneau, 12 septembre 1883.

121.

« Monsieur et très cher confrère. Il y a longtemps que nous n’avons reçu de lettre de vous. Nous avons appris par les lettres de nos autres confrères que vos infirmités vont toujours s’accroissant et que vous vous affaiblissez de jour en jour. Cela nous afflige sensiblement mais ne nous étonne pas. C’est l’effet naturel de l’âge, du climat que vous habitez… Nous désirons pour l’utilité de l’établissement que vous dirigez, que Dieu vous conserve encore longtemps et pour cela que vous diminuiez votre travail à proportion de vos forces physiques, vous déchargeant sur M. Albrand d’une partie de vos occupations et surtout de l’administration du temporel du Collège », DB 460 – 5, MM. Barondel, Langlois, Dubois à M. Lolivier, Paris, 10 mars 1833.

122.

« M. Albrand est un de ceux qui vont partir cette année qui nous a paru le plus apte pour être occupé à ce poste. C’est un jeune prêtre qui a du talent, de la science, une piété solide, sans affectation et sans minutie ; actif mais sans enthousiasme, d’un bon caractère. Après avoir été ordonné prêtre, son évêque le retint pendant plus de six mois au petit séminaire pour confesser les élèves de cette maison. Il est du diocèse de Gap mais il n’a pas autant l’accent du midi que M. Chastan. » DB 460-5, M. Langlois à M. Lolivier, Paris, 3 novembre 1830.

123.

DB 460 – 5, Paris, M. Langlois à M. Albrand, 7 février 1833. 

124.

Charles Langlois, 1767-1851.

125.

Vol. 339, F. Albrand, 11 septembre 1835.

126.

M. Lolivier, Mémoire adressé aux Directeurs de Paris, 1808, op. cit.

127.

Le successeur de Gia Long, mort en 1820, empereur qui protégeait les chrétiens, se nommait Minh Mang (1820-1840) [ses successeurs furent Thieû Tri (1841-1847) puis Tu Duc (1847-1883)]. Depuis 1830, les appétits commerciaux des Européens ne cessaient de grandir. La Chine des Mandchous, jusqu’ici protectionniste (le commerce étranger n’était toléré qu’à Canton), subissait de fortes pressions des Britanniques et des Français qui voulaient lui arracher la liberté de trafic et de commerce. Les Vietnamiens, voisins et vassaux de la Chine, se sentirent menacés. De plus, à la cour de Huê, le corps des lettrés, de plus en plus influent, contestait la pensée chrétienne, tandis que les missionnaires avaient tendance à durcir leur doctrine ; les périodes de persécutions reflétaient donc la dégradation des relations entre les missionnaires et la société civile vietnamienne. Mais les missionnaires en attribuaient la responsabilité aux seuls empereurs. Toutes les correspondances mentionnent, se citant d’ailleurs les unes les autres, l’édit impérial qui, sous le règne de Minh Mang, en 1833, dénonça le christianisme comme un « assemblage de faussetés. »

128.

Cf. Ch. Fourniau, Vietnam, domination coloniale et résistance nationale (1858-1914), Paris, Les Indes Savantes, 2002.

129.

Paul Guéneau, Des premiers élèves de la mission de Cochinchine au Collège général à Pulo-Pinang, 7 mars 1914, AME, DB 460-6.

130.

Jean-Louis Taberd, 1794-1840.

131.

Paul Guéneau, op. cit., écrivait en 1914, à propos de l’ordre d’arrivée des élèves réfugiés : « Certains détails, publiés aux volumes VII et VIII des Annales de l’OPF, confrontés avec les listes conservées au Collège, soulèvent aujourd’hui certains problèmes, qu’il n’est pas possible de résoudre à cause de la perte ou de la destruction des documents utiles. » Voir, « Recherches et notes du P. Wallays au sujet de la provenance des élèves ».

132.

Étienne Cuenot, 1802-1861.

133.

Cf. « Jean-Claude Miche (1805-1873), un évêque des Missions Étrangères en Indochine, aux prémices de la colonisation française », in Annexes, Suppléments 2-1.

