I-4. Vers le séminaire diocésain de Penang (1946-1968)

a. Une institution tricentenaire, fière de son passé, attachée à ses traditions

Au lendemain de la guerre, en Malaisie, la décolonisation est en germe. La réorganisation institutionnelle de la Malaisie est mise en œuvre par les autorités coloniales, bien conscientes que le partage du territoire ne correspondait pas aux aspirations des populations308. Dans un climat de contestation des autorités coloniales, le catholicisme n’hésite pas à s’afficher. En 1950, un journal catholique paraît en Malaisie, le Malayan catholic news. L’année suivante, le premier Congrès diocésain des Légions de Marie a lieu à Penang. En 1952, les fêtes du 400e anniversaire de la mort de Saint François Xavier sont célébrées avec faste, et bénéficient du concours des autorités civiles. Une exposition sur la vie catholique en Malaisie est organisée à Penang en mai 1957. Au Collège général, les études ont repris, au rythme et selon les règles strictes d’avant la guerre309. L’usage du latin, par exemple, est toujours de rigueur. Il n’est pas question de tolérer le moindre laisser-aller. La tradition reste la principale inspiratrice des méthodes pédagogiques et des usages en vigueur au Collège, où il semble qu’on ne vive pas dans les réalités présentes, mais dans une temporalité ecclésiale, hagiographique. En 1953, un indult de Rome autorise la célébration d’une grand-messe et de Vêpres solennelles le 3 juillet, à l’occasion du centenaire du Bienheureux Philippe Minh, ancien élève du Collège. En février 1958, le Conseil décide de célébrer avec solennité le centenaire des apparitions de la Vierge à Lourdes : « À l’occasion du centenaire des apparitions de la Sainte Vierge à Lourdes une grand-messe solennelle sera chantée au Collège le 11 février et pendant toute l’année il y aura bénédiction du St Sacrement tous les samedis. » La liturgie est romaine, on chante en grégorien. Le Collège, qui a obtenu de Paris, le 2 mai 1947, la permission de gérer ses propres biens, vit en autarcie310. Régulièrement, les missionnaires sont mis en garde contre le risque d’indiscrétions, qui pourraient ternir la réputation du Collège :

‘19 février 1954. Le Conseil prend note des instructions communiquées par Mgr Lemaire dans une circulaire aux supérieurs régionaux. Mgr le supérieur demande qu’il n’y ait pas de négligence de la part des missionnaires à écrire aux membres de leur famille et à leurs bienfaiteurs, que les missionnaires soient prudents dans leur correspondance privée qui parfois devient publique à leur insu et qu’en particulier nul ne se mêle de publier des articles critiquant le gouvernement d’un pays de mission. ’

