a.1 Les préambules : de l’utilité d’un règlement
‘« Comme il s’agit dans cette affaire de créer pour ainsi dire un nouvel établissement,
nous croyons qu’il est de la dernière importance de le munir d’un règlement bien médité
et qui soit absolument constant et invariable. L’expérience nous a instruit des abus qu’entraînent les
changements339 . »’

Mgr Pottier, dans ses conseils aux directeurs du Collège général, insistait sur la nécessité de pérenniser l’institution par une règle constante. Lors de la fondation du premier séminaire, quelques règlements sommaires furent édictés, inspirés par le modèle des séminaires européens. Les directeurs du séminaire étaient chargés de rentrer dans le détail, ce qu’ils ne firent pas, faute de temps. Un an plus tard, en 1665, commença la rédaction d’un règlement, seul moyen, jugeait-on, de garantir la survie de l’institution :

‘À la fin de l’Assemblée générale qu’on teint à Siam l’an de Notre Seigneur 1665, dont les actes ont été imprimés à Rome par l’ordre et aux dépens de la Sacrée Congrégation de la propagation de la foi, sous le nom d’instructions apostoliques, l’on traita de l’érection d’un séminaire dans cette ville royale. On déclara sommairement la manière de vie qu’on y garderait, les principaux exercices qui y seraient pratiqués et l’ordre des actions de la journée, laissant au soin des premiers directeurs du séminaire de régler les détails des choses qui regarderaient sa police et son gouvernement. Mais, comme ils ont toujours été occupés dans de très grandes et importantes affaires pour le bien des missions qui ont laissé peu de loisirs, ils n’ont rien ajouté à ce qui fut résolu pour lors. Maintenant que Dieu nous a fait la grâce de nous réunir une seconde fois dans cette ville par une providence autant admirable que la première, nous avons cru qu’il était de notre devoir avant tout de nous appliquer à bien régler et affermir le séminaire de Siam qui doit être le fondement et la pépinière de nos missions, qui a été en diverses rencontres et par plusieurs actes loué et approuvé du Saint-Siège340.’

Plus tard, Mgr Kerhervé, soucieux d’assurer la transmission de l’expérience et pour éviter que ne se reproduisent certaines erreurs commises par le passé, dans une longue lettre pleine de ses propres souvenirs et impressions, rédigée pour son successeur à la tête du séminaire, préconisa la création d’archives341. Sa lettre, légèrement remaniée, fut promue règle officielle du séminaire de Siam et inspira largement les règlements ultérieurs :

‘En effet, il serait à souhaiter que tous ceux qui ont travaillé à cette œuvre, la plus importante de nos missions, laissassent à leurs successeurs les connaissances que pourraient leur avoir donné l’expérience. Pour l’exécution de ce dessein, il vous faudrait avoir des archives dans lesquelles on conserverait tout ce que les missionnaires qui sont chargés de la conduite du collège auraient composé ou traduit pour son utilité. On devrait surtout y garder soigneusement tout ce qui pourrait servir à l’instruction de ceux qui viendraient après nous. Si nos anciens eussent eu cette attention, je n’aurais pas été réduit à apprendre mon devoir par mes fautes342.’

Si les recommandations de Mgr Kerhervé ont été presque intégralement conservées, par la suite, dans le règlement du séminaire de Siam, un préambule, ultérieurement substitué à sa lettre adressée à M. Artaud343, apporte quelques précisions, fondées sur l’expérience :

‘Ceux donc qui sont chargés de la conduite du collège universel [...] s’ils ne donnent quelque consistance au plan qu’ils doivent suivre, dans le gouvernement de ce collège, que chacun serait peut-être tenté de régler sur ses idées particulières et de réformer sur le séminaire où il aura été élevé. Le moyen de remédier à ces inconvénients serait un règlement fixe qui, fondé sur l’expérience, rendît leurs travaux plus utiles en les rendant plus suivis et plus uniformes344.’

Il entend notamment éviter l’écueil que constituerait une direction trop européanisée, subjective, sans continuité et inadaptée à la mentalité des élèves asiatiques telle qu’on se la représentait alors :

‘On ne manque pas de livres remplis des plus beaux préceptes sur ces matières qui sont communes à toutes les maisons où l’on forme de jeunes ecclésiastiques. On se contentera donc de donner icy en peu de mots, à ceux qui sont chargés de l’éducation de notre jeunesse, quelques règles de conduite sur ce qu’il y a dans ce genre de plus particulier à ce collège345.’

Notes
339.

Mgr Pottier, Conseils sur la conduite du Collège général, aux directeurs du séminaire des M.E, Sichuan, 16 octobre 1780. François Pottier, 1726-1792, missionnaire du Sichuan en 1735, vicaire apostolique en 1767.

340.

Avis pour le gouvernement du séminaire de Siam, 1665.

341.

Pierre Kerhervé, 1725-1766, missionnaire du Siam en 1749, provicaire en 1756, vicaire apostolique du Sichuan en 1764.

342.

Lettre de Mgr Kerhervé, évêque de Gortyne, à M. Artaud, 10 novembre 1764.

343.

Jean-Baptiste Artaud, ?-1769, missionnaire du Siam en 1761.

344.

Lettre de Mgr Kerhervé & Règlement pour les missionnaires qui travaillent au Collège, première partie, art 20.

345.

Idem.