134.

Vol. 892, M. Albrand à M. Legrégeois, 5 septembre 1834.

135.

Étienne Cuenot, AME, vol. 339, 2 janvier 1836.

136.

Vol. 892, M. Albrand à M. Legrégeois, 5 septembre 1834, op. cit.

137.

DB 460 – 5, M. Langlois à M. Albrand, Paris, 28 octobre 1834. 

138.

Jean Courvezy, 1792-1857.

139.

DB 460 – 5, M. Langlois à M. Albrand, Paris, 13 avril 1835.

140.

Vol. 339, M. Tisserand à M. Albrand, 9 février 1840.

141.

Charles Renou, 1812-1863.

142.

Jacques Pérocheau, 1787-1861 (évêque de Maxula).

143.

Cité par M. Régereau dans une lettre du 9 février 1840 à M. Albrand, vol. 339, p. 490, op. cit.

144.

François Régereau, 1797-1842.

145.

Antoine Bohet, 1801-1847.

146.

BG 1401, O-Z (0351), lettre de M. Régereau au Vicaire apostolique de Siam, Penang, 23 février 1836. A. Bohet était responsable de la communauté chinoise de l’île. En 1835, il avait bâti une église, à la place de la petite chapelle de l’Immaculée Conception construite par les réfugiés du Siam, aux débuts du Collège. Il mourut à Pulo Tikus.

147.

François Albrand, qui devint par la suite supérieur des Missions Étrangères, avait laissé un fort souvenir au Collège, comme en témoigne cette décision du Conseil des directeurs : « Lecture d’une lettre de Paris, datée du 8 avril, annonçant la mort de M. Albrand, supérieur des Missions Étrangères. Une messe solennelle est décidée […] », Procès-verbaux, 9 mai 1867.

148.

Vol. 339, n° 479, M. Tisserand à M. Albrand, 14 décembre 1839.

149.

Jean Gauthier, 1810-1877 et Dominique Le febvre, 1810-1865.

150.

Vol. 339, n° 479, M. Tisserand à M. Albrand, 14 décembre 1839.

151.

BG 1401, M. Régereau à Mgr Taberd, Penang, 8 novembre 1839.

152.

Vol. 527, Sutchuen, Mgr Pérocheau à Messieurs les Directeurs du séminaire de Pinang, 4 septembre 1844.

153.

Vol. 901, p. 41, M. Bohet à M. Albrand, Pulo Tikus, 27 septembre 1842. 

154.

DB 460 – 5, M. Langlois à M. Tisserand Paris, 10 avril 1843. 

155.

Vol. 339, n° 534, M. Thivet, 19 juillet 1848.

156.

Voir, par exemple, les lettres de M. Albrand à M. Legrégeois, 27 janvier 1839, vol. 893, de M. Tisserand le 17 octobre 1844, vol. 339 : « Vous vous êtes rendu coupable, Monsieur, d’un grave défaut de confiance envers vos confrères, j’en écrirai à MM. les Directeurs de Paris et leur ferai connaître manifestement par là votre prédilection pour les élèves chinois », & celle de Mgr Boucho à M. Albrand, 1er juin 1844, vol. 901.

157.

DB 460 – 5, MM. les directeurs de Paris à MM. les directeurs du Collège général, Paris, 16 décembre 1844.

158.

« Les règles de notre société veulent qu’il y ait un collège général où toutes les missions du corps auront droit d’envoyer des écoliers. L’esprit de ces règles est qu’on ne diminuera pas la portion d’argent des missions qui y auront envoyé, puisque c’est un bienfait que la société offre à toutes nos missions. Les missions qui ne veulent pas y envoyer des écoliers refusent volontairement leur part du bienfait et ne peuvent pas exiger que les autres perdent leur portion du bienfait en exigeant qu’on fasse payer la pension de leurs écoliers par une diminution de leurs allocations, en exigeant par conséquent que le bienfait général soit anéanti. Les grands évêques fondateurs de notre société avaient tant à cœur un collège général, en sentaient si vivement la nécessité pour quelques missions et l’utilité pour toutes les autres, que c’est par cette œuvre qu’ils ont commencé leurs travaux dans les missions », vol. 527, Sutchuen, Mgr de Maxula (Pérocheau) à Messieurs les Directeurs du séminaire de Pinang, 4 septembre 1844.