Quelques travaux de modernisation sont quand même entrepris, afin d’améliorer la vie quotidienne : eau courante et salle de bain pour les Pères, WC, acquisition d’une machine à laver, d’une automobile neuve. On ose même envisager d’introduire des sœurs au Collège, pour s’occuper du linge et de la cuisine. En revanche, le choix des ouvrages utilisés en classe n’est pas modifié par cette vague d’innovations. En dépit de cet isolement, de son repli sur elle-même, la communauté ne pouvait se soustraire complètement aux bouleversements en cours à l’extérieur. Elle fut, tout d’abord, directement touchée par les conséquences de la victoire des communistes en Chine, en 1949. Déjà, pendant la guerre sino-japonaise, les élèves venant de Chine n’avaient pu regagner leurs missions d’origine. Après la victoire de Mao, les rumeurs de persécutions anti-chrétiennes se répandent311. Non seulement les séminaristes de Penang sont désormais devenus, par la force des choses, des exilés, mais les chrétiens fuient la Chine et demandent refuge aux autres missions. En 1950, des élèves d’un petit séminaire de Mandchourie, réfugiés à Formose, sont acceptés au Collège général, qui n’acceptait plus que des séminaristes déjà avancés dans leurs études, « à condition qu’aucune charge financière supplémentaire ne vienne peser sur le Collège. » Et que proposer aux séminaristes chinois dont les études sont pratiquement achevées, et qui ne peuvent plus rentrer chez eux pour y recevoir les ordres des mains de leur évêque ? Quelques-uns sont envoyés en stage comme maître d’école, en attendant l’ordination, mais ce n’est pas toujours possible. Pour la plupart d’entre eux, on ne sait que faire. Rome est consulté : « 4 avril. Le conseil prend note des démarches du P. Destombes, à Paris, faites auprès de Mgr Riberi à Rome, pour trouver une occupation à nos élèves Chinois terminant leurs études. » Mais les hautes autorités ecclésiastiques, tardent à se prononcer, semblent dans l’embarras : « 14 novembre 1952. Le P. Michotte, procureur à Rome, écrit que Mgr Constantini lui a dit quelques mots qui ne résolvent pas la question d’un ministère et d’un ordinaire à trouver pour nos élèves chinois. » Les choses se compliquent dans le cas d’élèves que l’on n’envisage pas d’appeler aux ordres, ou qui ne le souhaiteraient plus eux-mêmes, mais ne peuvent repartir : « 13 juillet. Le conseil considère les mesures à prendre pour faciliter la sortie du séminaire des élèves dont le retour dans leur mission est impraticable et qui se retireraient d’eux-mêmes ou devraient être éliminés. » Les directeurs ont, soulignons-le, le louable souci de l’avenir et des débouchés de leurs élèves. Depuis 1949, le sort des séminaristes chinois du Collège est évidemment fort préoccupant. En attendant les instructions de Rome, des démarches sont entreprises en leur faveur auprès des évêques locaux. Mais deux types de difficultés se présentent. Les unes sont d’ordre financier et administratif :

‘31 octobre 52. Le Conseil prend note d’une démarche du P. Sup auprès de Son Exc. Mgr Kuo, archevêque de Taipei. Mgr Kuo s’est déclaré prêt à admettre des séminaristes chinois dans son diocèse à condition qu’ils soient pris en charge par des prêtres d’une société ou d’une congrégation quelconque et qu’il y ait une aide financière. Le P. Sup. une fois de plus a écrit à Rome pour obtenir un document officiel sur cette question. Peut-être ainsi cette question si ennuyeuse de trouver un champ d’apostolat adapté pour nos séminaristes chinois pourra-t-elle enfin recevoir une solution convenable.’

Les autres portent sur des questions sociologiques et linguistiques :

‘Le Conseil prend connaissance d’une lettre reçue au collège venant du Sup. des Pères jésuites de l’île de la Réunion et de Madagascar ; en l’absence des évêques qu’il faudra interroger par la suite, le Père Sup. des Jésuites donne deux conditions préalables pour l’admission des prêtres ou futurs prêtres chinois de langue mandarine pour exercer le saint ministère auprès de la population chinoise de ces îles ; ces prêtres chinois devront connaître et parler le français, nécessaire pour les relations avec les classes dirigeantes et cultivées de là-bas ; connaître et parler au moins un dialecte de la Chine du Sud, à savoir le cantonnais pour Madagascar, le Hakka et peut-être d’autres dialectes pour l’Ile Maurice et la Réunion. Des évêques ont regretté d’avoir accepté dans le territoire soumis à leur juridiction des prêtres chinois de langue Mandarine parce que ces prêtres ne voulaient pas apprendre ces dialectes et étaient ainsi inutilisables pour le ministère sacré là-bas.’

