a.2 Les différents règlements : de l’origine des textes à leur forme définitive346

De nombreux textes régissent donc la vie au Collège général : les règlements des supérieurs et des directeurs, ceux portant sur l’usage des dortoirs ou les déplacements de la communauté hors du collège, et enfin les règlement des élèves. Celui des élèves de Penang, rédigé en latin, imprimé, muni de l’approbation des vicaires apostoliques ou de la Propaganda Fide, est largement inspiré par les textes antérieurs. Leur comparaison fait apparaître de nombreux emprunts et quelques évolutions mais, dans l’ensemble, ces documents forment un corpus d’une grande homogénéité. Un premier groupe se compose de textes manuscrits, parfois des copies récentes, consistant essentiellement en recommandations adressées par les premiers supérieurs du séminaire du clergé indigène à leurs successeurs347. Ces documents ont exercé une influence qui se fit sentir jusqu’à l’époque contemporaine. Le second groupe comprend les deux premiers règlements des élèves à proprement parler348. Précédés d’une « admonition des supérieurs » en guise de préambule, les articles sont répartis en « règles générales » et « règles particulières ». Marqués de l’empreinte des textes précédents, ces documents peuvent être, à leur tour, considérés comme la matrice des règlements promulgués à Penang lesquels, très souvent, se bornent à les reproduire presque sans variante.

Nous possédons trois versions du règlement des élèves du collège de Penang349. La première est probablement entrée en vigueur en 1848. Le seul exemplaire de ce règlement dont nous disposions, présenté sous la forme d’un opuscule imprimé en latin, n’est pas daté.

[Figure nº5]
[Figure nº5]

Nous savons que les règlements de Siam furent considérés comme des modèles, au Collège de Penang, au moins jusqu’en 1848. Le registre des procès-verbaux du Conseil des directeurs du 12 juin 1848 évoque explicitement « l’ancien règlement de Siam », qu’il suggère de prendre comme modèle350. Or, le 10 juillet de la même année, le même registre mentionne un nouveau règlement des élèves :

‘Monsieur le supérieur, ayant communiqué à chacun de MM. les directeurs en particulier le nouveau règlement des élèves rédigé sur l’ancien en y ajoutant les décisions prises en Conseil dans les séances précédentes, a prié le Conseil de faire les observations qu’il jugerait convenables avant de l’adopter351.’

Qu’il s’agisse explicitement d’un règlement des élèves évite bien des confusions ; en 1844, il y avait déjà eu, en effet, un nouveau règlement, destiné non pas aux élèves, mais aux missionnaires. En 1870 enfin, il est encore fait allusion à un nouveau règlement. C’est celui de la Société des Missions Étrangères, sur la réforme duquel les missionnaires eurent à se prononcer :

‘Le supérieur a lu au Conseil un projet de lettre commune pour communiquer au Conseil de Paris l’avis des directeurs du Collège sur le nouveau projet de règlement à donner à la Congrégation352.’

En 1848, les grands débats sur l’utilité de former un clergé local, la capacité des indigènes à devenir des prêtres convenables et l’existence même d’un séminaire chargé de les instruire, sont presque clos. Le Collège général étant une institution pleinement légitime, héritière d’un savoir-faire séculaire, le préambule du règlement de 1848 se borne à affirmer la nécessité d’une loi écrite - scripta manent - manière irremplaçable de préserver l’ordre communautaire :

‘Aucun corps de la société humaine ne peut subsister si ses différents membres ne sont liés par la chaîne de quelque loi et la légèreté de la jeunesse est probablement moins bien contenue dans les limites de ses devoirs par des règles exprimées de vive voix. Aussi avons-nous décidé que les règles seraient consignées dans le texte qui suit et que nos élèves devraient les observer. S’ils y conforment exactement l’ordonnancement de leur vie, nous espérons qu’ils atteindront la bonne opinion que nous avons d’eux et même qu’ils la surpasseront353.’

Les règlements les plus récents, quant à eux, reprennent par deux fois ce même argument, dans le préambule, et dans l’introduction du chapitre IV, consacré à la discipline354. Il existe une seconde version du règlement des élèves, datée de 1926, elle-même très légèrement remaniée par une troisième version, en 1932, qui reçut l’approbation de la Propaganda Fide. Soulignons que ces deux derniers textes ne se distinguent de celui de 1848 que par leur agencement. La succession des chapitres y est réaménagée plus logiquement, des subdivisions sont introduites, lorsque le texte antérieur rassemblait des éléments parfois disparates. Les règles particulières forment encore, par exemple, une partie distincte, les règles générales étant désormais incorporées à un chapitre consacré à la discipline. Le règlement de 1848 se termine par une longue lettre édifiante, adressée en 1809 aux élèves de Penang par Mgr Dufresse355, épître dont la lecture leur est fermement recommandée356. Ceux de 1926 et de 1932 s’achèvent sur le programme des études. Mais il n’y a, au fond, aucune différence vraiment remarquable entre ces documents. Enfin, des « règlements particuliers » apportent de nombreuses indications supplémentaires sur les obligations imposées aussi bien aux élèves qu’aux missionnaires. Ainsi, par ses multiples emprunts aux époques précédentes, le règlement des élèves de 1848, lui-même repris quasi in extenso par les règlements plus récents, peut-il être considéré comme le pivot du corpus tout entier. À ces règlements des élèves, il convient d’ajouter ceux des missionnaires eux-mêmes. Il existait plusieurs textes de référence sur ce sujet, en usage à Penang : l’ancien règlement des missionnaires de 1764, destiné aux directeurs du Collège Saint-Joseph, en Thaïlande, dû à Mgr Kerhervé, et les Conseils de Mgr Pottier sur la conduite du Collège général, de 1780357. Au XIXe siècle s’y ajouta une règle manuscrite, signée par les Rds Pères Langlois, Dubois, Barran, Albrand, Legrégeois, Voisins, Tesson, Jurines, en date du 6 mai 1847358. En 19 articles, elle aborde les principaux aspects du gouvernement du Collège et fixe les obligations des missionnaires. Les différents pouvoirs y sont délimités : un supérieur (proposé par Paris), un procureur chargé des finances, une assemblée délibérative des directeurs359. Chaque année, le supérieur se doit d’adresser un rapport circonstancié au séminaire de Paris, le procureur tenant, quant à lui un registre des comptes. Le Collège pourvoit à l’entretien du supérieur et des directeurs, qui ont la charge de faire appliquer le règlement par les élèves. En cas de manquement grave au règlement, l’élève peut être renvoyé, mais seulement au terme d’une délibération.