159.

Vol. 171, Lettres communes, p. 176, février 1846.

160.

La Chine ouvrait ses principaux ports au commerce anglais et cédait Hong Kong à la couronne britannique.

161.

DB 460-5, M. Langlois à M. Tisserand, Paris, 22 juillet 1845.

162.

Le précédent datait de 1700. Sa révision était en cours depuis 1836. Mais il fallait faire parvenir les projets d’amendements à tous les missionnaires et obtenir leur approbation avant de changer quoique ce soit. Cela prit dix ans. Le premier paragraphe porte sur la formation du clergé indigène : il n’a pas varié, de 1700 à Vatican II.

163.

Vol. 171, Lettres communes, p. 186, 22 avril 1847.

164.

Addition au chapitre IX du Règlement général de 1847.

165.

« Nous ne vous dissimulâmes point dans notre dernière circulaire, combien nous étions effrayés des dépenses du Collège de Pinang… », vol. 171, Lettres communes, p. 186, 22 avril 1847.

166.

Addition au chapitre IX du règlement général. Art. 6° : Chacun des vicaires apostoliques pourra y envoyer 12 élèves qui seront à la charge de la mense commune. Les vicaires apostoliques qui y enverront un plus grand nombre de sujets supporteront les frais de voyage, nourriture et entretien de ceux qui seront envoyés en sus du nombre 12. En cas de persécution générale, ce nombre pourra être doublé pour les missions persécutées. », V. 171, Lettres communes, 22 avril 1847.

167.

« […] Ayant reçu des accusations sur la conduite d’un élève, M. Tisserand le fit venir et il avoua que le mois précédent il avait pendant trois fois et à des jours différents, essayé de porter indécemment la main sur un jeune cochinchinois, que la semaine précédente, en se baignant, il les avait portées deux fois sur un second et faisait ensuite les mêmes choses sur un troisième lorsque les cris de l’élève lui firent lâcher prise. Quand nous apprîmes que le lendemain, M. le supérieur avait fustigé le coupable, singulier moyen de mâter les révoltes de la chair, et l’avait menacé d’expulsion en cas de récidive, c'est-à-dire forcé le conseil à ne pouvoir rien faire contre l’élève sans scandale, nous fûmes surpris qu’il eut agi dans une matière si grave contre le texte du règlement », vol. 339, M. Duclos aux directeurs de Paris, juillet 1844.

168.

Procès-verbaux, 3 mai 1847.

169.

Vol. 901, p ; 1239, M. Boucho à M. Albrand, 25 juillet 1847.

170.

« Le collège ne va pas mal pour le moment ; cet esprit de rébellion qui s’était manifesté l’an passé parait apaisé », vol. 339, M. Duclos aux Directeurs du séminaire de Paris, 9 novembre 1844.

171.

Vol. 901, p. 1239, M. Boucho à M. Albrand, 25 juillet 1847.

172.

DB 460 – 5, le Conseil de Paris à M. Thivet, Paris, 24 décembre 1847.

173.

DB 460 – 5, les directeurs de Paris à MM. les directeurs du Collège de Pinang, Paris, 23 novembre 1847.

174.

DB 460 – 5, DB 460 – 5, les directeurs de Paris à MM. les directeurs du Collège de Pinang, Paris, 14 décembre 1847 

175.

DB 460 – 5, le Conseil de Paris à M. Tisserand, Paris, 24 décembre 1847. 

176.

« M. Tisserand se voit retirer la fonction de directeur par le Conseil de Paris et quitte le Collège le 30 janvier. Il est remplacé en mars par M. Languereau, nommé secrétaire du Conseil », Procès-verbaux, 30 janvier 1849.