La possibilité d’envoyer en Europe ou en Amérique des séminaristes chinois, qui y finiraient leurs études et y trouveraient peut-être ensuite un ministère, est également considérée. Ainsi, un élève de Penang, Laurentius Chen, originaire du diocèse d’Ipin, se rend-il au séminaire de Saint-Sulpice à Paris, à l’issue de sa troisième année d’études. Or, à ce sujet, Rome s’est nettement exprimé, dès avril 1952 :

‘Le P. Sup. donne lecture de deux lettres venant de son Éminence le Cardinal Ricordi Préfet de la S.C. de la Propagande et de l’Internonce Apostolique pour la Chine son Exc. Mgr Riberi, résidant actuellement à Hong Kong. Le Cardinal préfet écrivant à la date du 21 mai 1952 notifie au P. Sup. une décision de la S.C. de la Propagande : désormais tous les évêques d’Europe et d’Amérique ne pourront recevoir dans leurs diocèses aucun prêtre ni séminariste chinois sans en avoir obtenu auparavant la permission pour chaque cas. Son éminence demande aussi des renseignements sur chaque élève chinois du Collège312. ’

En dépit de ces obstacles, les directeurs ne désarment pas et multiplient démarches et sollicitations pour placer leurs séminaristes313. Notons enfin que, dans l’autre sens, le problème du placement des séminaristes venant de Chine se pose également :

‘Mgr Melckebebe, évêque de Ninghsia (Chine) récemment expulsé de Chine, voudrait s’arrêter au Collège le temps de se renseigner sur l’apostolat auprès des chinois en Malaisie et sur la possibilité éventuelle de faire venir en Malaisie des prêtres chinois. ’

Concernés par les progrès du communisme en Asie sous cet angle strictement ecclésiastique, les Pères le furent aussi du fait de l’évolution de la situation politique en Malaisie314. Mais les procès-verbaux restent muets sur les transformations politiques. En revanche, ils n’omettent rien de ce qui concerne la vie de l’Église. Et dans ce domaine, on reconnaît aussi les signes annonciateurs des mutations futures. Des évêques indigènes sont nommés par Rome. Ce sont d’anciens élèves du Collège général : « 1 er avril 55. Le conseil est heureux de prendre note de l’élévation à l’épiscopat de quatre des anciens élèves du Collège : Mgr Joseph, Mgr George, Mgr Francis Chan (premier évêque de Penang), Mgr Dominic Vendargon (évêque de Kuala Lumpur). » Comme on le voit, la mise en œuvre de Rerum Ecclesiae se poursuit méthodiquement, depuis la consécration en 1926 des six premiers évêques Chinois par Pie XI. Pie XII vient tout juste, quant à lui, de publier son encyclique Evangelii Praecones (1951) qui promeut la passation du relais entre clergé missionnaire et clergé indigène, dans le contexte de la décolonisation. L’un des premiers gestes officiels du nouvel ordinaire de Penang fut de conférer le sacerdoce à l’un de ses jeunes condisciples du Collège, Franciscus Chao, séminariste chinois originaire du Sichuan. La géographie ecclésiastique régionale est modifiée : « Le Conseil note aussi l’érection par Rome d’une province ecclésiastique en Malaisie comprenant 3 circonscriptions : archevêché de Singapour-Malacca, et deux nouveaux évêchés de Penang et Kuala-Lumpur, à la date du 12 mars 1955. » Le nouvel archidiocèse de Malacca (érigé en 1953, il devint, en 1955, une province ecclésiastique) comptait alors 90 écoles catholiques, 1 500 professeurs et 52 000 élèves. En 1954, un recensement donnait 105 000 catholiques, 44 prêtres locaux, 60 missionnaires des MEP, 6 jésuites, 6 rédemptoristes, 160 religieux et 500 religieuses. En érigeant, en 1955 (l’année de la conférence de Bandoeng) un archidiocèse de Malacca-Singapour, la S.C. de la Propagande marquait la continuité d’une politique entamée un siècle auparavant315. Rome donnait aussi l’impression d’entériner quasi immédiatement l’apparition du nouvel état Malais, auquel il ajustait le découpage des diocèses. La création de l’évêché de Kuala Lumpur se comprend, si l’on considère que cette ville occupait désormais le centre politique du nouvel état ; celle de l’évêché de Penang s’explique par le statut singulier de l’île, ancien Settlement, distincte des neuf autres états monarchiques et berceau de la mission de Malaisie. La présence du Collège général peut-être, y contribua ? Observons, toutefois, que le Saint-Siège ne s’est pas simplement coulé dans les nouvelles frontières issues de la décolonisation ; alors que Singapour constituait, du fait de sa forte majorité chinoise, une entité autonome au sein de la Fédération, la géographie ecclésiastique, elle, maintint son affiliation à Malacca. Tout en se mettant au service des populations, comme le recommandaient les instructions pontificales, Fidéi donum notamment316, l’Église ne saurait subordonner ses décisions aux intérêts nationaux317, aussi légitimes fussent-ils318. Elle ne peut pas non plus courir le risque d’être dépassée par le mouvement de l’histoire, qu’elle suit, à défaut de le diriger319. Mais cette souplesse et cette volonté d’adaptation, ne s’appliquent pas, bien sûr, au communisme320. Autre signe des temps, en 1958, Pie XII disparaît. Le registre des délibérations du Conseil indique, à la date du 10 octobre 1958 : « Le 9 octobre, nous avons appris avec douleur la mort du Souverain Pontife le pape Pie XII. Le lendemain, une messe de requiem était chantée à la chapelle à son intention. » Et, le 5 novembre, on peut lire :