Notes
346.

Voir Annexes 1-A, Autour du règlement de 1848, étude synoptique.

347.

Avis pour le gouvernement du séminaire de Siam, 1665, archives de Siam, vol. 129.

Manière d’élever les écoliers indiens, lettre datée du 5 octobre 1718, manuscrite, due à M. Roost, ancien supérieur du collège de Siam à partir de 1713, copie d’après l’original en 1764, vol. 891, p. 37.

Lettre de Monseigneur Kerhervé, évêque de Gortyne, à M. J.-B. Artaud, 10 novembre 1764, DB 460-4.

348.

Regula Collegii Sanctorum Angelorum, 1765, copie manuscrite en latin, vol. 340 n° 22.

Regula Collegii Sacra Familia, sans date, copie manuscrite en latin, archives de Penang, carton 3, CG 007.

349.

Regulae Seminarii Generalis Pulo-Pinang, 1848, imprimé en latin, comprend une lettre de 1809 signée par Mgr Gabriel-Taurin Dufresse, archives de Penang, carton 3 - CG 007.

Regulae Seminarii Generalis societatis parisiensis Missionum ad exteros in Penang, 1926, imprimé à Rome en latin, archives de Penang, carton n° 3, CG 009.

Regulae Seminarii Generalis societatis parisiensis Missionum ad exteros in Penang, 1932, imprimé à Hong-Kong, en latin, archives de Penang, carton n° 3, CG 010.

350.

CG 002A, 1.1847-1859.

351.

Idem.

352.

CG 002A, 2.1859-1877.

353.

Règlement des élèves, 1848, « Admonition des supérieurs. »

354.

« La discipline consiste dans un ensemble de règles auxquelles les élèves doivent conformer leurs vies. Ces règles apportent l’ordre sans lequel nulle société ne peut subsister […] », 1927-1932, chap. IV, De la discipline.

355.

Mgr Gabriel-Taurin Dufresse (1750-1815), du diocèse de Clermont, missionnaire en Chine (Sutchuen), vicaire apostolique en 1800, martyrisé en 1815, béatifié en 1900.

356.

« Que chacun pour ce qui le concerne observe avec diligence ces règles ainsi que la lettre envoyée aux élèves de ce séminaire par le révérend et illustre évêque de Tabraca, vicaire apostolique, mis à mort au Sutchuen, en haine de la foi », Règlement, 1848, Règles particulières, art. 34.

357.

Règlement pour les missionnaires qui travaillent au Collège, 1764, copie manuscrite en français, avec l’approbation de Pierre Brigot, vic. apost. de Siam (1755), Guillaume Piguel, vic. apost. de Cochinchine (1762), & Pierre-Jean Kerhervé, provic. apost. du Sutchuen (1756), vol. 340-A n° 1. Ce document, destiné au Séminaire Saint-Joseph, ancien nom du Collège des missions à Juthia (Siam), est daté de 1764. Il est calqué sur la lettre de Mgr Kerhervé, mais exprimé dans le style administratif indirect, Mgr Kerhervé écrivant, lui, à la première personne.

Conseils sur la conduite du Collège général. Mgr Pottier aux directeurs du séminaire des ME, Se-tchoan, 16 octobre 1780, lettre citée par A. Launay, Histoire de la mission de Siam, 1662-1811, documents historiques II, AME, vol. 438, p. 26.

358.

Règles concernant les Supérieurs et Directeurs du Collège Général de Pulo-Pinang,CG 007. Il existe au moins quatre copies manuscrites de cette même règle (dont une in DB 460-5 ; 1838-1849), cf. Annexes 1-A.

359.

« Nous pensons donc que l’essentiel dans cette affaire est de trouver pour supérieur une personne d’un âge mûr, d’une piété éclairée, qui ait du talent, de la fermeté, de l’expérience et qui soit entièrement décidée à se fixer pour toujours à cet emploi », écrivait Mgr Pottier dans ses Conseils sur la conduite du Collège général du 16 octobre 1780, AME, vol. 438.