177.

« Arrivée de M. Laigre qui enseignera la logique, donnera des leçons de plain-chant », Procès-verbaux, 25 février 1848.

178.

DB 460 – 5, M. Chamaison aux Directeurs du Collège de Pinang, Paris le 18 juin 1848. (Jean Chamaison, 1813-1880).

179.

« Nous avons recommandé à nos chers confrères de renvoyer à leurs vicaires apostoliques ceux de leurs élèves qui n’offriraient pas les garanties suffisantes d’une véritable vocation à l’état ecclésiastique sous le triple rapport de la piété, des talents ou de la santé […] L’accomplissement de cette importante mesure nous a révélé un fait qui serait un abus intolérable […] c’est que le choix des jeunes gens envoyés à Penang n’a pas été fait avec la maturité convenable », vol. 171, Lettres communes, 22 juin 1849.

180.

« M. Tisserand nous dit dans une lettre que nous avons reçue ces jours derniers qu’au commencement de 1847 il a fait l’acquisition d’un terrain contigu à Mariophile moyennant 400 piastres pour y défricher la partie la plus inculte et y planter des muscadiers […] aujourd’hui, ce terrain vaudrait de 1000 à 1200 piastres », DB 460 – 5, M. Legrégeois aux directeurs du Collège de Pinang, Paris, 17 avril 1849.

181.

« M. le Sup. a proposé de faire mettre en culture à ses frais la nouvelle terre de Mariophile actuellement en friche », Procès-verbaux, 9 août 1847.

182.

Vol. 340, M. Thivet à M. Libois, 2 décembre 1848 : « De plus, on a communiqué au Conseil une lettre dans laquelle Messieurs les Directeurs du séminaire de Paris témoignent que la révolution française leur inspire des craintes assez fondées pour le revenu ordinaire des missions, qu’il est douteux qu’ils puissent faire une allocation au Collège pour l’année 1850 et qu’il paraît certain qu’au moins elle sera très faible », Procès-verbaux, 26 juin 1848. 

183.

Procès-verbaux, 17 juillet 1848.

184.

« M. le Sup. ayant communiqué à chacun de MM. les directeurs en particulier le nouveau règlement des élèves rédigé sur l’ancien en y ajoutant les décisions prises en Conseil dans les séances précédentes a prié le Conseil de faire les observations qu’il jugerait convenables avant de l’adopter », Procès-verbaux, 10 juillet 1848. Ce règlement, rédigé en latin, resta en vigueur jusqu’en 1934.

185.

Lettres communes, 22 juin 1849.

186.

« Nous avons fait le choix pour le séminaire général d’un bien bon sujet sous tous les rapports. Je ne dirai point ici tous les éloges qu’en ont fait ses maîtres surtout Mgr Doney devant qui il a soutenu à la fin de son cour une thèse publique sur toute la théologie dogmatique […] J’ai obtenu de mes collègues qu’il s’applique à l’imprimerie ; il le fait avec beaucoup d’assiduité. Il emportera la presse avec tous ses accessoires et 50 000 lettres. Il me semble que la place de cette presse est au séminaire général. M. Delpech est maître de plain-chant, il connaît aussi la musique et sait un peu toucher l’orgue », DB 460 – 5, M. Chamaison à Messieurs Martin, Jourdain, Laigre, Languereau, Paris, 22 juillet 1851.

187.

« Le Conseil note que M. Cazes est arrivé à Pinang ce 29 août […] », Procès-verbaux, 11 septembre 1865. « M. Wallays est directeur au séminaire général de Pinang […] », Procès-verbaux, 12 novembre 1866.

188.

« Arrivée de MM. Chibaudel et Vigroux en qualité de collaborateur et directeur au séminaire général de Pinang », Procès-verbaux, 6 avril 1868.

189.

Pour la deuxième fois :« M. Martin part en Birmanie pour raison de santé ; M. Laigre remplit les fonctions de supérieur par intérim. », Procès-verbaux, 10 octobre 1859.