‘Nous avons appris avec joie l’élection du Cardinal Roncalli, patriarche de Venise, au souverain pontificat. Le nouveau pape a pris le nom de Jean XXIII. Le 29 octobre, lendemain de l’élection, a eu lieu au Collège un salut solennel. Le 4 novembre, jour du couronnement a été également marqué par un jour de vacances et un salut au S. Sacrement. ’
Notes
308.

a. Rappelons-le, la Malaisie était scindée en trois domaines : Settlements (administrés par la Couronne), États fédérés et États non fédérés. Cette partition remontait au XIXe siècle. Elle était le fruit de la politique coloniale britannique, qui revenait à profiter des rivalités locales, en proposant un protectorat aux pouvoirs locaux, dès que ceux-ci se sentaient menacées : en 1830, création des Straits settlements, Établissements du Détroit, Penang, Malacca et Singapour. En 1895, formation des États malais fédérés, Pérak, Selangor, Negri Sembilan et Pahang. En 1919, le Siam transféra à la Grande Bretagne ses droits sur le Kelantan, Perlis, Kedah et Trengganu. Il y eut encore un traité de protectorat signé avec Brunei en 1888, et des traités à caractère d’alliance avec le North Borneo en 1878 et avec Johore en 1885.

b. Il n’est pas inutile de résumer ici les étapes de la réorganisation, puisqu’elle allait conduire à l’indépendance. En 1946, le Colonial office offrit de créer une « Malayan Union » composée de neuf états et deux settlements, Malacca et Penang, séparant Singapour, que les Anglais souhaitaient contrôler, de la Malaisie. Le projet échoua pour deux raisons : d’une part, les sultans s’y opposèrent car ils y perdaient en pouvoir et d’autre part, parce que le projet instaurait une nationalité malaise unique, accordée de manière égale aux immigrés chinois et indiens, ce dont les Malais ne voulaient pas. Paradoxalement, les Chinois n’en voulaient pas non plus. Le projet était trop éloigné de ce que la résistance chinoise marxisante avait envisagé pour la Malaisie (le Kuomintang et le Malayan Communist Party coopéraient depuis 1937), l’abolition des protectorats et des sultanats et la création d’une république indépendante que les Chinois eussent dominée, pour des raisons démographiques. Proclamée le 1er avril 1946, la Malayan Union fut presque aussitôt caduque. Cette même année, le 4 juillet, les Philippines obtenaient leur indépendance. Puis, en 1947, ce fut le tour de l’Inde, du Pakistan et de la Birmanie. En 1948, après avoir entendu les représentants des différentes communautés, un comité consultatif élabora une nouvelle constitution, donnant naissance à la « Federation of Malaya ». Singapour, colonie de la Couronne britannique, restait en dehors de ce groupe de neuf États monarchiques gouvernés par leurs sultans et de deux Settlements, placés sous l’autorité d’un résident britannique. Des institutions représentatives, conseils législatifs et exécutifs, étaient chargées d’assister le gouvernement fédéral, exercé par un haut commissaire britannique. Les Malais, qui seuls jouissaient de la citoyenneté, au détriment des Chinois et des Indiens, étaient prépondérants dans tous les conseils. Ce système eut pour principale vertu de déplaire universellement et de mener tout droit à l’indépendance. Les Malais lui reprochaient de maintenir la tutelle britannique, les Indiens et les Chinois, communistes ou conservateurs, s’offusquaient de ne pouvoir obtenir la pleine citoyenneté que sous certaines conditions.

309.

Le supérieur est le Père Rouhan, remplacé en 1952 par le Père Davias-Baudrit, qui exerça ses fonctions jusqu’en 1962. Il y avait alors entre 80 et 100 élèves en moyenne, venant en majorité de Malaisie-Singapour, de Thaïlande, de Birmanie et de Chine. Au total, jusqu’à la fin des années cinquante, une dizaine de nationalités étaient toujours représentées au Collège, parmi lesquels des Tamouls de Sarawak.

310.

« […] De plus, à cause des constructions nouvelles qui s’élèvent tout à l’entour, il devient nécessaire de clôturer la propriété », Procès-verbaux, 29 mars 1957.

311.

En 1954, Pie XII publie l’Encyclique Ad Sinarum Gentes, adressée aux catholiques chinois. Le Procès-verbal du 27 février 59 concerne également la question des rapports avec les catholiques de Chine : « Conformément au désir exprimé par Notre Saint Père le pape, Mgr Lemaire demande aux maisons de la société de faire un triduum de prières pour demander la fidélité des catholiques de Chine au siège de Rome. Ce triduum aura donc lieu au Collège les 2, 3 et 4 mars, avec bénédiction du S. Sacrement et récitation du chapelet. »

312.

14 septembre 1956 : « Visite du Sup. Général, Mgr Lemaire. On maintient à cette occasion la possibilité pour les Pères du Collège d’aller faire une retraite tous les deux ans à Singapour aux frais du Collège. Wang En Tse Petrus est admis à la faculté de théologie de l’Université catholique de Louvain. »

8 février 1957 : quelques années plus tard, un élève chinois fut autorisé à poursuivre ses études à l’Université de Louvain.

« Mgr l’évêque de Rangoon écrit qu’il veut envoyer à Rome deux des trois élèves du Collège qui ont fini cette année. Il demande l’avis du Conseil pour choisir entre Ai Pius et Ai Gabriel. Le Conseil répond que ce dernier semble plus doué. » Il s’agit ici d’élèves birmans. En juillet 1956, un autre les avait déjà précédé au Collège de la Propaganda Fide.

313.

16 janvier 1953 : « Un élève chinois fera office d’instituteur dans l’école chinoise d’un Père à Kampar ; un autre part pour apprendre le Hakka et faire fonction de catéchiste. On envisage aussi des placements dans d’autres congrégations, les jésuites de Manille notamment, ou des frères allemands de la Merci récemment installés dans un village prés d’Ipoh, en Malaisie, ou chez les frères à Formose. Mais il faut un visa, qui n’arrive pas. »

27 février 1953 : « Le Collège est informé qu’un groupe de chinois de l’Ile de Timor en Indonésie réclame des prêtres chinois : peut-être l’un ou l’autre de nos élèves chinois pourrait-il être accepté là-bas ? Le P. Sup a immédiatement écrit au PP. Jésuites. »

5 mai 1953 : « Lecture du P. Lieou s.j. de Timor. Au sujet des élèves chinois à placer là-bas… Il préfèrerait des sujets parlant la langue portugaise. »

314.