190.

Pierre Cazenave, 1834-1912.

191.

« Mort de M. Greiner, enterré dans la chapelle du Collège : ce confrère a été inhumé le 16 juillet dans la chapelle du Collège devant le Maître autel, à gauche de Mgr Pellerin. 26 août : Mort de M. Boyet enterré dans la chapelle à droite de Mgr Pellerin », Procès-verbaux, 4 et 26 août 1867.

192.

Voir les Lettres communes des 15 avril 1852, 23 juillet 1853, 12 août 1854, 25 juin 1856, 5 juin 1861, 25 juillet 1867...

193.

Victor Martin, cité dans une lettre commune du 15 avril 1852.

194.

Tu Duc, empereur d’Annam depuis 1845, ordonne la mise à mort des prêtres chrétiens en 1851. Deux ans plus tard, Philippe Minh, prêtre, ancien élève du Collège, est exécuté à Cai-Mong. Il est l’un des martyrs du Collège.

195.

On connaît de lui une lettre en latin, adressée à ses condisciples du Collège, après son départ, en 1859.

196.

DB 460 – 5, le Conseil de Paris à Messieurs les Directeurs du Collège de Pinang, Paris, 19 avril 1851 (reçue à Pinang en juin 1851).

197.

Paul Perny, 1818-1907. Auteur d’un dictionnaire français-latin-chinois.

198.

Procès-verbaux, 16 avril 1855.

199.

«[…] Je ne vois rien de plus à vous dire sur les affaires du Collège. Seulement je crois qu’il serait prudent de ne pas dire à Paris que les revenus des terres du Collège suffiront bientôt à ses dépenses ; un confrère qui l’a entendu dire à un directeur et qui a ensuite vu de ses propres yeux la réalité me disait dernièrement qu’on ferait bien mieux de se taire. Vous sentez en effet que cela n’inspire pas beaucoup de confiance », vol. 314, n° 1442, Hong-Kong, M. Libois à M. Legrégeois, 25 septembre 1854.

200.

Lettre commune, 28 juin 1855.

201.

« On a fait lecture au Conseil d’une lettre de Paris, permettant la construction d’une nouvelle chapelle. On a arrêté qu’elle serait placée dans le jardin des noix de muscade du côté de la chapelle actuelle », Procès-verbaux, 16 août 1852.

202.

Procès-verbaux, 28 juillet 1855.

203.

« Notre séminaire a bien changé de face depuis l’an dernier. Nos bâtiments se sont allongés et élevés d’un étage. Notre séminaire n’est pas encore joli, mais il est présentable maintenant, si vous exceptez la chapelle, qui menace de tomber en ruine », vol. 340, n° 146, M. Laigre à M. Libois, 2 septembre 1856.

204.

DB 460 – 5, le Conseil de Paris aux Directeurs du Collège de Pulo-Pinang, Paris, le 17 septembre 1868.

205.

Voir, par exemple, la lettre du Conseil de Paris à Messieurs les directeurs du séminaire Pinang, Paris, le 15 novembre 1867, DB 460 – 5 : « Maintenant, Messieurs et chers confrères, vous voudrez bien nous permettre de vous signaler ici les différentes plaintes que, depuis plusieurs années nous avons pu entendre formuler contre notre collège général […] Cette communication, si elle ne sert pas à faire corriger des abus existants, aidera à prévenir des abus possibles et à conserver à notre Collège général les sympathies de nos missions. »

206.

DB 460 – 5, M. Ronseille à Messieurs les directeurs du séminaire de Paris, Pinang, le 13 mai 1867.

207.

« Le séminaire de Pinang, dont le personnel se compose actuellement d’un supérieur et de six directeurs, compte cette année 124 élèves répartis en dix classes […] Les missions qui nous envoient surtout des étudiants sont les missions du Yu Nan, de Canton, du Tong-king méridional, des trois Cochinchines, du Siam, de la Malaisie et de Birmanie », Lettres Communes, 25 juillet 1868.