Après la naissance de la Federation of Malaya, voulue par l’Angleterre, les communistes malais, issus de la résistance, mais qui s’étaient organisés en véritable parti, déclenchèrent une insurrection, visant notamment à désorganiser la production de caoutchouc, pour affaiblir l’économie coloniale britannique. En 1946, l’organisation de grandes grèves avaient permis au People’s Democratic Movement de mesurer son empire sur le monde ouvrier : leur échec partiel l’avait incité à rentrer dans la clandestinité. Entre 1948 et 1952, la guérilla, s’abritant dans la jungle, ravitaillée par les paysans, obligea le gouvernement, après l’instauration en juin 1948 de l’état d’urgence dans tout le territoire, à maintenir sous les armes une force de plus de 100 000 hommes, extraordinairement dispendieuse pour la Couronne britannique. En janvier 1952, le haut commissaire H. Gurney était abattu par les communistes. Son successeur, le général Templer, annonça l’intention du gouvernement anglais de mener la fédération vers l’indépendance, mais seulement après avoir réduit l’insurrection communiste. Un Comité, composé de représentants de pays du Commonwealth, mais sans aucun Chinois ou Malais de Malaisie, fut chargé de préparer une nouvelle constitution. Ratifiée par la Conférence de Londres en avril 1952, elle entra en vigueur le 31 août 1957 (Merdaka day, Jour de l’Indépendance), après la résolution de la question de Singapour. Cette évolution radicale concernait d’assez près le Collège général. Les deux settlements, Penang et Malacca, perdaient leur caractère de territoires coloniaux britanniques. Les Malais y étaient nettement privilégiés : le Malais devenait langue officielle, l’islam était proclamé religion nationale.

315.

Sur l’histoire du schisme de Goa, cf. I-1. 2 c. La « romanisation », les supériorats Laigre et Wallays.

La S.C. détient « le monopole de l’affiliation des territoires à une société missionnaire et de la délimitation des circonscriptions ecclésiastiques. », Claude Prudhomme, « Centralité romaine et frontières missionnaires », dans Mélanges de l’École française de Rome, t. 109, MEFRIM, 1997, p. 489.

316.

Encyclique Fidei donum de Pie XII, 1957.

317.

« Si Rome a bien le monopole de la répartition des missions, de leur attribution à des sociétés, de leur délimitation géographique, elle n’est pas pour autant maîtresse du jeu. De là, ses efforts constants pour tenter d’échapper aux contraintes politiques et affirmer malgré les concessions acceptées de facto, son indépendance à l’égard des États nationaux », Claude Prudhomme , op. cit., p. 495.

318.

Dans son discours de Noël 1955, Pie XII avait reconnu le droit des peuples à l’autodétermination, à condition toutefois que soient respectées les valeurs fondamentales de la civilisation.

319.

« Après avoir longtemps opté pour une évolution lente, qui s’accordait avec la tendance spontanée des missionnaires à repousser la passation des pouvoirs au profit du clergé local, le centre romain décide à cette époque, de précipiter la mue. Il impose la nomination d’évêques autochtones, selon un rythme qui s’accélère quand se rapproche la perspective des indépendances. Il s’efforce d’accompagner le mouvement de l’histoire, à défaut de pouvoir le diriger. Plutôt que de retarder une décolonisation inéluctable, l’Église catholique entend être présente dans un processus dont dépend son avenir local », Claude Prudhomme, Missions chrétiennes et colonisation, XVI e -XX e siècle, Paris, Cerf, 2004, chap. 6, « Le ralliement des églises », p. 140.

320.

En 1949, Pie XII a excommunié les catholiques « communisants ». Cf. aussi Claude Prudhomme, Missions chrétiennes et colonisation, op. cit., p. 140 : « Il reste cependant une limite qu’il n’est pas question de franchir : la collaboration avec le communisme. »